Il faut être juste avant d’être généreux

Nicolas de Chamfort (1741-1794) fut un moraliste d’une tragique lucidité (ce n’est pas bon d’être trop lucide) et un républicain de la première heure qui finit mal, comme beaucoup d’autres.

Lui fut particulièrement malchanceux (je pense à Mme Pas d’Bol : il y a toujours pire, non ?). Donc ce brave Nicolas, je commence par la fin, (ce n’est pas grave, je vais essayer d’être claire malgré tout), sans doute dépité par ce qu’il voyait – ou comment une révolution et l’organisation qui s’en suit peuvent mal tourner – commence à devenir dépressif, puis clairement  terrorisé par une Terreur qui n’avait pas commencé (il fallut attendre 1794). Menacé d’arrestation, sachant ce qui l’attendait dans les geôles (il avait déjà testé) et surtout comment on raccourcirait sa vie à la sortie, il prit la décision de choisir sa fin lui-même et tranquillement, chez lui, il se tire une balle dans la bouche. C’était le 14 novembre 1793.

Je vous ai dit que c’était Monsieur Pas de chance, lucide mais “guignard” ; pour lui, c’est le comble du suicide raté (ou presque) : il se tire donc une balle dans la tête mais le pistolet fonctionne mal. Il perd le nez, une partie de la mâchoire, et ne meurt pas (par contre, il devait avoir drôlement mal). Il ne perd pas espoir et se saisit d’un coupe-papier pour s’égorger. Comme il était bibliothécaire et pas médecin, il ne trouve pas l’artère et se contente de  se  coupailler et de faire des tâches de sang de partout. Il persiste avec le même coupe-papier et se “farfouille” dans le ventre, la poitrine puis les jarrets. Ses échecs répétés l’épuisent, il perd alors connaissance. Un de ses serviteurs (il était le bibliothécaire de la Bibliothèque de France et avait un certain standing) le retrouve dans une mare de sang, appelle alors barbier, médecin et chirurgien qui arrivent à le sauver. La Grande Faucheuse était en grève et Dieu sans doute vexé par les mécréants de l’époque. Il mourra quelques mois après, affaibli, mais reconnu non coupable des accusations qui l’avaient angoissé. C’était le 13 avril 1794, soit 5 mois après son suicide… raté.

Je reviens au début de son histoire. Né en Auvergne,  en 1741, probablement fils naturel de Jacqueline de Montrodeix et de son chanoine, il fut déclaré de parents inconnus et adopté par François Nicolas et sa femme. Sébastien Roch Nicolas  (c’était son nom) fut envoyé au collège, à Paris, vers l’âge de dix ans. Un peu indiscipliné, il remporta malgré tout de nombreux prix, refusa de devenir homme d’Église et se mit à écrire sous le nom de Nicolas de Chamfort. Ses écrits lui valurent des accusations d’immoralité et un vif succès littéraire : il collabora au Journal encyclopédique, fréquenta l’aristocratie et le monde des lettres, reçut plusieurs prix et devint secrétaire des commandements de Condé (qu’il quitta en 1777). Après avoir été élu à l’Académie française en 1782, il se retira à la campagne, puis reçut, en 1786, une pension royale (il devint alors secrétaire de la sœur du roi). À la suite de Mirabeau, pour qui il rédigea plusieurs textes, il prêcha la démocratie, puis fonda la Société de 1789. En 1792, il fut nommé à la direction de la Bibliothèque nationale. Malgré son enthousiasme pour la Révolution, il fut plusieurs fois emprisonné.  Il laissa des “petits carrés de papier” qui firent sa gloire et furent publiés, après sa mort, en l’an II de la République : les Maximes et pensées, caractères et anecdotes. Ils sont le témoignage impitoyable de la fin d’un monde. Des confessions déguisées révèlent, en même temps que la tristesse et la misanthropie de leur auteur, sa foi dans l’intelligence, seul refuge de l’homme.

J’ai toujours beaucoup aimé Chamfort qui m’a servi à enjoliver quelques courriers échangés avec l’Administration. Une phrase me revient, elle s’applique particulièrement à ces jours-ci :

“Il faut être juste avant d’être généreux, comme on a des chemises avant d’avoir (d’y mettre) des dentelles”.

Pourquoi me direz-vous ? Et bien, parce que ce mardi, 19 avril 2011, j’ai appris que les salaires des fonctionnaires étaient gelés une année de plus alors que :

– tous les prix augmentent : eau, gaz, électricité (prévoyez encore + 2,9% au 1 juillet), essence, fuel, pain, ticket de métro de bus, de train, d’avion, téléphone, farine, lait, etc ;

– les honoraires médicaux augmentent, les remboursements des frais médicaux, médicaments diminuent ;

– le pouvoir d’achat rétrécit comme une peau de chagrin ;

– le prix de l’immobilier est exorbitant ;

– les impôts locaux explosent ;

– les ménages français tirent de plus en plus le diable par la queue ;

et

– le Président, les ministres, les parlementaires, en particulier ceux du Parlement Européen, s’augmentent sans remords ; selon le Progrès du 9 mars 2011, une augmentation de 1 500€ mensuels pour l’enveloppe de leurs frais d’assistants, enveloppe qui était de 19 709€ par mois en plus de leurs indemnités de 7 956€ ;

– les frais accessoires de nos représentants sont des frais somptuaires : véhicule, logement, avions, taxis, pressing, cigares… sans compter les réceptions diverses  ;

– réunis à Bruxelles, les Ministres des Affaires Etrangères Européens ont débloqué 180 millions d’euros pour la Côte d’Ivoire ;

– notre Président, par la voix de sa Ministre des Finances, Christine Lagarde, a annoncé que  la France octroyait une aide financière exceptionnelle de 400 millions d’euros pour les dépenses d’urgence et la relance de l’économie à la Côte d’Ivoire ; 400 millions d’euros pour l’économie ivoirienne alors qu’entre 2002 et 2008, selon un rapport KPMG (cabinet d’audit international) 615 millions d’€ ont été détournés par le clan Gbagbo sur le commerce du cacao.

Questions :

1 – Quid des 6 milliards d’euros planqués par la famille Gbagbo ? Ne pourrait-on pas geler ces fonds détournés sur le peuple ? Et les 9 milliards des Ben Ali ? Ne pourraient-ils être restitués au peuple tunisien ? Et Moubarak : 50 milliards d’euros ? Et Khadafi : 72 milliards ! Pourquoi devons-nous rembourser, nous, les contribuables, les détournements de tous les corrompus de la planète ?

2 – Quelle aide d’urgence pour la relance de l’économie française ?

3 – Quelle aide d’urgence pour les Français sans emploi, sans logement et qui restent dignes ?

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Il faut être juste avant d’être généreux… surtout quand c’est avec l’argent d’autrui, l’argent de ceux qu’on lèse.

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Servitude volontaire

  • Discours de la servitude volontaire d’Etienne de le Boétie


  • « Il y a trois sortes de tyrans. Les uns règnent par l’élection du peuple, les autres par la force des armes, les derniers par succession de race. (…) s’ils arrivent au trône par des moyens divers, leur manière de régner est toujours à peu près la même. Ceux qui sont élus par le peuple le traitent comme un taureau à dompter, les conquérants comme leur proie, les successeurs comme un troupeau d’esclaves qui leur appartient par nature. »
  • « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres.
  • « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »
  • « Pour que les hommes, tant qu’ils sont des hommes, se laissent assujettir, il faut de deux choses l’une : ou qu’ils y soient contraints, ou qu’ils soient trompés. »
  • CONCLUSION : rien ne change !  Contraints ici (Libye, Syrie, Tunisie, Egypte, …), trompés ailleurs. Où me direz-vous ?
  • Et bien en Europe, je crois qu’on en a la preuve que les élus se foutent de nous à tous les niveaux, dans certains pays plus que dans d’autres, mais pour l’Europe, cette pompe à fric, ils y vont fort.
  • 04/03/11 – 18h40 http://fr.novopress.info]
    STRASBOURG
    L’austérité, c’est bon pour le petit peuple, pas pour le personnel politique du Parlement Européen !
    En plein marasme économique et alors que les salaires des populations européennes végètent ou reculent, les députés européens se sont alloués jeudi une augmentation de 1 500 euros par mois de leurs budgets de frais d’assistants qui s’élevaient déjà à plus de 20.000 euros mensuels (en plus de leur salaire d’environ 8.000 euros)
    L’augmentation a été votée au sein de la commission des budgets par les élus conservateurs, avec le soutien des socialistes.
    Quand il s’agit du portefeuille les faux antagonismes tombent et la connivence apparaît.
    Ce vote des élus européens aura pour conséquence d’augmenter de 13,2 millions d’euros par an les dépenses du Parlement Européen.
    Une décision qui risque encore un peu plus, si cela est possible, de couper ces élus européens des réalités de leur électorat.
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