Internet et réussite

Internet et la publicité règnent aujourd’hui en maîtres dans toute la société. Ces moyens d’échanges entre les êtres humains sont au cœur de la mondialisation. Souvent, nous ne voulons voir que le bon côté des choses : c’est un accès facilité à la connaissance. C’est vrai mais c’est aussi un abrutissement en masse. Continuer la lecture

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Réussite, argent, bonheur…

Quand a-t-on oublié d’encourager l’effort ?

Etes-vous capable d’en faire un en lisant ma prose du jour ? Je l’espère. Je le souhaite vraiment. Elle n’est pas drôle ? Normal, je n’ai pas vraiment le coeur à rire. Je regarde le monde. Et…  Pourquoi est-ce que tout se met à tourner de travers ? Personne n’a l’air vraiment heureux. Et je l’avoue, moi comme les autres, même si je le cache en général.

“Si tu veux comprendre le mot de bonheur, il faut l’entendre comme récompense et non comme but.”
Antoine de Saint Exupéry

C’est donc ça ?

Dans notre monde, ou plutôt dans notre société d’occidentaux, le bonheur et sa source : l’argent, sont partout à la une. C’est le but : pour être heureux, il faut une belle voiture (de l’argent), une belle maison (de l’argent), faire de beaux voyages (de l’argent), avoir de beaux enfants, être beau (pour ces deux derniers points, il faut aussi de l’argent). Pour avoir de l’argent, il faut réussir.  A partir de là, je pense que tout déraille. Réussir, oui mais comment ? De préférence sans faire trop d’efforts, de là, l’argent à… n’importe quel prix, il n’y a qu’un pas et surtout plus vraiment de morale. But, pas récompense !

Jadis, quand j’étais jeune, réussir, ça commençait à l’école. On réussissait en classe et en général, ensuite, on s’en sortait. Un enfant de milieu modeste, brillant en classe, même s’il ne devenait pas ministre, pouvait grimper dans la hiérarchie et s’éloigner de son milieu d’origine. L’école était un ascenseur social ; pour le prendre, il fallait faire quelques efforts et les parents vous le rappelaient. Certains gamins loupaient le coche mais trouvaient des chemins de traverse pour s’en sortir (cours du soir, par exemple) : l’espoir était là ; le désir de réussite était toujours lié aux efforts. A quel moment, les choses ont-elles changé ? Quand a-t-on oublié d’encourager le travail, l’effort ? Quand a-t-on commencé à penser  bien-être, bonheur sans penser à la contrepartie l’effort, le mérite ? Quand a-t-on pensé qu’il était impossible d’être heureux ? Que tout était vain ?

Je crois que mai 1968 a eu des conséquences désastreuses. “Il est interdit d’interdire”, voilà un slogan qui a changé beaucoup de choses. Il n’a pas été compris comme il faut, je pense. Tout le monde a vu le laxisme : n’interdisons rien aux enfants pour les laisser s’exprimer. Ne pas tout interdire mais fixer des limites, voilà ce qu’il fallait faire. Interdire un peu en expliquant beaucoup, ne pas laisser aller. Idem pour les plus âgés : pas d’interdit mais la prise de conscience que la vie en société oblige à fixer soi-même ses propres limites, qu’il faut se raisonner.

Interdit d’interdire, ce n’était pas la porte ouverte au je-m’en-foutisme mais plutôt une porte ouverte vers la liberté, l’autonomie.

Il est interdit d’interdire pour laisser libre cours à l’imagination créative, aux possibilités de chacun de s’exprimer dans le respect de l’autre, non pas pour voir l’anarchie. C’est bien de cela qu’il s’agit : d’anarchie. Je ne parle pas  de l’anarchie conçue comme une idée politique, mais de l’anarchie comme le langage commun le comprend :  la pagaille, un repoussoir pour les personnes qui  considèrent comme essentiel le principe fondamental d’autorité ; dans ce cas, l’anarchie désigne une situation de désordre, de désorganisation, sur la base  que l’ordre nécessite une  hiérarchie dotée d’une force coercitive. Le chaos, c’est bien là où nous arrivons maintenant, petit à petit : lois et règlements inappliqués (et/ou inapplicables ?), zones de non droit, laxisme de la justice, angoisses de la police, lâcher-prise généralisé… La société est devenue une pétaudière.

Digression pour pétaudière. Cette expression apparaît à la fin du XVIe siècle et devient proverbiale aussitôt ; elle viendrait « de la coutume qu’avaient les mendiants, autrefois, de se nommer un chef (du latin peto, signifiant « je demande »). Un pareil roi n’avait aucune autorité sur ses sujets et chacun agissait comme bon lui semblait ; il résultait de là une confusion extrême. Pour d’ autres, pétaudière est dérivé du nom du roy Petault, personnage extravagant qui apparaît dès 1546 dans le Tiers-Livre de Rabelais, l’image d’une «cour du Roi Pétaud” où chacun est maître. Le fond est le même.

Le poète Armand Robin (1912-1961) définit “l’anarchiste” comme celui qui est “purifié volontairement, par une révolution intérieure, de toute pensée et de tout comportement pouvant d’une façon quelconque impliquer domination sur d’autres consciences” et voilà les éléments essentiels : domination et  conscience. La conscience permet de se représenter la petitesse de l’Homme, sa fragilité, sa “finitude”, son incapacité à être heureux ; elle permet d’acquérir une autonomie morale : rechercher le bien-être, le bonheur, le sien sans oublier celui des autres, ce qui nécessite quelques contraintes librement acceptées. J’ai conscience de mon existence et de celle des autres ; il nous faut vivre ensemble le mieux possible.

Jadis, le mérite était une valeur républicaine fiable. N’oublions pas l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : “La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents“. En clair et en résumé : “A chacun selon son mérite !”

Tous les citoyens se savaient titulaires de droits mais aussi de devoirs. Est-ce parce qu’ils ont l’impression que leurs droits sont bafoués qu’ils ne se sentent plus obligés de respecter leurs obligations ?

Sur nos cartes d’électeurs, est-ce toujours écrit “Voter est un droit mais c’est aussi un devoir” ? Il est vrai que tant que le vote blanc ne sera pas comptabilisé comme un véritable vote, une expression, une manifestation de mécontentement, les citoyens risquent de déserter encore plus les bureaux de vote. A quoi bon se déplacer pour voter si notre voix n’est pas entendue ? Avons-nous maintenant le sentiment que nous n’avons plus que des devoirs ? des obligations auxquelles nous n’avons pas consenti librement ? Nous allons mal. Sommes-nous simplement dégoûtés ou réellement désespérés ?

Nous laissons les choses aller et nous comptons sur les autres et surtout sur la chance pour que les choses s’améliorent. Même réussir semble dépendre des autres et de la chance.

Réussir aujourd’hui, c’est réussir à être connu. La célébrité semble être le nouvel élément indispensable du  bonheur. Il est vrai que “passer à la télé” vous met dans la lumière et rapporte de l’argent.  La notoriété ne dépend plus ni de la beauté, ni de l’intelligence, ni d’un don ou d’une qualité remarquable. Vous ne pouvez que pleurer sur la misère humaine quand vous écoutez le niveau de conversation dans les télés-réalités. Le zapping de Canal+ permet d’entendre le “best of” et c’est démoralisant.

Le bonheur, affiché partout, même s’il n’est qu’apparent, est d’autant plus difficile à vivre qu’on se sent mal dans sa peau. On a beau regarder les autres avec lucidité , se dire que le monde va mal, se dire que le quidam starisé un moment ne ressemble pas aux mannequins vedettes, que les gloires elles-mêmes ne sont que des produits, ils ont l’air heureux et on a  vite fait de se croire anormal. Tout le monde semble pouvoir être heureux et moi, je me sens complètement en dehors de ça ? Suis-je inadapté ? Serai-je capable d’être heureux ?

Notre inconscient influence notre vie. Même quand nous n’osons pas exprimer par des mots notre mal-être, l’inconscient s’exprime dans nos rêves et même dans notre quotidien à travers les actes manqués, les oublis divers et les lapsus, parfois même l’apparition de symptômes dans le corps (maux de dos, estomac noué, maux de tête, grande fatigue, perte de sommeil, etc). Et si nous étions plus vrais ?

Je suis persuadée que dire ce qui ne va pas nous allège. Revenons à des choses plus vraies, plus simples, ne nous laissons pas leurrer par des miroirs aux alouettes. Tout ce qui brille n’est pas or. La valeur des individus est ailleurs que dans nos boites à images. Revenons à l’anonymat. Pour vivre heureux, vivons cachés. Que de poncifs ! Il faut sortir du merdier actuel. Changeons, en essayant chacun de faire un peu, nous arriverons à faire bien ensemble.

Arrêtons avec la boue que l’on nous envoie en pleine figure :  M. et Mme Tout-le-monde ont droit à leur quart d’heure de gloire : on a inventé la télé-réalité. Les bimbos lambdas et les petits cons prétentieux, ne les plongez plus dans le bain de l’audimat et des tabloïds : dépression garantie, pour vous et pour eux., Parlez-en à Loana ! Star Ac’, Nouvelle Star, Master Chef,  Secret Story , la Ferme, Koh-Lanta ! Eteignez vos télé-viseurs, phones portables. Vous n’êtes pas des paparazzi. Ne surveillez pas d’illustres inconnus.

Le monde est pourri ? Vous trouvez ? La faute à qui ?

J’ai commencé avec Saint Ex et le bonheur, je finis avec lui : «  Etre homme, c’est sentir en posant sa pierre que l’on contribue à bâtir le monde »

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