Indigènes

Un indigène est une personne qui est originaire d’un pays, qui en possède la langue, les coutumes et les usages, avec une connotation qui n’est pas raciale mais culturelle. L’enseignante blondasse, qui m’avait dit « je viens enseigner aux indigènes » était-elle respectueuse des Réunionnais ? J’ai envie de dire non, quand je pense à sa moue méprisante.  Seulement, l’a-t-elle compris, je pense que oui, j’étais et je suis toujours la mère de trois indigènes, mariée à un indigène lui-aussi. Aujourd’hui, je peux ajouter deux petits-enfants, indigènes de La Réunion.

L’emploi du terme indigène a pris, c’est certain, une connotation péjorative depuis longtemps, désignant des individus non civilisés, avec un sens équivalent de barbare ou de sauvage.

Pendant la période coloniale, indigène est devenu une catégorie officielle désignant les droits, les coutumes et les institutions particulières qui continuaient à être conservés en vigueur pour les peuples autochtones. (A la Réunion, nous sommes un département d’outremer, D.O.M., depuis 1946). Il existait des régiments indigènes, des gardes indigènes, des arts et des langues indigènes. Ainsi, en Algérie, les citoyens de confession musulmane qui ne voulaient pas être régis par le droit civil et le calendrier français, continuaient à être régis par un droit, des institutions et un statut désignés comme indigènes. Avec l’indépendance, l’occidentalisation s’est accélérée, et le mot indigène s’est chargé négativement.

En 2006, un film franco-belgo-algéro-marocain, réalisé par Rachid Bouchareb est sorti sur les écrans français avec comme titre : « Indigènes ». Il sera récompensé par le César du meilleur scénario original de 2007, et un Prix d’interprétation masculine collectif au festival de Cannes 2006 à Sami Bouajila, Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem et Bernard Blancan.

Ce film voulait rendre justice aux soldats français de 14-18 qui s’étaient battus pour un pays qui n’était plus vraiment le leur et qui les avaient reniés en 1959. La véracité historique du film a été contestée par un général et un historien. Ce dernier, Pascal Blanchard, a affirmé que le pourcentage des pertes en soldats français musulmans était inférieur à celui des français d’Afrique (Pieds Noirs) et des français de métropole.

Il n’empêche qu’on ne peut nier la réalité des faits : «Indigène» était bien le terme utilisé dans les armées coloniales pour désigner les soldats, sous officiers et officiers, originaires des colonies. Ce terme  désignait tous les soldats issus des colonies françaises qui constituaient une partie des 1 300 000 hommes de l’Armée Française de Libération luttant contre les armées ennemies (300 000 “indigènes” combattaient pour la libération de la France soit 23% des effectifs et ils étaient méprisés par les gradés).

Le film retrace la découverte de l’Europe (de l’Italie à l’Alsace), de la guerre par trois tirailleurs algériens et un goumier marocain, après le débarquement des Américains, en 1943, en Algérie et au Maroc. La guerre leur apporte la désillusion face aux discriminations mais aussi l’émergence d’une conscience politique.

Le  27 septembre 2006, jour de la présentation du film dans les salles obscures en France, le gouvernement de Dominique de Villepin a annoncé que les 80 000 anciens combattants indigènes encore vivants percevront les mêmes retraites que leurs compagnons d’armes français. Cependant le paiement des arriérés et des intérêts, sur une période de plus de 40 ans, demeure en suspens. Le versement des pensions bloquées en 1959 par le gouvernement français suite à l’indépendance des anciennes colonies est une des revendications du film. Que dit aujourd’hui la Patrie reconnaissante (et presque ruinée) à ses anciens soldats (bientôt tous morts) ?

Le 11 novembre, je crois que nous devons avoir une pensée pour eux. Les ennemis d’alors sont nos amis aujourd’hui, mais tous ces soldats se sont-ils battus pour rien ? Même pas de la reconnaissance ? Et ceux qui sont morts ? Faut-il les renier ?

Tous les poilus sont à honorer en ce jour. Les guerres sont folies des hommes…

Au fait, savez-vous pourquoi on les appelait “poilus” nos soldats ? Pas à cause des poils ou de la barbe. Non, il y avait des gaz toxiques et donc des masques à gaz et  la barbe était interdite. Légende semble-t-il que celle de soldats non rasés.

Le mot « poilu » désignait à l’époque dans le langage familier ou argotique quelqu’un de courageux, de viril. L’expression la plus ancienne est « un brave à trois poils », que l’on trouve chez Molière ;  au XX° siècle, quelqu’un « qui a du poil au ventre » est digne d’admiration.

Dans son ouvrage L’Argot de la guerre, d’après une enquête auprès des officiers et soldats, Albert Dauzat donne la même explication : « Avant d’être le soldat de la Marne, le « poilu » est le grognard d’Austerlitz, ce n’est pas l’homme à la barbe inculte, qui n’a pas le temps de se raser, ce serait trop pittoresque, c’est beaucoup mieux : c’est l’homme qui a du poil au bon endroit, pas dans la main ! »

Alors en ce  11 novembre, pensons à nos poilus, qui furent sacrifiés en 14-18.

L’armistice, signé  à 5 h 15, le 11 novembre 1918, marque la fin des combats, la victoire des  Alliés, la capitulation de l’Allemagne, et la fin de la Première Guerre Mondiale. Le cessez-le-feu, effectif à onze heures fit retentir des volées de cloches et des sonneries de clairons annonçant la fin d’une guerre qui avait  fait plus de 18 millions de morts et des millions d’invalides, de mutilés et de “gueules cassées”.

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9 720 453 soldats tués, 8 871 248  civils tués soit 18 591 701 morts, sans compter autant de disparus que de morts chez les militaires, et 21 228 813 blessés militaires.

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10 réflexions sur « Indigènes »

  1. J’ai vu le film à la télé quand il est passé fin septembre 2010 et j’ai alors écrit un petit billet sur mon blog, fustigeant surtout le mépris dans lequel on a tenu tous ces “bougnoules” et ces “négros” qui ont participé aux combats de la libération.. Ancien d’Algérie, j’ai vu aussi la mauvaise manièreavec laquelle on a traité nos compagnons de combat, les harkis. Pas toujours de quoi, c’est vrai, d’être fiers de notre état de Français métropolitains.Content de te voir de temps en temps. Florentin.

  2. Bonsoir Françoise
    les guerres cela donne toujours lieu à des comportement barbares et nous le voyons encore aujourd’hui même en présence d’armées professionnelles. Je n’ai pas vu le film dont tu parles, depuis longtemps je ne suis plus l’actualité cinématographique, par contre je connais le problème soulevé mais il faudra encore beaucoup de temps avant que toutes les vérités soient dites.
    La grande guerre a donné lieu a de véritables carnages avec des commandements qui envoyaient consciemment des troupes à la boucherie.
    Pour ce qui est de l’Italie à ce sujet j’ai souvenir d’un super film, de Rosi je crois, dont le titre était Uomini contro -hommes contre- qui relate un terrible épisode de cette guerre.
    Plus près de nous La Ciociara de De Sica et La peau de Cavani tiré d’un roman de Malaparte, pour voir les conséquences d’une guerre sur les hommes.
    Pour moi il serait temps que lors de ces jours de commémoration on pense à tous ces gens, quelques soit le camp, qui ont payé de leur vie et de leur souffrance pour les intérêts ou la folie de quelques uns.
    Bonne journée
    Amicalement
    Antonio

  3. J’ai vu le film “Indigènes” je l’ai beaucoup aimé ! Moi je suis l’étrangère pour beaucoup et ce n’est pas si agréable à le porter tout simplement à cause de mes origines russes. Bon courage et ne t’occupe pas des gens qui parlent ainsi ils ne seont pas intéréssants ! Bisous

  4. Je ne me préoccupe pas de ce que les gens peuvent dire. Je le remarque, c’est tout. Mes grands-parents paternels étaient espagnols et alors que trois de leurs fils ont été soldats sous le drapeau français, dont mon père, ils étaient considérés comme des étrangers sous prétexte qu’ils avaient un accent. Je crois, comme le disait mon autre grand-mère quand je m’indignais, qu”‘il faut laisser les ânes braire.”
    Bonne journée. A bientôt.

  5. bonjour Françoise,
    J’ai vu le film Indigènes et il m’a touchée.
    Aujourd’hui, je pense à mon grand-père paternel qui a fait 3 ans de service militaire, puis la guerre est arrivée et il a fait les 4 ans (7 ans loin de chez lui). Il a fait le chemin des Dames, Salonique.. a perdu un frère, est revenu gazé, trépané !
    Que de malheurs a apporté cette guerre !
    Souhaitons la paix, toujours.
    Bisous et merci pour tes commentaires agréables sur mes articles.

  6. Les termes méprisants sont employés par des gens peu intéressants, mais il faut se les supporter et c’est parfois bien pénible.
    Un bonjour à la Réunion depuis Jérusalem. Le mépris nous connaissons cela depuis des millénaires. Peuples méprisés unissons nous !!

  7. Des “gueules cassées” , des mutilés…lorsque j’étais jeune, on en côtoyait tous les jours, de même que les familles de tués ou disparus…Cette guerre avait été atroce…J’en ai tellement entendu parler par mon père et ma mère (Lorraine vivant en Lorraine pendant toute la guerre) que j’ai parfois l’impression de l’avoir faite ! Je “revois” chez mes grands-parents toutes ces troupes “d’indigènes” qui redescendaient “à l’arrière” se reposer un peu, beaucoup moins nombreux que lorsqu’ils étaient “montés” au front quelques semaines avant …
    Indigènes ou pas, tous ont souffert pour les mêmes raisons et pour notre Pays. En 1939, mon frère qui s’était engagé, a choisi un régiment de tirailleurs sénégalais…Il les aimait…

  8. Bonjour Françoise,
    C’est triste ce comportement, pour moi, ce sont des imbéciles, c’est tout.
    Tu as raison, c’est comme cela, c’est malheureusement une constatation.
    Tu sais, chez nous, entre Flamand, Bruxellois et Wallons, ce sont les mêmes propos et nous sommes tous belges, alors.
    Je trouve que l’homme devient de plus en plus con et méchant.
    Je n’écoute pas ce genre de bavardage.
    Ce mot “indigène” me dérange !
    Bonne journée, bisous.

  9. Un ami enseignant, aux hasards de ses affectations a eu un poste à l’île de la Réunion dans les années 80. Il n’a pas voulu y rester car il a été écoeuré de la mentalité de beaucoup de français de métropole à l’esprit colonialiste… Sinon merci de vos explications sur les poilus, je ne connaissais pas l’origine de cette appellation.
    Bonne après-midi
    Esclarmonde

  10. il me semble en fait, que tous les soldats sont méprisés, et ce n’ est pas une cérémonie une fois par an qui va changer les choses !
    Aux soldats l’ inscription sur un monument, aux gradés le plus souvent planqués, les honneurs !
    bonne journée
    bisous

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