N’y a-t-il pas un scandale à dénoncer ?

Epidémie de chikungunya à la Réunion : 2005-2006

Le chikungunya (en abrégé le chik) , est une maladie infectieuse tropicale,  transmise par des moustiques du genre Aedes. Le nom est d’origine africaine : chikungunya en français « maladie de l’homme courbé » car elle occasionne de très fortes douleurs  articulaires associées à une raideur, ce qui donne aux patients infectés une attitude courbée très caractéristique.

Le chikungunya n’est pas une maladie nouvelle. Le virus a été isolé pour la première fois en 1952-1953 lors d’une épidémie de fièvrequi sévissait sur le plateau du Makonde au Tanganyika (actuelle Tanzanie).

En janvier 2005,  le chikungunya s’est invité à La Réunion.

Nous connaissons aujourd’hui la suite des événements : fièvres, souffrances, invalidités passagères et/ou permanentes et quelques décès. Nous nous souvenons aussi que dans un premier temps, les autorités sanitaires et politiques nous ont pris pour des rigolos, douillets avec une propension à la victimisation. Pourquoi écouter ces quelques (sous) citoyens lointains (700 000 et quelques) ?

On a nié notre parole et notre souffrance : “Il n’y a rien de tel dans les publications médicales”. Ce n’est pas écrit, ça n’existe pas. Vous affabulez. Qui a rappelé l’existence de cette maladie et de ses symptômes ? Quand ? Je ne me souviens pas.

Face à l’ampleur prise par l’épidémie, les services de santé ont tenté de nous rassurer en nous prenant toutefois  pour des débiles : l’épidémie devait cesser devant les rigueurs  de l’hiver austral, et même “les moustiques aedes albopictus ne piquent pas dans les maisons”, disait un certain directeur de la santé, Antoine Perrin, muté ensuite en Lorraine puis au Ministère de la santé (comme quoi le principe de Peters n’est pas une légende : un employé ne restera dans aucun des postes où il est compétent puisqu’il sera promu à des niveaux hiérarchiques supérieurs, ce qui signifie qu’avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d’en assumer la responsabilité).

Le 10 novembre 2005, la sénatrice de la Réunion Gélita Hoarau avait alerté les autorités sur la « véritable catastrophe  sanitaire qui ravage l’île ». Elle avait obtenu du ministère de la santé une enveloppe de 52 000 euros (à rapprocher des millions pour la Côte d’Ivoire) et l’envoi de 20 personnes pour la démoustication.

Je ne ferai pas liste de toutes les sornettes énoncées à l’opinion réunionnaise. Tout et son contraire ont été affirmés.

Même si le moustique n’entre pas dans les maisons, il faut équiper son lit d’une moustiquaire et ses portes et fenêtres de grillages fins, style passoire ou tamis, d’après ce même monsieur Perrin. C’est idiot si les moustiques ne rentrent pas, non ? Les donneurs de conseils étaient-ils commissionnés par les fournisseurs de voilages protecteurs ?

L’aedes albopictus est un moustique urbain. Ce sont ces foutus citadins qui les élèvent dans leurs pots de fleurs et leurs jardins.  Il n’y en a pas dans les ravines  et dans les champs  (c’est pourquoi on ne démoustiquait plus ?)

Puis l’armée est arrivée : drôle de guerre ! L’armée affectée à la démoustication des ravines. Ca faisait un peu, beaucoup guerre bactériologique. Et ce n’était pas faux de le penser. L’emploi abondant d’un pesticide, le Fénitrothion, était insensé.

Ce pesticide est si dangereux qu’il est interdit dans les zones habitées ainsi qu’à leur périphérie. Il n’est pas agréé par le ministère de l’Agriculture. Il a été définitivement interdit par l’Union européenne le 1er septembre 2006.

Globalement, le Fenitrothion est classé comme nocif, dangereux pour l’environnement, nocif en cas d’ingestion,  très toxique pour les organismes aquatiques et dans le cas présent, pour les larves de moustiques (heureusement). Il peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement. On comprend mieux pourquoi maintenant nombre d’élèves, d’employés… ont fait part de maux de tête aigus suite à des campagnes de démoustication.

On a aspergé La Réunion de cet insecticide entre 2 et 5 heures du matin. “C’est sans danger, mais rentrez chez vous, calfeutrez-vous, mettez vos provisions à l’abri ainsi que vos animaux et, 15 jours durant, évitez de mangez les fruits et légumes de votre jardin”.  Ben pourquoi ? Si c’est sans danger…

Ce n’est pas ce qu’ont dû penser mes poissons en rendant leur dernier soupir (au fait, ça soupire un poisson ?) En effet, un matin, je les ai retrouvés, tous, le ventre en l’air : carpes koï, comètes, bonnets rouges…  Il fallait protéger ses animaux (chats et chiens à l’intérieur). Pour les bassins avec poissons, il fallait les recouvrir. C’est ce que j’ai fait à chaque fois que j’ai été prévenue du passage des hommes en blanc. Compte tenu de la saison des pluies, ils passaient quand il ne pleuvait pas et sans prévenir alors…

Ces aspersions massives et systématiques étaient inefficaces puisqu’elles doivent avoir lieu lorsque le moustique est en train de chasser, soit dans la journée (entre le lever et le coucher du soleil), or les aspersions avaient lieu la nuit.

Par contre, outre mes poissons, ceux de mes voisins, leurs tortues, les guêpes (je ne les pleure pas), les  abeilles (et là, c’est inquiétant quand on sait ce qu’il adviendra de nous quand elles n’existeront plus), les endormis (lézards) et bon nombre d’oiseaux sont morts. Les moustiques ? Rien n’est moins sûr.

On est en droit de se demander désormais ce que sont devenues toutes ces quantités d’insecticides pulvérisées. On sait que les produits qui résultent de la dégradation du Fenitrothion sont 10 fois plus toxiques que le produit initial. Combien en retrouvera t-on dans les milieux aquatiques réunionnais, dans le sous-sol, dans les plantes, les fruits, les légumes, pendant combien de temps ?

Grâce aux journaux, aux radios et aux télévisions locales, et grâce à quelques maires et députés, le Fénitrothion a finalement été abandonné et remplacé par un bio-insecticide : le Bti (Bacillus thuringiensis israelensis).

Comme je suis une incorrigible lucide, tendance pessimiste diront certains  (je passais pour une folle en avril 1986 quand j’ai dit “pas vrai, les nuages de Tchernobyl ont passé les frontières”), je me dis, depuis cinq ans, que les aspersions ont cessé quand les stocks ont été épuisés. Il ne faut pas oublier que les stocks de Fénitrothion devaient être détruits à partir de septembre 2006 dans la communauté européenne. Or détruire ce type de poisons est difficile et surtout coûteux.

Quelle aubaine que de trouver un territoire où s’en débarrasser ! Mais personne ne le dit. Si quelqu’un m’explique comment on peut se battre…

On finira bien par voir qu’on nous a empoisonnés.

Des vies contre des euros ? Encore une fois l’intérêt financier prime.

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Catastrophe et colère

Ce n’est pas moi qui ai écrit le billet suivant mais je suis d’accord avec l’auteur, sauf que je ne suis plus vraiment en colère, ce n’est pas bon pour la santé. Je suis décidée à faire entendre ma voix et à faire quelque chose mais la colère nuit. Je parle en connaissance de cause : ulcère d’estomac et autres désagréments qui vous pèsent à long terme. C’est normal d’être en colère surtout dans ce cas-là mais craindre, ruminer, fulminer ne change pas grand chose.
Apprenez à rire de vous-même. Au lieu de vous emporter, apprenez à voir le côté dérisoire de ces choses. Il ne faut pas devenir cynique, au sens d’aujourd’hui, mais tourner les choses en dérision peut avoir du bon pour remonter la pente quand ça va mal. Je vous laisse lire ce billet reçu par mail ce matin. Moi, je vous écris après.

Catastrophe nucléaire au Japon : « Je suis en colère »…D’accord mais ce n’est pas moi qui écris.

Je suis en colère parce que l’accident de Tchernobyl n’a pas servi de leçon. Et que l’on continue à entendre et lire les mêmes mensonges sur le nucléaire dans les médias.
Je suis en colère quand j’entends à la radio, un haut responsable du nucléaire français nous dire qu’on ne peut remettre en cause le nucléaire : « personne n’a envie de revenir à la bougie ». Que je sache, dans les pays européens qui n’ont pas de centrales nucléaires (Autriche, Danemark, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Portugal…), y-en-a-t-il où l’on s’éclaire à la bougie ? Il n’y a que 441 réacteurs nucléaires dans le monde (dont 58 en France, 55 au Japon)… dans seulement 31 pays, tous les autres pays s’en passent.
Je suis en colère quand en 1979, après l’accident nucléaire de Three-Mile Island, on nous a dit que c’était parce que les Américains étaient moins forts que nous ; quand en 1986, après l’accident de Tchernobyl, on nous a dit que les Russes étaient moins forts que nous… et que je lis aujourd’hui que les Japonais sont moins forts que nous… De qui se moque-t-on ? Je me le demande aussi.
Je suis en colère quand on me dit que l’on peut continuer à exploiter encore des vieux réacteurs comme Fessenheim en Alsace (qui a trente ans) parce que “plus il est vieux, mieux on connait un réacteur”. Ce n’est pas parce que vous connaissez bien les défauts de votre vieille voiture qu’elle tombe moins souvent en panne et moins gravement. Si je peux me permettre, mon bon sens me fait dire “bien au contraire”.(Le réacteur Fukushima-Daiichi 1, qui vient d’exploser avait 40 ans et a été autorisé à continuer de fonctionner pour dix ans en février 2011 !).
Je suis en colère quand on nous dit que l’on ne peut se passer du nucléaire en France, parce que cette énergie fournit près de 80 % de notre électricité. C’est oublier que l’électricité n’est pas la principale source d’énergie (c’est le pétrole) (le pétrole, on pourrait en parler, ce n’est pas mieux : dépendance et coût… Tiens comme la drogue !) et que le nucléaire ne représente que 17 % de notre énergie. Si l’on voulait s’arrêter, on pourrait s’appuyer sur une solidarité au niveau de l’Europe : là, le nucléaire ne représente que 35 % de l’électricité et seulement 9 % de l’énergie ! Il suffirait donc d’économiser 9 % pour s’en passer !
Je suis en colère parce qu’au nom de la défense de la croissance économique, les programmes énergétiques français ou européens, négligent toujours plus ou moins le potentiel des économies d’énergies, préférant la surconsommation, éventuellement alimentée par le recours aux énergies renouvelables. Or l’énergie la plus propre reste celle que l’on ne consomme pas. En adoptant les meilleures techniques disponibles et en évitant les comportements énergivores, nous pourrions diviser par 4 notre consommation en une vingtaine d’années.
Je suis en colère parce que les discours économiques nous polluent : on nous dit qu’arrêter un réacteur nucléaire, ce serait de l’argent gaspillé… mais les 1000 milliards d’euros déjà dépensés en 25 ans pour la gestion de la catastrophe de Tchernobyl (et c’est loin d’être terminé), ce n’est pas un gaspillage encore plus grand ? Mille milliards d’euros, c’est sensiblement le coût qu’il a fallu dépenser pour construire l’ensemble des 441 réacteurs actuellement en fonctionnement.
Je suis en colère parce que je sais que l’on peut arrêter relativement rapidement le programme nucléaire français, qu’il existe de multiples scénarios de sortie sur le sujet (de 2 à 30 ans selon les efforts qu’on veut bien consentir).
Je suis en colère quand j’entends mon gendre, 25 ans, ingénieur dans le photovoltaïque, me dire qu’il cherche un nouveau travail car la profession est sinistrée suite aux récentes décisions du gouvernement.
Je suis en colère quand mon fils, 20 ans, me dit : “à quoi ça sert de faire des études si dans cinq ans on a tous un cancer” (et il ne pense pas qu’au nucléaire, mais aussi à la pollution atmosphérique, aux pesticides…).
Alors j’agis, je me suis investi depuis une trentaine d’années dans les médias écologistes pour faire circuler une information moins déloyale et j’incite les journalistes et les lecteurs à prendre le temps d’eux aussi chercher où est la vérité. Comment peut-on encore minorer l’importance de la pollution radioactive au Japon alors que les images sur internet nous montrent les réacteurs en flamme ?
Alors j’agis et je m’engage dans l’une des 875 associations qui animent le Réseau sortir du nucléaire pour demander à nos élus de faire pression pour un changement de politique dans le domaine de l’énergie.
Alors j’agis au niveau local en rejoignant les nombreux groupes locaux qui travaillent à des plans de descente énergétique qui nous permettront de diminuer la menace nucléaire, mais aussi notre dépendance à un pétrole qui va être de plus en plus rare.
Alors j’agis car aujourd’hui si le lobby nucléaire arrive à manipuler élus et médias, c’est parce que nous ne nous indignons pas assez !

 

Michel Bernard, journaliste à la revue Silence,
http://www.politis.fr/Catastrophe-nucleaire-au-Japon-Je,13430.html

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