Réflexions

Dans un pays démocratique, chacun est libre de penser et de parler comme bon lui semble et c’est tant mieux. Tout un chacun peut faire des bêtises, se tromper mais il est de notre devoir de relever les erreurs et de les faire remarquer à leur auteur, le plus aimablement possible. Si besoin est, dans une société organisée, il faut faire appliquer la loi et, éventuellement, faire appel aux forces de l’ordre. Encore faut-il que la loi et les forces de l’ordre soient respectées !

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Traité sur la tolérance, Prière à Dieu

Aujourd’hui  dimanche, je laisse l’essentiel de la parole à un auteur que j’adore : VOLTAIRE. Ce texte est, à mes yeux, LA référence quand on parle de tolérance.

Pourquoi Voltaire ? Pourquoi Dieu ? Pourquoi tolérance ?

D’abord, parce que c’est dimanche et parce que j’ai envie (ce qui est une excellente raison) et parce que Voltaire me semble l’un des auteurs les plus aisés à comprendre (même si son ego était sans doute un peu hypertrophié), il me permet de mettre les choses au point entre vous et moi ; parce que j’évoque Dieu, de temps à autre, plus par habitude (ou tic ?) de langage que par réelle foi ; je suis une mécréante, ne vous choquez pas, je dis haut ce que d’autres pensent tout bas (je me comporte sans doute mieux que quelques bigots dits aussi hypocrites, pharisiens, ou tartuffes). Enfin la tolérance, parce que nous sommes de moins en moins indulgents, malgré nos grandes déclarations, envers l’autre qui n’a pas la bonne couleur de peau, mange, boit, s’habille  différemment. Peu m’importe  à moi, ses différences, tant qu’il n’empiète pas sur liberté des autres, ni (surtout) sur la mienne, qu’il se conforme à la morale reconnue dans mon pays. Il faut bien qu’un ordre soit établi ; pourtant combien de fois ai-je eu envie de crier “Ni Dieu ni maître” ? Ca, c’est un autre sujet. Revenons-en à Voltaire.

Bonne lecture

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Traité sur la tolérance, Prière à dieu, chapitre XXIII de Voltaire


Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un coeur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible. Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.

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Ce que j’aime dans ce texte c’est qu’il a l’apparence d’une prière à Dieu, mais qu’il s’adresse aux hommes.

Les premiers destinataires de la prière  sont les hommes : “Ce n’est donc plus aux hommes”, c’est une figure de style efficace pour attirer l’attention : la prétérition (silence non tenu).

Puis tout en feignant de s’adresser à Dieu, Voltaire insiste sur l’infériorité des hommes face au Tout-Puissant. Les hommes sont si fragiles et stupides : “faibles créatures”, “imperceptibles” , “nos débiles corps”, “les atomes appelés hommes” qu’ils ne peuvent pas comprendre, or je pense que Voltaire avait foi en l’intelligence humaine.

L’adresse faite à Dieu est peu marquée il n’y a que deux verbes “daigne”  et “fais que”, en revanche le contenu de la demande est très importante, mais, comme le “fais que” n’est pas répété, la demande s’adresse directement aux hommes.

Dieu est universel et bon,  Voltaire cite sa générosité absolue : “à toi qui as tout donné “, sa puissance et son éternité “dont les décrets sont immuables comme éternels”,  “ta bonté”, son omniscience  “car tu sais”, mais Voltaire est-il sincère ou ironise-t-il une fois de plus ?

Le contenu de la prière est propre à une prière : il renvoie à la compréhension. Dieu est-il compréhensif ? Il est Tout-Puissant et décide donc pas de compréhension, à la tolérance entre les hommes, “tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr et des mains pour nous égorger”, il  écarte la responsabilité divine pour mettre en avant celle des hommes. Dieu a donné des capacités aux hommes qu’ils utilisent mal. Le Tout-Puissant ne l’est donc pas tant… tout puissant si les hommes font ce qu’ils veulent (ah, c’est le libre-arbitre !?).

Voltaire joue l’humilité pour ne pas trop choquer ses contemporains, son humble  demande souligne la soumission de l’homme devant Dieu : “s’il est permis à de faibles créatures” d’ “oser te demander”, “daigne”. Dans quelle mesure ne joue-t-il pas au Tartuffe ?  Il s’adresse aux hommes et il insiste sur leur comportement destructeur, “haine et persécution”, “haïr et égorger”, “nos lois imparfaites”, “vanité”, “la tyrannie”, “le brigandage “, ” les fléaux de la guerre “…

La partie de ce texte qui me le fait aimer beaucoup, c’est cette condamnation des rites, des dérives religieuses, sectaires. Voltaire reproche aux ecclésiastiques leur goût pour l’argent, la fortune et le pouvoir.

Il utilise des périphrases pour désigner cette hiérarchie ecclésiastique, cette mascarade : “ceux dont l’habit est teint en violet” (évêques), “ceux dont l’habit est teint en rouge” (cardinaux), ou d’autres encore “sous un manteau de laine noire”, ça ne vous rappelle rien d’actuel ces déguisements ? Je passe sous silence les “quelques fragments arrondis d’un certain métal” (argent), “un jargon formé d’une ancienne langue” (latin). Toutes ces périphrases  sont dépréciatives, elles dévalorisent volontairement comme le “petit tas de la boue”, “ces petites nuances”.

Voltaire ne s’adresse pas au Dieu des chrétiens mais au Dieu de tous les hommes : “Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, de tous les temps” “à bénir également en mille langages divers”. C’est celui-là mon éventuel Dieu.

Il faut arriver à dépasser toutes les pratiques religieuses rituelles qui divisent les hommes et rejeter toutes les formes de violence dans le respect d’autrui.

Qu’en pensez-vous ? Est-ce possible ? A qui s’adresser ? A Dieu ? Aux hommes ?

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Il faut être juste avant d’être généreux

Nicolas de Chamfort (1741-1794) fut un moraliste d’une tragique lucidité (ce n’est pas bon d’être trop lucide) et un républicain de la première heure qui finit mal, comme beaucoup d’autres.

Lui fut particulièrement malchanceux (je pense à Mme Pas d’Bol : il y a toujours pire, non ?). Donc ce brave Nicolas, je commence par la fin, (ce n’est pas grave, je vais essayer d’être claire malgré tout), sans doute dépité par ce qu’il voyait – ou comment une révolution et l’organisation qui s’en suit peuvent mal tourner – commence à devenir dépressif, puis clairement  terrorisé par une Terreur qui n’avait pas commencé (il fallut attendre 1794). Menacé d’arrestation, sachant ce qui l’attendait dans les geôles (il avait déjà testé) et surtout comment on raccourcirait sa vie à la sortie, il prit la décision de choisir sa fin lui-même et tranquillement, chez lui, il se tire une balle dans la bouche. C’était le 14 novembre 1793.

Je vous ai dit que c’était Monsieur Pas de chance, lucide mais “guignard” ; pour lui, c’est le comble du suicide raté (ou presque) : il se tire donc une balle dans la tête mais le pistolet fonctionne mal. Il perd le nez, une partie de la mâchoire, et ne meurt pas (par contre, il devait avoir drôlement mal). Il ne perd pas espoir et se saisit d’un coupe-papier pour s’égorger. Comme il était bibliothécaire et pas médecin, il ne trouve pas l’artère et se contente de  se  coupailler et de faire des tâches de sang de partout. Il persiste avec le même coupe-papier et se “farfouille” dans le ventre, la poitrine puis les jarrets. Ses échecs répétés l’épuisent, il perd alors connaissance. Un de ses serviteurs (il était le bibliothécaire de la Bibliothèque de France et avait un certain standing) le retrouve dans une mare de sang, appelle alors barbier, médecin et chirurgien qui arrivent à le sauver. La Grande Faucheuse était en grève et Dieu sans doute vexé par les mécréants de l’époque. Il mourra quelques mois après, affaibli, mais reconnu non coupable des accusations qui l’avaient angoissé. C’était le 13 avril 1794, soit 5 mois après son suicide… raté.

Je reviens au début de son histoire. Né en Auvergne,  en 1741, probablement fils naturel de Jacqueline de Montrodeix et de son chanoine, il fut déclaré de parents inconnus et adopté par François Nicolas et sa femme. Sébastien Roch Nicolas  (c’était son nom) fut envoyé au collège, à Paris, vers l’âge de dix ans. Un peu indiscipliné, il remporta malgré tout de nombreux prix, refusa de devenir homme d’Église et se mit à écrire sous le nom de Nicolas de Chamfort. Ses écrits lui valurent des accusations d’immoralité et un vif succès littéraire : il collabora au Journal encyclopédique, fréquenta l’aristocratie et le monde des lettres, reçut plusieurs prix et devint secrétaire des commandements de Condé (qu’il quitta en 1777). Après avoir été élu à l’Académie française en 1782, il se retira à la campagne, puis reçut, en 1786, une pension royale (il devint alors secrétaire de la sœur du roi). À la suite de Mirabeau, pour qui il rédigea plusieurs textes, il prêcha la démocratie, puis fonda la Société de 1789. En 1792, il fut nommé à la direction de la Bibliothèque nationale. Malgré son enthousiasme pour la Révolution, il fut plusieurs fois emprisonné.  Il laissa des “petits carrés de papier” qui firent sa gloire et furent publiés, après sa mort, en l’an II de la République : les Maximes et pensées, caractères et anecdotes. Ils sont le témoignage impitoyable de la fin d’un monde. Des confessions déguisées révèlent, en même temps que la tristesse et la misanthropie de leur auteur, sa foi dans l’intelligence, seul refuge de l’homme.

J’ai toujours beaucoup aimé Chamfort qui m’a servi à enjoliver quelques courriers échangés avec l’Administration. Une phrase me revient, elle s’applique particulièrement à ces jours-ci :

“Il faut être juste avant d’être généreux, comme on a des chemises avant d’avoir (d’y mettre) des dentelles”.

Pourquoi me direz-vous ? Et bien, parce que ce mardi, 19 avril 2011, j’ai appris que les salaires des fonctionnaires étaient gelés une année de plus alors que :

– tous les prix augmentent : eau, gaz, électricité (prévoyez encore + 2,9% au 1 juillet), essence, fuel, pain, ticket de métro de bus, de train, d’avion, téléphone, farine, lait, etc ;

– les honoraires médicaux augmentent, les remboursements des frais médicaux, médicaments diminuent ;

– le pouvoir d’achat rétrécit comme une peau de chagrin ;

– le prix de l’immobilier est exorbitant ;

– les impôts locaux explosent ;

– les ménages français tirent de plus en plus le diable par la queue ;

et

– le Président, les ministres, les parlementaires, en particulier ceux du Parlement Européen, s’augmentent sans remords ; selon le Progrès du 9 mars 2011, une augmentation de 1 500€ mensuels pour l’enveloppe de leurs frais d’assistants, enveloppe qui était de 19 709€ par mois en plus de leurs indemnités de 7 956€ ;

– les frais accessoires de nos représentants sont des frais somptuaires : véhicule, logement, avions, taxis, pressing, cigares… sans compter les réceptions diverses  ;

– réunis à Bruxelles, les Ministres des Affaires Etrangères Européens ont débloqué 180 millions d’euros pour la Côte d’Ivoire ;

– notre Président, par la voix de sa Ministre des Finances, Christine Lagarde, a annoncé que  la France octroyait une aide financière exceptionnelle de 400 millions d’euros pour les dépenses d’urgence et la relance de l’économie à la Côte d’Ivoire ; 400 millions d’euros pour l’économie ivoirienne alors qu’entre 2002 et 2008, selon un rapport KPMG (cabinet d’audit international) 615 millions d’€ ont été détournés par le clan Gbagbo sur le commerce du cacao.

Questions :

1 – Quid des 6 milliards d’euros planqués par la famille Gbagbo ? Ne pourrait-on pas geler ces fonds détournés sur le peuple ? Et les 9 milliards des Ben Ali ? Ne pourraient-ils être restitués au peuple tunisien ? Et Moubarak : 50 milliards d’euros ? Et Khadafi : 72 milliards ! Pourquoi devons-nous rembourser, nous, les contribuables, les détournements de tous les corrompus de la planète ?

2 – Quelle aide d’urgence pour la relance de l’économie française ?

3 – Quelle aide d’urgence pour les Français sans emploi, sans logement et qui restent dignes ?

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Il faut être juste avant d’être généreux… surtout quand c’est avec l’argent d’autrui, l’argent de ceux qu’on lèse.

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Eloge de la paresse

Aujourd’hui, vous allez pouvoir découvrir l’une de mes théories préférées.

Contrairement à ce qui est communément admis, pour moi, la paresse n’est pas un défaut, bien au contraire. La paresse est signe d’intelligence, c’est un des moteurs de l’évolution humaine.

Je m’explique. Ne vous énervez pas et ne me parlez pas des sept péchés capitaux. Je suis sûre que vous les avez oubliés et je me demande même si vous aviez bien compris. On révise. Il y avait :

  • 1 – l’orgueil
  • 2 – l’avarice
  • 3 – l’envie
  • 4 – la colère
  • 5 – la luxure (quand j’étais petite, je croyais qu’il ne fallait pas aimer le luxe)
  • 6 – la gourmandise (là, tout le monde n’est plus d’accord, les anglo-saxons nomment ce péché « gluttony » et je crois que ce n’est pas être gourmand qui est condamné mais être glouton).
  • 7 – la paresse (c’est la paresse morale, qui éloigne de la prière et de la réflexion qui est considérée comme péché, non la fainéantise, encore moins le goût de la vie, quand on ne veut pas se tuer au travail).

Souvenez-vous que la religion, contre laquelle la Première République s’est battue, maintenait le peuple dans l’obscurantisme et la soumission.

« L’oisiveté est mère de tous les vices », ajoutez-vous ? Certains de nos vices actuels ne sont -ils pas une conséquence de notre mal être au travail ? Pourquoi la pause cigarette, pourquoi  le petit verre le soir en rentrant sinon pour vous remonter le moral ? Moi, je vous dis que le  travail nous tue à petit feu : nous souffrons de ne pas avoir d’emploi, nous  souffrons des conditions de travail difficiles (cadences, objectifs…). Bref, le travail fait souffrir. J’y reviens au travail une fois de plus : le travail, c’est tripalium,  torture. Cette torture nous procure de l’argent qui nous permet d’être bien inséré dans la société. Je travaille, je gagne de l’argent, je paie mes impôts, je consomme (Qui a dit “je dépense donc je suis” ?). Attention aux mots : penser et dépenser. Si je pense, je suis un révolté et si je dépense, je suis un bon citoyen.  Et si je ne veux plus faire partie du troupeau des décérébrés ?

Faire l’éloge de la paresse, c’est entrer en résistance. Etre paresseux est un acte de rébellion contre l’ordre établi, contre l’esclavage et contre le capitalisme. Céder à sa paresse, c’est redevenir libre.

Quand on est paresseux, il ne s’agit pas de ne pas accomplir la tâche qui nous a été confiée mais de la mener à bien en optimisant son temps de travail afin de dégager du temps libre, pour autre chose de plus plaisant que le travail. Attention toutefois aux imbéciles paresseux qui mettent le monde en danger. Ils existent malheureusement et ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

J’en reviens à mon paresseux idéal : le paresseux intelligent.  Il se ménage. Pendant que les autres s’agitent, il regarde, s’étonne, prend son temps et voit les erreurs à ne pas commettre. Il optimise l’utilisation de son cerveau, de ses mains et de son temps de travail. En terme de résultats, le paresseux intelligent ne travaille pas moins  que les autres, il travaille plus vite, de manière plus efficace, il travaille mieux ! C’est ça l’efficience. En souhaitant épargner du temps et de la fatigue, il met au point de nouvelles méthodes de travail.

Les paresseux changent la face du monde mais ne le revendiquent pas. Ils sont modestes et n’osent pas crier sur les toits qu’ils se ménagent. Ca ne se fait pas. Et pourtant, ne devrait-on pas les remercier ?

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