Avant de publier, ce billet, je dois vous avouer qu’il y a bien longtemps que je ne m’étais pas fait autant plaisir à écrire (au pied levé). C’est un peu long mais j’espère que vous lirez. Moi, ça m’a fait du bien ce moment d’écriture.
Clara et timilo (honneur à la dame), tous deux fidèles lecteurs de mon blog (la réciproque est vraie) m’ont demandé si j’avais une explication à l’utilisation du mot GRENELLE de manière récurrente dans la bouche des politiques. Je vais dire «oui» car il est des questions qui me taraudent pendant des jours, que je pense être seule à me poser et qui, finalement, sont communes à un grand nombre.
Comme je n’aime pas les questions sans réponse, j’essaie toujours de trouver celle qui me convient. Je questionne de tous les côtés et je cherche un peu partout. J’ai de drôles de surprises quelquefois ; drôle, c’est déjà bien. J’ai entendu aussi des réponses bêtes à pleurer car l’obscurantisme est toujours présent… Pour l’heure, je reviens aux grenelles (G ou g ?) multiples et variés, sujet du jour.
Après ou plutôt pendant les « événements de mai 68 », des tractations eurent lieu rue de Grenelle à Paris, dans les locaux du Ministère du Travail entre syndicats et élus (Grenelle était une commune de Seine, intégrée dans la ville de Paris qui laissa son nom à une rue et un pont).
Négociés les 25 et 26 mai 1968 par des représentants du gouvernement Pompidou, des syndicats et des organisations patronales, les accords de Grenelle sont conclus le 27 mai, mais jamais réellement signés ; ils aboutissent essentiellement à une augmentation de 35 % du SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti, ancêtre du SMIC, Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance) et de 10 % en moyenne des salaires réels. Ils prévoient d’autres améliorations du travail et des rémunérations. (Attention on en a perdu beaucoup ces trente dernières années ; bravo les 35 heures !)
Rejetés par la base, les accords de Grenelle ne résolvent pas immédiatement la crise sociale et la grève continue. Cependant trois jours plus tard, le 30 mai, le général De Gaulle, revenu d’Allemagne où il s’était retiré, conforté par une énorme manifestation de la droite sur les Champs-Élysées, décide la dissolution de l’Assemblée Nationale et provoque des élections législatives qui voient le 30 juin 1968 le triomphe des gaullistes (293 sièges sur 578) et mettent un terme à la crise politique. Fin d’une crise, changement de décor.
Mai 68 a eu des conséquences très variées. Ces événements ont plus ou moins été à l’origine de la législation plus favorable aux droits des femmes, travail, salaire (ah, aha, ha), autorité parentale, pilule et avortement. Un souffle de liberté est réellement né à cette époque ; les choses n’ont plus jamais été comme avant. MAIS, nous en pâtissons plus que nous en profitons aujourd’hui. Il y a tant à dire … Vous pouvez revoir mes articles sur Mai 1968 si ça vous intéresse en cliquant sur le lien qui vous convient.
1 – Mai 68 On ne peut plus dormir tranquille lorsqu’on a une fois ouvert les yeux.
2 – Mai 68 Les causes, l’esprit
3 – Mai 68 Troisième et dernier épisode de cette série
Nouvelle remise sur les rails : retour à Grenelle ! C’est une question de mots.
Et là aussi, une lecture d’un ancien article peut être utile.
http://www.francoisegomarin.fr/2011/03/22/parler-est-ce-un-art/
Parler d’un grenelle, c’est mettre en oeuvre une figure de style qui consiste à employer un nom propre pour un nom commun (Diesel, Tartuffe, Poubelle, par exemple), un nom commun ou une périphrase pour un nom propre (l’Île de Beauté pour la Corse, le Sauveur pour Jésus-Christ ou encore un nom propre pour un autre nom propre (Napoléon, Le Nain… pour Nicolas Sarkozy). Elle se nomme antonomase. Ce mot vous échappera régulièrement, je cherche souvent, le nom des figures de style sauf de celle que je préfère : l’oxymore, joli nom et jolis effets comme l’aigre-doux, le clair-obscur ou les plus littéraires «silencieux tintement» de Robbe-Grillet, «soleils mouillés» de Baudelaire, «boucherie héroïque» de Voltaire… Contradictions en une image.
L’antonomase court les rues aujourd’hui. On ne dit plus avion mais Airbus, Boeing et Mac pour ordinateur, Vespa, Frigidaire… L’antonomase politique actuellement la plus tendance est sans aucun le Grenelle (de…). Il s’agit de réunir autour d’une table, pour une question d’importance européenne, nationale, des personnes aux opinions particulièrement tranchées et souvent diamétralement opposées. Pourquoi donc? Pour faire du bruit ? Pour noyer le poisson ? Pour faire avancer les choses ?
Après le Grenelle historique, l’original de 1968 rappelé plus haut, on trouve, réalisés, irréalisables, irréalistes, farfelus, inutiles, ou vagues, un certain nombre de Grenelle tels que le Grenelle de l’environnement, le Grenelle de l’insertion, le Grenelle de la Formation, le Grenelle de l’audiovisuel, le Grenelle de la santé…
Une chose me dérange dans tous ces Grenelle, bien plus que leur contenu (je sais depuis longtemps qu’on nous balade), c’est le français, la grammaire. L’antonomase existe, nous pouvons la faire vivre et l’utiliser mais il ne faut pas abuser, il existe des mots adaptés à chaque chose, c’est la précision des mots qui fait la clarté d’une langue.
J’en ai assez de ces «gens» qui se croient des «gens biens», voire même intelligents parce qu’ils ont fait passer un néologisme plus ou moins heureux dans la langue courante. Cette création n’était pas un trait d’esprit ou d’humour, mais un manque, une incapacité, une inculture : la «bravitude», ça vous a fait rire, vous ? J’arrête là ; les exemples sont légions.
Pour qui se prend l’élu ou le Ministre, qui en période de crise dépense des sommes folles en communication pour organiser un Grenelle de… la connerie ? Serait-il judicieux de faire un grenelle de l’école, de la famille, du français, de l’orthographe… ? Nous avions des idées, avant, en France.
Et pourquoi un grenelle ?
Pourquoi le genre masculin ?
Pourquoi le singulier ?
Pourquoi dit-on le Grenelle ?
En 1968, c’étaient dans LA rue de Grenelle, LES accords de Grenelle.
LA grenelle, ça fait effectivement : la grenouille (de bénitier, ou la cuisse de…), la grenaille (encore manger et pommes de terre ou guerre : mitraille, grenaille…) et je me demande pourquoi mon esprit va vers gredine, grenadine, boisson, absinthe, artiste, syphilis, maison close, en secret, en douce… Pas net tout ça !
Sauf que sur le net j’ai trouvé ce texte : «Le projet de loi Grenelle II sera examiné par une commission mixte paritaire regroupant sept députés et sept sénateurs, les 15 et 16 juin prochains. A cet effet, la Fédération Nationale des Boissons, C10, Distriboissons, France Boissons, Olivier Bertrand Distribution et Café In, ainsi que France Nature Environnement, se réjouissent de voir que lors de sa discussion à l’Assemblée Nationale, le projet de loi Grenelle II s’est enrichi d’une disposition supplémentaire visant à réduire et valoriser les déchets issus du circuit cafés hôtels restaurants (CHR) et espèrent que cette disposition sera confirmée, peut on lire dans un communiqué de presse.
Ce projet de loi contient un nouvel article 78 quater A : « A compter du 1er janvier 2012, les emballages contenant de la bière, des eaux ou des boissons rafraichissantes sans alcool, destinés aux cafés hôtels restaurants ainsi qu’à la restauration collective sont consignés, par les metteurs sur le marché des produits concernés, en vue de leur réutilisation pour les volumes supérieurs à 0.5 litre en vue de leur réutilisation ou de leur recyclage pour les volumes inférieurs ou égaux à 0.5 litre. Pour le 1er janvier 2015, le gouvernement réalise un bilan de cette consignation et en étudie l’extension à d’autres boissons. »…
On les paie combien déjà pour débattre de ça ? C’est de l’innovation ?
Moi, j’ai envie d’utiliser une antonomase du quotidien, «Poubelle», pour me débarrasser des encombrants.
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