Vous avez dit “cynique” ?

Désolée pour vous mais aujourd’hui je suis en verve !

Je sens que je vais faire hurler certains si j’écris que les cyniques sont des gens bien ! D’autres vont sourire et savent bien pourquoi : soit ils me connaissent, soit ils sont très cultivés (les deux propositions n’étant heureusement pas incompatibles). Commençons par la définition du cynique du Larousse (bonne adresse à conserver dans vos accès rapides et privilégiés : www.larousse.fr/dictionnaires/francais-monolingue) :

cynique : adjectif et nom
(latin cynicus, du grec kunikos, de kuôn, kunos, chien)

  • Qui avoue avec insolence, et en la considérant comme naturelle, une conduite contraire aux conventions sociales, aux règles morales ; qui manifeste du cynisme : Un être cynique et immoral.
  • Qui appartient à l’école philosophique grecque d’Antisthène et de Diogène. (Les cyniques [VeIVe s. avant J.-C.] méprisaient les conventions sociales et affichaient leur indépendance d’esprit.)

Je revendique l’insolence et l’indépendance d’esprit mais le terme “immoral”, sans cesse rattaché au cynisme, me gêne. J’ai ma propre morale ! J’en ai même une sacrément plus rigide que bon nombre de personnes qui se croient des “gens bien” sous le prétexte qu’elles sont “religieuses”. Laissez-moi rire. Je me gausse, aurait dit un plus lettré que moi.

Oui, je me gausse de tous ces culs-bénis qui se voilent la face (et le reste), se trempent le nez (je suis polie aujourd’hui) dans un bénitier, s’agenouillent devant des statues ou autres guignols déguisés, font des offrandes, en espèces sonnantes et trébuchantes ou en gros chèques, pensant ainsi avoir acquis l’indulgence du ciel, mais qui dès qu’ils ne sont plus dans l’espace public, religieux ou laïc, là où n’importe qui pourrait les voir, se comportent bien plus mal que des bêtes sauvages. Je n’entrerai pas dans des détails sordides  dont les rubriques de faits divers sont pleines, et, vous en avez entendu parler de ces histoires scabreuses de famille (héritage, inceste…).

Je ne donne plus d’argent à Dieu et à ses représentants, je donne chaque année aux Restos du Coeur. Ils ne me promettent pas la vie éternelle, ni rien d’autre, mais comme le nom l’indique “restos du coeur”, ça vient du coeur ; si le mien est bon et si Dieu existe, Il devrait reconnaître les siens, non pas parmi les grenouilles de bénitier mais parmi les bons, les droits, les honnêtes ou les justes dont j’ai la prétention de faire partie. Me voilà rassurée si besoin était. Pour tout vous dire, depuis quelques mois, j’ai compris que tenter de vivre au mieux, avec soi-même et avec les autres, est rassurant au jour le jour et permet aussi de prévoir un avenir meilleur. Si chacun de son côté fait le même effort, l’ensemble devrait devenir assez extraordinaire. Je me rends bien compte qu’il y a des obstacles, mais “à chaque jour suffit sa peine”. Je crois bien que Scarlett O’Hara (Autant en emporte le vent) disait “Demain est un autre jour” (ce qui laisse une grande place à l’espoir) avant de se retrousser les manches pour reconstruire Tara. Comme nous n’avons en principe, rien sans rien, retroussons-nous les manches aussi et tâchons de faire changer le monde.

Cependant, je tiens à vous parler du cynisme et des cyniques encore mieux qu’Alphonse Allais n’avait évoqué “les fumistes et la fumisterie”. J’y viens donc.

Le cynisme était une attitude face à la vie, provenant d’un courant de philosophie d’une école de la Grèce antique, fondée par Antisthène. Les propos et les actions spectaculaires de son disciple le plus célèbre, Diogène, ont bouleversé les idées traditionnelles de cette époque car il a voulu enseigner l’humilité aux grands de la Grèce antique.

Diogène à leur tête, les cyniques proposaient une pratique de la philosophie et de la vie en général, subversive et jubilatoire. C’étaient des anticonformistes. Diogène et son tonneau ; vous, moi avec un rêve de roulotte ou de camping-car, est-ce aussi anticonformiste que nous voulons le faire croire ?

Aujourd’hui, c’est toujours pareil, est considéré comme cynique celui dont le mode de pensée diffère tellement des normes établies qu’il en est choquant. Est-il immoral ? Je dis que “non” ; il a sa morale et ses normes qui ne sont pas celles de tout le monde ou du moins celles d’une majorité. Le cynisme est, pour moi, une sorte d’humour noir (souvent involontaire), pince-sans-rire, mordant et ironique, employé pour manifester sa révolte, sa rébellion face à un monde presque sibyllin en raison de la multiplicité des règles, lois, conventions socialement admises, toujours factices, contraignantes, peu épanouissantes pour l’individu.

Pourquoi les Cyniques de Diogène s’appellent-ils ainsi. Merci Wikipédia !  Diogène, le premier véritable cynique souhaitait être enterré « comme un chien ». Selon d’autres sources ce dernier « faisait ses discours dans un gymnase appelé Cynosarge, tout près des portes de la ville », le Cynosarge (littéralement « chien agile »). Les métaphores autour du chien ont ensuite abondé, si bien qu’il est difficile d’en isoler l’exacte origine historique. La plus significative est celle présentant l’animal comme modèle : la société est perçue comme corruptrice et changeante, là où la nature est vertueuse et universelle (ça a dû inspirer Rousseau aussi).

Diogène se revendique ainsi cosmopolitain, c’est-à-dire citoyen du monde. Son souci est de vivre selon des règles de vertu universelles. Et voilà donc ce qui me plait le plus : l’idée que la vertu est une valeur universelle. Allons voir aussi ce que l’on met dans le mot vertu. Moi, je ne parle pas des rosières de village. Ce serait trop long d’expliquer ici le contenu du mot vertu.

Notez en outre que le héros et le modèle des philosophes cyniques est Héraclès (Hercule en romain). C’est un héros qui ne se laisse influencer par personne ; il est libre et n’a pas d’attachement particulier.

Loin de s’encombrer de discours théoriques abstraits et pédants, Diogène et ses disciples pratiquaient une philosophie concrète , inconciliable avec l’idéalisme platonicien ; ils influencèrent sans aucun doute la morale stoïcienne (stoïcisme). Le sage cynique est capable de se contenter du minimum, pour ne souffrir d’aucun manque et  faire face aux situations difficiles ; il choisit donc de vivre dans l’abstinence, la frugalité. Il ne recherche aucune richesse, ni honneur, ni célébrité, ni privilège (ouah, comme on est loin de ça aujourd’hui) car il pense que c’est la voie la plus courte vers la vertu (éthique universelle). Pas besoin de technique ou de grandes performances orales, vivre simplement suffit à rendre sage. Voilà qui est très encourageant. Une fois cette sagesse, cette vertu atteinte, le philosophe peut se considérer comme libre, car il vit dans l’ataraxie (absence de troubles).

L’école cynique prône donc la vertu et la sagesse, qualités qu’on ne peut atteindre que par la liberté dans le souci constant de se rapprocher de la Nature.

Je diverge cependant des philosophes cyniques, qui se refuseront toujours aux grands discours et préfèreront les maximes sibyllines et ironiques, car j’aime discourir tant à l’écrit qu’à l’oral. Il est vrai que j’aime les mots, malheureusement je ne suis pas la seule et un bon nombre en abuse pour vous “rouler dans la farine”. A ceux-là, demandons d’être efficaces au quotidien (connaitre le prix du pain par exemple) : la preuve par le fait et non par la parole, en clair… l’expérience opposée à la théorie. Vivre avec un SMIC à 1 000 euros c’est plus difficile qu’avec des  revenus de ministres cumulards ! Droite ou gauche, c’est pareil !

Et pour terminer,  je vais reprendre en la modifiant un peu une phrase de Rhett Butler dans “Gone with the wind” (Autant en emporte le vent”) pour en faire une devise façon bouddhiste (puisque seul l’amour pourra sauver le monde) : “Je vous aime, vous, en dépit de vous, de moi et de ce stupide monde qui s’écroule, je vous aime“. C’était Scarlett.

Oui, mais demain est un autre jour…

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