Gant(s)

J’ai terminé mon dernier article avec cette expression “prendre des gants“, c’est-à-dire prendre des précautions pour ne pas blesser quelqu’un. Prendre des gants, c’est être poli, mettre des formes, agir avec diplomatie, avec tact, être prudent, modéré, se retenir. Ce n’est pas être hypocrite mais simplement tenter de faire preuve de politesse et de bienveillance.

Le mot “gant” entre dans bien des expressions françaises, je vous en propose quelques-unes :

  • Aller comme un gant : convenir parfaitement.

  • En être pour ses gants : en être pour ses frais.

  • Entrer comme un gant (mis pour entrer comme dans un gant) : entrer facilement.
  • Gant (de) Notre-Dame, gant de bergère : nom usuel de la digitale pourpre, d’une campanule et de l’ancolie vulgaire.

  • Gant de boxe : gant de protection, confectionné en cuir et rembourré de crin.

  • Gant de crin : sorte de moufle en crin tricoté, utilisée pour frictionner le corps.

  • Gant de toilette : poche en tissu-éponge, utilisée pour se laver.

  • Gant d’oiseau : gant qui recouvre la main du fauconnier et la protège des serres de l’oiseau qu’elle porte.

  • Jeter le gant à quelqu’un : le défier, le provoquer.

  • Relever, ramasser le gant : accepter un défi.

  • Retourner quelqu’un comme un gant : le faire complètement changer d’avis (c’est le propre de certains manipulateurs : retourner leur victime).

  • Se donner les gants de : s’attribuer le mérite de quelque chose que l’on n’a pas fait ; exagérer ses mérites, se vanter .

  • Souple comme un gant : très souple ; d’une humeur accommodante sinon servile.

  • Une main de fer dans un gant de velours : une autorité ferme sous une apparence douce, ferme mais diplomate.

Ce mot gant me rappelle aussi un vers de Victor Hugo et amène une réflexion socio-politique :

Vous n’êtes que le gant, et moi je suis la main.
Victor Hugo, Ruy Blas, III, 5,

dit Don Salluste qui rappelle ainsi sa condition et son rôle à Ruy Blas ; il insiste sur le fait qu’il  n’est que l’objet, l’instrument de sa vengeance. Ruy Blas, valet  amoureux en secret de cette “étoile” qu’est la reine, va prendre, peu à peu, l’allure d’un grand seigneur et, sous son déguisement de ministre, il va devenir un porte-paroles des oubliés. Même si l’intrigue a pour cadre l’Espagne et la cour de Madrid vers 1690, bon nombre de critiques du gouvernement visent, en réalité, la France de 1838. Pour Victor Hugo, auteur engagé, il s’agit de montrer et de faire prendre conscience au spectateur de la lente agonie d’un régime politique : autrefois forte et puissante, l’Espagne est ruinée par les luttes intestines, les guerres et le déclin commercial. Hugo met en scène un roi absent et incompétent et des ministres qui ne pensent qu’à s’enrichir en pillant les coffres de l’Etat. Le député Hugo s’attaque indirectement à la monarchie de juillet (Charles X est un roi extrêmement critiqué qui va devoir céder sa place, quelques années après l’écriture de la pièce).

Victor Hugo met au premier plan de la tirade de Ruy Blas des interrogations politiques qui lui sont personnelles : le rôle de la naissance, le rôle du peuple sur le plan politique, la notion de mérite individuel et des compétences ; l’idée selon laquelle le pouvoir devrait être exercé par des gens doués et pas nécessairement bien nés, a fait son chemin depuis le siècle des Lumières et la Révolution Française de 1789 a contribué à diffuser l’idée d’une égalité des droits entre les citoyens (Ruy Blas a l’étoffe d’un véritable dirigeant alors qu’il est né valet).

Cette situation est quelque peu invraisemblable et la mort du héros, à la fin, marque le pessimisme d’une génération désenchantée, celle de Victor Hugo a vu échouer finalement la révolution de 1830 (avec ses trois journées des 27, 28 et , dites « Trois Glorieuses ».

Génération désenchantée… Ça fait un moment que ça dure.

Rien n’a de sens, et rien ne va, Tout est chaos

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3 réflexions sur « Gant(s) »

  1. Parfois il faut tourner sa langue avant de parler
    Mais aussi prendre des gants pour ne pas froisser
    ——–Merci pour ton billet très intéressant
    Bonne journée

  2. Je prends des gants avec mes amis que je ne veux ni braquer, ni froisser, mais avec les autres je n’en prends que si eux mêmes en prennent !
    Et en général, quand on le sait on fait attention !
    Passe une bonne journée Françoise
    Bisous

  3. bonjour chère Françoise, beaucoup de possibilités avec “les gants” , je suis plutot du genre “prendre des gants” , à quoi bon se disputer si on peut l’éviter ! je n’aime pas froisser ! ceux que je n’aime pas, je cesse de les frequenter ! bonne journee chere Françoise, bises

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