Connaissance, savoir, culture, vulgarisation…

La vie est courte et la connaissance sans limite.

N’avez-vous jamais peur d’être ignare ?

Moi, si. Vous pouvez vous consoler en vous disant que d’autres sont plus ignorants que vous. Mais moi, la misère de l’autre ne me réconforte jamais. Mon amie Nadine me dit quelquefois : “Malheur des autres ne guérit pas, mais il soulage” (elle dit ça en créole ou, au moins, avec l’accent qui convient et j’avoue que ça me fait du bien… de rire de moi).

Il parait que j’ai toujours le tort de toujours vouloir mieux. Oui, je suis pour l’effort personnel, celui qui aide à se sortir de tout : se sortir de sa peine en travaillant de ses mains pour se fatiguer le corps, et en travaillant de la tête (je n’ai pas dit de devenir fou) pour ne pas penser à ce qui chagrine, pour s’occuper l’esprit. Ma mère et ma grand-mère ont été là avant moi pour me transmettre les douloureuses leçons qu’elles avaient apprises. Je ne m’aventurerai pas aujourd’hui dans la narration de leurs malheurs successifs. Je reste dans mon sujet de l’instant : l’ampleur des connaissances et la brièveté de la vie.

Comment apprendre un maximum en si peu de temps ? Tout savoir, c’est impossible. Juste savoir le maximum. Pourquoi cette faim ou cette soif de savoir ? A quoi bon, me direz-vous, engranger du savoir ? Comme ça… Je ne sais pas. Curiosité. Nécessité d’avoir l’esprit ouvert. Reliefs du siècle des Lumières, de cette époque où l’on rêvait d’une république du mérite , du savoir ? Epoque où l’on était curieux de tout ? Avidité ?

Etre un “honnête homme” selon le sens de l’époque n’empêche nullement d’être honnête au sens actuel du terme. Il paraît que j’ai un problème de rigueur morale trop intense, pour moi encore plus que pour les autres, ce qui est l’inverse du modèle courant où l’habitude de se pardonner prédomine.

Je veux désobéir à Rousseau qui a écrit “Croyez-moi, mère judicieuse, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour donner un démenti à la nature ; faites-en une honnête femme et soyez sûre qu’elle en vaudra mieux pour elle et pour nous.” Je pense être une honnête femme, il n’empêche que je voudrais être un “honnête homme”, (on admirait l’honnête homme mais on se moquait des femmes savantes au XVII°), donc obligée de dire “honnête homme” (de la même manière, certaines sages-femmes sont de sexe masculin). Honnête homme, pas un spécialiste dont les réunions et les réceptions regorgent maintenant, ces connaisseurs, fiers d’eux, imbus de leur science, qui savent tout à propos d’une chose et rien à propos de tout le reste.

L'”honnête homme”, celui que j’aime, comme le disait Montaigne a «la tête bien faite plus que bien pleine». Je l’envie, il fréquente divers milieux, domine un vaste champ de connaissances, possède des lumières sur un grand nombre de sujets, mais surtout n’ennuie personne ; au cours d’une conversation, il rencontre des individus inégalement instruits, il ne se pavane pas, il évite une technicité trop grande et la langue de bois dans son discours. Pour avoir de tels rêves, je suis… anormale, asociale, obsolète… Quelle utopiste surtout ! J’essaie de me faire comprendre quand je parle. Ceux qui brillent aujourd’hui pensent qu’en étant incompréhensibles, ils se montrent savants. Comme personne n’ose poser de questions de peur de passer pour un imbécile, ils sont tranquilles, les spécialistes ! La famille Diafoirus est ressuscitée ! Y a-t-il des dupes ? Faut-il chanter Alleluyah ?

Aie le courage de  te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières. Emmanuel Kant.

Mais qui ose crier la vérité ?

La masse des connaissances est de plus en plus grande ; impossible de tout savoir, sauf un peu de tout sur tout : est-ce satisfaisant ? Peut-être ? Honnête homme = touche-à-tout. Est-ce mieux de savoir beaucoup sur un seul sujet ? Moi, je réponds : non ! Mais l’horreur est réellement là avec le retour des Diafoirus, des Bouvard et des Pécuchet, qui ne savent pas grand chose et/ou n’ont rien compris sur un seul sujet ? Les méfaits de la vulgarisation…

L’honnête homme doit éviter que son adaptation au milieu ne détruise sa propre nature : il lui faut rester naturel, curieux, empêcher sa personnalité de se “pervertir”… Ménager la chèvre et le chou, disait ma grand-mère plus simplement. Je me  triture sans doute trop la cervelle. J’aurais dû faire l’école du cirque : option Funambule ! Clown-funambule ! Tiens, finalement… Un autre rêve ?

J’ai toujours du mal à rester dans le juste milieu parce que la provocation aide à se faire entendre. Je m’en veux. Je voudrais tellement être pondérée parfois.  L’âge m’aide cependant à devenir sage : essayer de se faire entendre en douceur ou laisser tomber quand on sent qu’il n’y a aucun espoir d’évolution…

Je sais bien que personne n’a le temps de tout savoir et que, dans la pratique, nous sommes contraints de choisir entre tel ou tel domaine de connaissance, de la même façon que l’ on écrit ou que l’on parle : un exposé trop court ou point d’exposé du tout ? Je ne veux pas être l’âne de Buridan : de l’eau ou du son ? Par quoi commencer ? Moi, je me dis “Fonce ; commence par un, tu auras l’autre après !” Trop gourmande ? Non !

Ca ne marche pas à tous les coups. J’ai quelque chose, au moins une chose. J’assume mon choix. Je ne me plains pas. Tant pis ;  je préfère mourir de faim après avoir choisi de boire plutôt que de mourir de langueur en n’ayant pas choisi entre la soif et la faim.

Quand l’urgence est là en plus… Je pense aux tours du 11 septembre et à ceux qui ont sauté plutôt que… être brûlé(e)(s), écrasé(e)(s), asphyxié (e)(s)… C’est comme ça : choisir . Il faut choisir plutôt que d’attendre passivement. Pour ceux qui me connaissent, vous souvenez-vous de mes cris contre le médecin qui décidait de mon sort, sans moi ? Mais, vous l’avez compris, je suis une révoltée, c’est ce qui m’a sauvée. La Laponie au lieu de l’hôpital à la Réunion !

Abréger est un mal nécessaire. Combien renoncent à lire mes articles trop longs ? Dommage, j’aimerai tant être lue par un grand nombre…

Celui donc qui veut résumer doit essayer de se tirer le mieux possible d’une tâche qui est bien  souvent mauvaise en elle-même. Il faut apprendre à simplifier sans déformer, garder les à-côtés qui nuancent la réalité mais pas trop pour ne pas s’écarter du sujet.

Tâche ardue s’il en est… Restituer la vérité, non pas toute la vérité ce qui est incompatible avec la brièveté, mais restituer la vérité au mieux ; ceci est considérablement “plus meilleur” que les approximations qui sont monnaie courante dans le monde actuel.

L’accès au savoir  et à l’information pour tous ? La question est : quel savoir ? quelle information ?

Share

Femmes instruites : danger !

 

Vous devez avoir horreur de l’instruction chez les femmes, par cette raison qu’il est plus facile de gouverner un peuple d’idiots qu’un peuple de savants. Honoré de Balzac

Doit-on autoriser les filles à apprendre à lire ? Grande question en France jusqu’au XIX° siècle ; aujourd’hui, alors qu’elles fréquentent les mêmes écoles que les garçons et ont, de façon générale, de meilleurs résultats scolaires, la question ne fait pas sourire. Vous étonne-t-elle ?

En 1801, Sylvain Maréchal rédige sa brochure “Projet de loi portant défense aux femmes d’apprendre à lire”. Il y a pourtant eu la Révolution douze ans avant, mais la Déclaration des Droits de l’Homme exclut les femmes (?) et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges a été mise aux oubliettes. Maréchal est-il un réactionnaire ? Non, non, à la même époque, on retrouve partout la même volonté de limiter l’accès des filles au savoir à tel point que leur éducation n’est pas une affaire d’État et qu’elle est abandonnée à la famille et à l’Église.  Guidés par la crainte des conséquences de l’oisiveté sur l’esprit des filles, familles et clergé cherchent à les occuper, à leur interdire de penser, à former de bonnes épouses et de bonnes mères (chrétiennes, catholiques de préférence), des femmes dociles, vertueuses, agiles aux travaux d’aiguille, aptes à la cuisine, voire capables de compter pour équilibrer le budget familial, soumises à leur père puis à leur mari. Il y avait bien quelques fortes têtes, mais la majorité se laissait faire : difficile de se révolter quand on est peu instruit(e) et isolé(e). Je parle des femmes mais manque d’instruction et isolement font souffrir des hommes aussi.

Aujourd’hui, en France, les femmes essaient toujours d’avoir les mêmes droits que les hommes : diplômes, salaires, emplois. Rien n’est gagné. Au contraire, tout risque de se perdre. Il ne ne faut surtout pas lâcher prise. Se battre contre le voile, c’est indispensable. Voile dans la vie privée mais pas dans la vie publique. Si la loi n’est pas respectée : visage découvert, je ne cache pas que j’ai peur, peur pour mes filles surtout et mes petites filles (dont la première est en fabrication), peur de me voir ou de les voir un jour obligées de se voiler la face au propre et au figuré  : se dérober par honte au regard d’autrui ; se refuser à voir ce qui indigne ou horrifie. Je ne me voilerai pas la face, ni aujourd’hui, ni demain.  Je ne veux pas refuser, aujourd’hui ni demain, de voir ce qui m’indigne.

Les images répétées de ces femmes  sans visage, ensevelies sous la burqa, frappent ma conscience d’occidentale. Ces déprimantes silhouettes anonymes, monochromes, de préférence noires, quelquefois bleues, me rappellent le sort de milliers de femmes et de fillettes dans d’autres parties du monde. Femmes isolées, bâillonnées, emprisonnées, quelquefois excisées, mutilées… Femmes interdites de vie : pas d’instruction, pas de soins, pas de travail, pas d’autonomie ! Y a-t-il un choix véritablement libre de ces femmes ? Quel est le niveau d’endoctrinement de celles qui militent pour la burqah ? Libres ?  Le sont -elles vraiment ? Libres chez  elles de porter le voile si elles le veulent, mais nous avons choisi une loi en France, il faut la respecter. Pas  besoin de la nouvelle création, celle qui date de plus d’un siècle est valable : “pas de signe distinctif d’appartenance religieuse ou politique”. Revoir mon article Laïcité et voile islamique et l’inspection du lundi matin à l’école. Ma maitresse d’école était-elle une laïque intégriste ? J’ai survécu à ses “mauvais traitements” ; je n’ai pas oublié ; c’était comme ça.

La liberté de culte existe mais ne doit pas gêner le fonctionnement de la société. Il y a aujourd’hui un large fossé entre l’idéal républicain et l’idéal religieux, quelle que soit la religion ou la secte envisagée. C’est le problème des clans, tribus, régions, des indépendantismes divers. Nous sommes la race humaine et nous devons essayer de nous entendre pour que la Terre et nous, nous survivions en paix ; c’est mal parti.

En ce qui concerne l’Islam, je ne suis pas une spécialiste, j’ai des voisins et des amis musulmans, j’habite la Réunion. Ici, le dialogue est vraiment plus facile, donc en ce qui concerne l’Islam et le peu que je sais,  la loi islamique me paraît bonne, juste, claire, comme celle des chrétiens. C’est la réalité des pratiques culturelles et religieuses qui gâche tout.

Il y a trente ans ou même vingt ans, ici à la Réunion, pas de burqah et pas de voiles envahissants : la mosquée, le muezzin, la prière, le Ramadam, l’Aid-el-Kebir, etc, ne gênaient personne (enfin le muezzin le matin… limite, mais les cloches à Pâques et à chaque heure, ce n’est pas terrible non plus). Qu’est-ce qui a changé ? L’intégrisme ? L’extrémisme ? Il me semble que l’extrémisme est étranger à l’esprit de la loi islamique, comme il l’est dans la religion chrétienne, ce qui n’a empêché ni les guerres de religions, ni  l’Inquisition, ni, ni… L’intégrisme islamique reflète aujourd’hui des pratiques culturelles dérangeantes car non conformes à la tradition laïque française.

Il me semble que l’Islam, le vrai, le charitable, n’interdit ni la mixité , ni la liberté. Il y met quelques conditions de réserve, comme les catholiques et sans doute les protestants : la pudeur, la modestie.

Nous avons un peu oublié que les écoles, le catéchisme n’étaient pas mixtes, qu’on se couvrait ou se découvrait la tête à l’Eglise (les Hommes se découvrent toujours mais les femmes ne se couvrent plus). Les règles de base sont les mêmes dans toutes les religions, ce n’est que la pratique qui change : nous avons évolué, libéré les femmes, ne faisons pas marche arrière sous prétexte que ça dérange quelques hommes à l’esprit limité, obscurci non par l’alcool (interdit) mais par une drogue quelconque et que ça contrarie peut-être quelques femmes… inqualifiables.

Je refais ma déclaration de foi laïque :

“Je crois en la liberté de conscience, je ne place aucune opinion au-dessus des autres, que ce soit la religion : catholique, musulmane, protestante, l’agnosticisme, l’athéisme, je crois en l’égalité républicaine ainsi construite même si certains veulent me faire changer d’avis.. Je crois en la liberté de chacun qui est respectueuse de celle de l’autre. Je veux continuer à croire, même si c’est très difficile, en la bonté et en l’intelligence humaine.”

La seule idée qui me motive est celle de la liberté  individuelle, revendiquée et respectée, celle des autres et la mienne (oserai-je dire, surtout la mienne ?).

Share

Sagesse

“Il y a deux choses auxquelles il faut se faire, sous peine de trouver la vie insupportable : ce sont les injures du temps et les injustices des hommes”.                                                    Nicolas Chamfort (1740 – 1794)

***

“Les grands esprits ont toujours rencontré une opposition farouche des esprits médiocres.” Albert Einstein (1879 – 1955)

***

“Je me moque de savoir beaucoup de choses, je veux savoir des choses que j’aime” Jules Renard (1864 – 1910)
***
Share