1789, 1968, 2018 ou 2019 ?

Une nouvelle révolution est-elle en marche ? Je pense que oui car tout prête aujourd’hui à croire que nous vivons, en France, une situation identique à celle qui avait exaspéré les Français des années 1780. Les gilets jaunes sont là et leurs raisons de se manifester sont nombreuses et justes. La montée de la contestation populaire est liée au sentiment d’injustice croissante. Injustice devant la loi, inégalités fiscales et salariales, décalage entre les niveaux de vie des citoyens et de la classe dominante qui s’accroche à ses privilèges, voire même les augmente. On enlève cinq euros par mois à des familles modestes, un ministre parle de repas à deux cents euros et le couple présidentiel change le décor de l’Élysée, de la moquette pour trois-cent-mille euros, après la piscine pour l’été, les frais d’avion, etc.

Macron voit la France organisée comme sous l’Ancien Régime : le sommet a des privilèges impossibles à partager avec le peuple (la tête ne fraie pas avec les jambes ni les mains et pourtant sans jambe et sans main, la tête… on peut la perdre). Assez du mépris !

Quels sont donc les points de ressemblance entre les années 1780 et les années 2010 ? Deux-cent-trente ans après, réfléchissons. Qu’est-ce qui a déclenché la Révolution ? D’abord un état irréformable : le Roi régnait, tout puissant, fort de son droit divin, entouré de ministres pas toujours intègres et assisté par une administration très lourde, coûteuse et personne ne voulait changer la donne, comme aujourd’hui, notre président se comporte en roi ou même en dieu ce qui lui vaut le surnom de Jupiter. Ensuite la majorité de la population ne se sent ni écoutée, ni représentée en 1780 comme en 2018. Enfin la dette de l’État est écrasante. Reprenons quatre points.

1 – L’État irréformable

Au XVIII ème siècle déjà la France se caractérisait par un imposant appareil administratif qui dirigeait le pays à son profit et faisait crouler le peuple sous le poids des impôts et ce, depuis des années. Tocqueville écrivait en 1780 :

« Ce qui caractérise l’administration en France, c’est la haine violente que lui inspirent indistinctement tous ceux qui veulent s’occuper d’affaires publiques, en dehors d’elle.(…) elle ne laisse subsister que celles qu’elle a composées arbitrairement et qu’elle préside. (…) elle n’entend point que les citoyens s’ingèrent d’une manière quelconque dans l’examen de leurs propres affaires ; elle préfère la stérilité à la concurrence. Mais, comme il faut toujours laisser aux Français la douceur d’un peu de licence, pour les consoler de leur servitude, le gouvernement permet de discuter fort librement toutes sortes de théories générales et abstraites en matière de religion, de philosophie, de morale et même de politique. »

Louis XVI n’a pas eu de chance, il était au mauvais endroit au mauvais moment. Face à la foule, que pouvait-il ? Le jeune Macron a apporté à certains l’espoir d’un changement, malheureusement Macron c’est un vieux dans un corps de jeune, il pense en vieux, pour et dans un vieux monde, il ne veut rien changer à l’ordre établi : ses prérogatives de président, ses ministres surpayés, tout comme le reste de sa coûteuse cour. Il se prend pour le roi, il est même pire, il est méprisant le peuple. (Le roi aimait son peuple, mal certes, mais il l’aimait et il ignorait beaucoup de choses, aujourd’hui Manu a les infos.)

Quand les prix explosent en 1789 à cause de mauvaises récoltes, la population se révolte pour pouvoir manger à sa faim mais aussi pour ne plus crouler sous le poids des taxes. Aujourd’hui c’est le pétrole qui met le feu aux poudres et tous les prélèvements pèsent trop lourd sur le budget des ménages plus ou moins modestes qui travaillent ou ont travaillé. Ils veulent bien se priver mais jusqu’à un certain point ; en ce moment, les citoyens se privent pendant que les dirigeants se gavent. Il faut enfin réduire les dépenses et ne plus augmenter les taxes. Nous payons de plus en plus pour des services de moins en moins bons.

  • Pourquoi payer ad vitam aeternam des salaires aux ex-présidents et ex-ministres ?
  • Pourquoi leur fournir des gardes du corps, des secrétaires, des avantages particuliers à vie ?
  • Pourquoi payer autant les députés et leur offrir tant d’avantages particuliers (repas, cave à vins à acheter à bas prix pour eux et leurs amis…?
  • Pourquoi les payer même lorsqu’ils sont absents et ne font rien ?
  • Pourquoi augmenter leurs indemnités et leurs émoluments ?
  • Comment accepte-t-on les augmentations de coûts des ministères comme celui de Schiappa (de 27 à 86%, réponse très floue de l’intéressée) ?
  • Pourquoi offrir une piscine au bord de la mer au couple présidentiel ?
  • Pourquoi refaire la décoration à nos frais ? Après 500 000 euros de vaisselle, 300 000 de moquette, 100 000 de meubles…

2 – La Présidence coûteuse

Le budget de la Présidence selon la loi de finances 2018 s’élève à 103 millions d’euros en 2018. Et les ex coûtent cher.

Je vous rappelle que Valéry Giscard d’Estaing (qui fut jusqu’à Manu, le plus jeune de nos présidents) est, depuis trente-sept ans, le plus cher des trois anciens présidents encore en vie, il nous coûte pas loin de 4 millions d’euros par an ; 3,9 millions d’euros dont 2,5 millions en protection, 1,1 million en personnel et 300.000 euros en fonctionnement (sources “Les Échos”, 2016). Et on économise sur nos retraites…

Si l’on ajoute le coût de Madame Macron, on prend peur : six bureaux sont affectés à Brigitte dans « l’aile Madame » de l’Hôtel d’Évreux, quatre collaborateurs, des membres du GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la République) qui se chargent de sa sécurité, deux véhicules issus de la flotte de la Présidence : un pour ses déplacements et une voiture pour les agents du GSPR « précurseurs » ; « pour ses activités publiques et officielles, Brigitte Macron bénéficie des services de la coiffeuse-maquilleuse de la Présidence » et compte tenu de la quantité de courriers reçue, près de 13 000 lettres l’an dernier, « six à sept agents du service » de la correspondance présidentielle (sur un effectif total de 71 personnes) ont été mobilisés pour s’en charger.

3 – La crise de la représentativité

Le royaume de France dans les années 1780 ressemble à un patchwork avec des niveaux successifs de décisions (baronnie, comté, duché, principauté…) qui s’ajoutent sans jamais retrancher ; en 2018, nous avons un millefeuilles institutionnel (communes, cmmunautés de communes, départements, régions) et la réforme de ces dernières a été très coûteuse et surtout inutile pour les économies, il suffit de regarder l’augmentation des dépenses en  Occitanie (ménager les élus, qui ne pensent qu’à eux en général, est ruineux).

Les députés du Tiers-État (le peuple) lors du serment du Jeu de Paume, le 6 mai 1789, posent les bases de la Révolution : ils mettent en évidence la fracture qui existe entre le pouvoir (qu’ils n’ont pas choisi) et le peuple dont cette classe moyenne, exclue des décisions par défaut de démocratie, qui disserte, réfléchit, se réunit ; deux mondes coexistent sans se mélanger et même sans se voir. L’Ancien Régime fonctionne selon un système de ghetto : il y a la Cour à Versailles et le peuple à Paris ; les nobles ont leurs quartiers, les roturiers d’autres et surtout la campagne oubliée. Aujourd’hui nous retrouvons le même modèle social : le président élu se comporte en monarque, et notre France est redevenue une «société de l’entre-soi» notamment par la rupture entre les classes moyennes et les “élites” sans compter que le peuple est de plus en plus disparate avec ses communautés qui se démarquent les unes des autres. Qui nos élus représentent-ils ? Ont-is oublié ce que disait Mirabeau (qui s’est aussi vendu au roi en 1790) : “Nous sommes ici par la volonté du peuple, nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes.” ? Ils ont été élus (souvent par défaut) et se vendent au pouvoir pour conserver leurs avantages sans plus penser au peuple qu’ils représentent.

4 – Une dette écrasante

L’analogie entre la France et même l’Europe d’aujourd’hui et la France des années 1780 est possible car les deux époques se caractérisent par une crise de la dette qui détermine les choix politiques et les programmes de gouvernement. Autrefois la France ne disposait pas d’un budget en bonne et due forme, on se contentait de suivre l’état du trésor royal et l’impôt était levé au fur et à mesure des besoins (d’où la créativité française dans le domaine fiscal. Qui a inventé la T.V.A. ? C’est nous ! Modèle très bien exporté.)

La dette souveraine de la France avant 1789 devient si obsédante qu’elle détermine l’ensemble de la politique royale dans les années 1780 et explique la valse des ministres de l’époque qui tentent tous de juguler un déficit totalement hors de contrôle. L’Ancien Régime meurt, parce qu’il ne peut plus faire de choix politique en raison de cette contrainte. Avec un déficit annuel de près de 100 milliards d’euros en 2011, pour des recettes situées bon an mal an entre 300 et 350 milliards d’euros, la France des années 2010 souffre d’un besoin de financement de 30 % de son budget et ne se trouve guère éloigné de ce qu’elle connut dans les années précédant la Révolution.

On a coupé la tête au Roi et à bien d’autres nobles (puis à tant de roturiers) parce qu’ils étaient trop coûteux pour le pays mais nos élus vivent encore et toujours comme des princes. Réduisez les dépenses !

Force est de constater qu’Emmanuel Macron et son gouvernement ont plus d’un (mauvais) tour dans leur sac, ils veulent faire croire aux Français que tout va aller beaucoup mieux (bientôt) mais à lire le projet de loi de finances pour 2019, on voit bien qu’il n’en est rien. Le déficit déjà abyssal de l’État, ne cesse de s’accroître : 69 milliards d’euros en 2016, 76 milliards en 2017, 83 milliards en 2018, 98,7 milliards d’euros prévus en 2019. Concrètement, quand l’État prend 100 aux contribuables, il dépense 130. Conséquence, les impôts explosent : 1 057 milliards d’euros de prélèvements obligatoires en 2018, 1 070 milliards en 2019… En 2002, le montant n’était « que » de 670 milliards. Réduisez les dépenses !

ATTENTION :

Dans les années 1750, la France “populaire” fourmillait d’une multitude de sociétés de pensée, d’académies, de clubs qui menaient des débats scientifiques et politiques, sans légitimité politique autre que la libre adhésion de leurs membres, pendant que l’Ancien Régime était incapable de prendre les décisions nécessaires à sa réforme.

Aujourd’hui, on voit d’un côté, une pensée unique, monarchiste et courtisane, qui ne tolère aucun débat, aucune remise en cause, et de l’autre, des groupes qui s’agitent et bouillonnent en marge du pouvoir. Ce n’est pas rien ! Il faut entendre la colère.

L’arrivée de l’Internet et des moyens de communication instantanés et portables a permis de retrouver l’esprit des revendications communes. Nous pouvons communiquer plus vite  et mieux qu’avant malheureusement les mesures de police et de surveillance contre l’Internet décrétées un peu partout dans le monde triompheront-elles de cet élan des libertés publiques ?

Certes il y a des dérives et des débordements mais d’une manière générale, si les Français expriment  de manière aussi intense leur mal-être il faut l’entendre, l’écouter et ne pas croire que quelques promesses suffiront à calmer le jeu indéfiniment. Macron voulait fêter le cinquantenaire de Mai 1968, il aura peut-être un Mai 2019 qui risque d’être beaucoup moins bon enfant.

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2 réflexions sur « 1789, 1968, 2018 ou 2019 ? »

  1. à peine arrivé, il a fait des cadeaux au patronat, taxé et imposé le prolétariat !
    Il était évident que c’ était inacceptable, d’ autant que la mafia élyséenne dépensait sans compter pour son confort et ses envies de voyages !
    Ce fut un tort aussi d ‘imposer les 80 km/h, une aberration, en refusant tout compromis, et un autre de s’ en prendre à l’ automobile déjà tant taxée, en surtaxant un diesel qu’ ils avaient eux même recommandé, et en prenant un faux prétexte que celui de la transition énergétique !
    L’ imbécile obstination du premier sinistre a fait le reste !

  2. Oui, la révolution est en marche, les sans dents ont osé faire ce qui lui pendait au nez, à ce vil menteur qui n’a pas tenu ses promesses faites pour se faire élire !
    Tout le monde en a ras l’bol et c’est bien de le faire savoir mais encore faudrait-il que ce soit écouté, même s’ils disent tous “on vous entend” !
    On veut des actes, pas des paroles et pas la peine de croire qu’en faisant passer du temps la colère baissera : c’est tout le contraire, elle monte en ampleur !

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