Les ponts de Paris (8)

Me revoilà à Paris (pour de faux ou pour semblant, disaient les enfants, avant). Paris et ses ponts. Je vous en ai promis trente-sept (37)  puisque c’est le nombre actuel de ponts dans la ville. Je continue ma série, au fil de l’eau, par le huitième : le Pont d’Austerlitz. Un bisou au passage à Geneviève, indéfectible Parisienne qui, elle, écrit au “fil de ses souvenirs”. Continuer la lecture

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Une agréable rencontre

Quand on tient un blog, on fait des «rencontres» virtuelles et ainsi se nouent des liens d’amitié qui, si le hasard fait bien les choses, peuvent aboutir à des rencontres.

J’ai découvert, il y a quelques semaines, le blog de Magitte et j’ai eu plaisir à échanger quelques mots sur internet avec cette dame dont la façon d’écrire me charmait, sans compter que les sujets qu’elle évoquait m’intéressaient toujours.

Comme je devais passer une toute petite semaine à Toulouse au cours de mon séjour métropolitain, j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer Magitte (ou Geneviève). J’espère qu’elle a été aussi heureuse que moi de notre rencontre. Ce jour-là, s’il avait fait beau, je pense que nous aurions pu aller faire une petite promenade mais le ciel toulousain s’était mis au gris et à la pluie, nous sommes restées une après-midi chez elle.

Nous avons passé quelques heures à bavarder, sans blancs dans la conversation. Geneviève est comme je l’imaginais, pétillante de vie, curieuse de tout, décidée : vivante, ce qui pour moi résume tout. C’est un vrai bonheur de passer un moment avec elle et quand, en prime, au moment de partir, elle m’a offert son livre de souvenirs, j’ai été enchantée. J’ai cependant un regret : sous le coup de l’émotion peut-être, je n’ai pas pensé à lui demander une dédicace ; je déplore d’être aussi tête en l’air par moments. Je n’ai pas osé retourner lui demander son autographe (il ne faut pas abuser et ne pas trop déranger) mais je me suis promis, si je peux retourner la voir, de rapporter le livre et de demander quelques mots manuscrits sur la page de garde.

Quand je suis rentrée dans mon chez-moi de passage, je me suis empressée de lire «Au fil de ma mémoire». Il pleuvait, j’en ai profité.

Quelle bonne idée a eu Geneviève de faire publier ses souvenirs ! Ils ont en vrac, tels qu’ils lui reviennent. Ce sont des petits récits qui ont pour lien l’époque 1939-1945. J’aurais aimé que ma grand-mère fasse la même chose quand elle était vivante. Me déciderai-je un jour à mettre par écrit ce qu’elle m’a raconté ? La guerre vue par ma grand-mère, la dernière (39-45) et celle d’avant, pourquoi pas ? La grande guerre, celle qui devait être la der des ders…

Ce qui me surprend dans le livre de Geneviève, c’est cette volonté de toujours trouver quelque chose de plaisant à raconter même quand la situation était sombre. Ma grand-mère faisait la même chose, toujours rire ou sourire des événements les plus tragiques soient ils.

Les souvenirs de Geneviève sont encore plus prenants que ceux ma grand-mère car Magitte a connu l’exode, drame qui a été épargné à mon aïeule puisqu’elle vivait en «zone libre» à Grenoble, près du maquis du Vercors.

Curieux cette notion de “zone libre” quand on sait ce qui se passait.

Il y avait la fameuse ligne de démarcation dont le but était de séparer distinctement deux zones, en créant ainsi une frontière entre la zone libre et la zone occupée. Cette ligne, longue de 1 200 kilomètres coupait la France en deux. Sur un total de 90 départements, l’armée allemande en occupait 42 entièrement, 13 partiellement, tandis que 35 n’étaient pas occupés. Les trois quarts du blé et du charbon français étaient produits en zone occupée, ainsi que presque tout l’acier, le textile, le sucre. La zone libre était ainsi très dépendante de l’Allemagne. Il n’était possible de franchir la ligne de démarcation légalement qu’en obtenant très difficilement un Ausweis (carte d’identité) ou un Passierschein (laissez-passer) auprès des autorités d’occupation après maintes formalités.

Je reviens à ma rencontre toulousaine, et je me permets de citer un extrait d’un «chapitre» du livre de Geneviève pour vous montrer comment elle arrivait à rire même du dramatique. C’était pour elle l’exode de Paris vers Vierzon (elle était partie, comme tous ceux qui étaient sur les routes, sans connaître sa destination). Elle était transportée par des militaires, dans un camion de munitions, assise sur des caisses, avec d’autres membres de sa famille, en route vers le sud de Paris.
«Comme ils (les soldats) avaient peur, ils descendaient de leur habitacle et quand nous ne pouvions aller nous mettre à l’abri dans un fossé, ils venaient cacher leur tête et leurs avants-bras, en passant la moitié de leur corps par l’ouverture pratiquée à l’arrière du camion puisque nous roulions bâches relevées pour avoir de l’air ! … Ils se sentaient ainsi en sécurité puisqu’ils ne voyaient rien ! En résumé, ils «tendaient leurs autres joues» !  C’était idiot et cela nous faisait rire…»

Et tout le long du fil des souvenirs, les anecdotes amusantes apparaissent comme de petites lueurs d’espoir dans un monde tourmenté.

Heureusement, Geneviève était capable de bien prendre les choses, elle répète souvent qu’on ne pouvait faire autrement. Peut-être qu’elle et quelques autres partageaient ce point de vue (dont ma grand-mère), ceux dont l’envie de vivre est plus forte que tout, vivre droit, debout ; pourtant nombreux sont ceux  qui se sont morfondus. J’ai entendu des moins à plaindre qu’elle, qui ont pleuré tout le reste de leur vie sur leur triste sort «d’enfants de la guerre». Geneviève est une battante, elle encaisse et vous dit à travers son attitude (moi j’ai entendu ça) : «Show must go on !»

Bravo Geneviève pour votre vivacité, votre amour de la vie, vos réflexions, votre humilité et votre caractère. Malgré votre petite taille (qui se réduit encore, m’avez-vous dit), Geneviève vous êtes une grande dame et «merci» encore pour les moments que vous m’avez accordés, j’ai très envie d’écrire : offerts.

Merci et à bientôt.

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Mai 68 : troisième et dernier épisode de cette série

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