Voltaire encore

Au départ, Voltaire était apparemment très hostile à l’islam. La pièce de théâtre «Mahomet ou le fanatisme» écrite en 1736, jouée la première fois en 1741, était considérée comme le parfait exemple pour dépeindre le personnage du Prophète. « Mahomet le fanatique, le cruel, le fourbe, et, à la honte des hommes, le grand, qui de garçon marchand devient prophète, législateur et monarque. » Recueil des Lettres de Voltaire (1739-1741).

Comme souvent chez Voltaire, c’était pourtant l’intolérance de l’Église catholique et les crimes commis au nom du Christ qui étaient les premiers visés. Voltaire l’avoue dans une lettre ; il s’est donc immédiatement retrouvé dans la ligne de mire des dévots et a été attaqué en justice pour impiété et scélératesse, enfin la pièce a été interdite.

Souvenez-vous de la “Prière à Dieu” dans laquelle il critique la religion d’une manière générale. Souvenez-vous de ces mots-là : “Dieu… Tu ne nous as point donné un coeur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements … entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées… Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes… Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix,…”

Finalement, c’est Dieu et toutes nos croyances plus ou moins farfelues qui mettent la pagaille sur Terre.

Voltaire va faire des recherches personnelles et sa vision de l’Islam va évoluer même si la liberté de penser, seul, reste quand même, au moins je le crois, son mot d’ordre.

Voltaire convient à un moment que le Prophète Mahomet a établi un culte qui « était sans doute, plus sensé que le christianisme» qu’il accuse et qu’il considère comme « la plus ridicule, la plus absurde et la plus sanglante religion qui ait jamais infecté le monde. » (Lettre à Frédéric II, roi de Prusse, datée du 5 janvier 1767). Par contraste, il vante la doctrine musulmane pour sa grande simplicité.

« Chanoines, moines, curés même,” dit Voltaire, “si on vous imposait la loi de ne manger ni boire depuis quatre heures du matin jusqu’à dix heures du soir, pendant le mois de juillet, lorsque le carême arriverait dans ce temps ; si on vous défendait de jouer à aucun jeu de hasard sous peine de damnation ; si le vin vous était interdit sous la même peine ; s’il vous fallait faire un pèlerinage dans des déserts brûlants ; s’il vous était enjoint de donner au moins deux et demi pour cent de votre revenu aux pauvres ; si, accoutumés à jouir de dix-huit femmes, on vous en retranchait tout d’un coup quatorze ; en bonne foi, oseriez-vous appeler cette religion sensuelle ? »

La dernière phase de Voltaire sur l’islam se situe entre 1768 et 1772. Il revient sur certaines de ses positions intransigeantes concernant le christianisme, sans renoncer à ses convictions dans l’enseignement de l’islam : « Sa religion est sage, sévère, chaste et humaine : sage puisqu’elle ne tombe pas dans la démence de donner à Dieu des associés, et qu’elle n’a point de mystère ; sévère puisqu’elle défend les jeux de hasard, le vin et les liqueurs fortes, et qu’elle ordonne la prière cinq fois par jour ; chaste, puisqu’elle réduit à quatre femmes ce nombre prodigieux d’épouses qui partageaient le lit de tous les princes de l’Orient ; humaine, puisqu’elle nous ordonne l’aumône, bien plus rigoureusement que le voyage de La Mecque. Ajoutez à tous ces caractères de vérité, la tolérance. »

Depuis 1742, date à laquelle Voltaire a présenté sa pièce de théâtre « Mahomet » à la Comédie française, le chemin parcouru est long. Ce jour-là, il attaquait « le fondateur de l’islam » pour montrer comment les religions ont été établies. Puis vingt-huit années plus tard, en 1770, il le défend pour soutenir que « d’autres peuples pouvaient penser mieux que les habitants de ce petit tas de boue que nous appelons Europe ».

« Il n’y a point de religion dans laquelle on n’ait recommandé l’aumône. La mahométane est la seule qui en ait fait un précepte légal, positif, indispensable. L’Alcoran [le Coran] ordonne de donner deux et demi pour cent de son revenu, soit en argent, soit en denrées. La prohibition de tous les jeux de hasard est peut-être la seule loi dont on ne peut trouver d’exemple dans aucune religion.”

Si surprenant que cela puisse paraitre, c’est en effet l’auteur de “Mahomet et le fanatisme” qui a écrit dans son “Essai sur les mœurs et l’esprit des nations” que « Tous les interprètes de ce livre (Coran) conviennent que sa morale est contenue dans ces paroles : recherchez qui vous chasse, donnez à qui vous ôtes, pardonnez à qui vous offense, faites du bien à tous, ne contestez point avec les ignorants ».

Le même Voltaire a écrit dans son Dictionnaire philosophique «Nous avons imputé à l’Alcoran une infinité de sottises qui n’y furent jamais ».

Le problème actuel c’est que certains, qui se disent musulmans, font la même chose. Incompréhension, manipulation, obscurantisme, violence, voilà les ferments de la terreur.

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2 réflexions sur « Voltaire encore »

  1. Au sommet, il y a Dieu, Allah ou Jéhovah, et ensuite viennent ses représentants, et c’ est là que le bas blesse !
    On veut réduire la religion à des convenances humaines, alors que Dieu a dit que son royaume n’ était pas de ce monde !
    Mais la question à se poser est celle ci :
    S’ il n’ y avait pas de religion, le genre humain aurait il vécu en paix ?
    Passe un bon Noël, je l’ espère en famille
    Bisous Françoise

  2. merci pour ta visite.
    Ce sujet est brûlant … pour moi, la religion est nécessaire pour nous relier. Ensuite, que la pratique puisse être dévoyée, cela montre que notre humanité est bien faible … et ensuite que beaucoup pratiquent avec coeur. Dans la religion juive, une partie des revenus est donnée il me semble. Quant aux chrétiens, je suis certaine que beaucoup donnent une partie de leurs revenus.
    En tout cas, deuxième blog qui parle de Voltaire, cela me dit qu’il me faut le lire … et Rousseau aussi.
    Très chaleureux Noël en famille

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