Les michetonneuses

Comme chaque dimanche, ce dimanche 27 janvier 2013, à la télévision, nous pouvions regarder Sept à huit, magazine d’information présenté par Harry Roselmack et un sujet… chaud :  les michetonneuses.

Je croyais que tout le monde connaissait ce mot d’argot, et bien, non. J’ai dû expliquer. « Un michetonneuse est une «gagneuse» (une prostituée régulière) qui a des michetons, des clients réguliers (souvent des gogos, des benêts qui se font plumer), mais aujourd’hui quand on parle de michetonneuse, il peut s’agir d’une prostituée débutante, libre, ou même une fille non prostituée qui cherche occasionnellement le micheton (quelqu’un de riche pour l’entretenir) ou même simplement une non-professionnelle cherchant à arrondir ses fins de mois. Crise oblige, non ?

Le masculin existe : michetonneur ; y a pas de raison !

Surprise pour moi (enfin pas vraiment, pour être sincère), j’ai constaté que la notion de  prostitution n’est pas claire dans la tête des gens, essentiellement des filles qui vendent leur corps. Elles ne sont pas à l’abattage, ça ne compte pas. C’est là qu’on voit que la morale a complètement disparu. Le fric fait la loi partout, pour tout.

La consommation, sorte de reconnaissance de pouvoir, est fortement valorisée mais les moyens de la développer, en particulier le travail, sont fortement dépréciés ; on veut de l’argent facile. Il faut reconnaître que lorsqu’on entend les chiffres annoncés comme «salaires» des footeux, artistes ou stars d’un jour (voire d’un quart d’heure), quand on sait combien peut rapporter un gros gain au Loto, à Euromillions ou à un jeu télévisé pas intello (comme ceux de TF1 : Qui veut gagner des millions, Money drop, Les douze coups de midi…), on a envie d’avoir autant sans effort et sans vergogne. Or, travailler et gagner 9,43 euros de l’heure (au 1er janvier 2013), soit 1 430,22 euros bruts mensuels pour 35 heures hebdomadaires, soit moins de 1 100 euros nets par mois, parait inacceptable quand on fait la comparaison. Le travail n’a plus de valeur.

Que reste-t-il à négocier ? C’est ça : son apparence, son corps. Quels sont les métiers qui font rêver les jeunes filles aujourd’hui ? Mannequin, chanteuse, actrice, créatrice de mode, designer… peu d’infirmières, d’institutrices, de médecins…

Pour réussir, se faire une place, il faut se faire remarquer, on soigne l’emballage. Bien maquillées, les filles (et les garçons aussi) paradent et vendent ce qu’elles (ils) ont : leur apparence. L’avenir ? On n’y pense pas trop. Carpe diem.

Ce que j’ai entendu, dans ce reportage, était choquant, c’était le but à atteindre. Réussi ! Une gamine de dix-huit ans avouait que, depuis l’âge de quinze ans, elle n’avait jamais eu de petit ami mais à la place de nombreux clients. «Ce serait dommage de gâcher, donner gratuitement ce qui peut être vendu» disait-elle. Je constate qu’elle se considère, elle-même, comme une marchandise. Pas d’amour, ni d’amour-propre.

Une autre de vingt trois ou vingt-quatre ans faisait remarquer qu’elle était « retardée » car elle ne s’était lancée qu’à vingt ans. Avec ses gains, elle s’occupait de sa famille, finançait les études de ses sœurs (personne ne se pose de questions sur l’origine de l’argent ?), une autre gâtait sa fille de deux ans et espérait avoir les moyens de lancer sa boutique de mode. Toutes avaient un modèle : Zahia ; c’était même une idole pour la plus jeune.

N’avez-vous pas été choqués par le battage médiatique fait autour de Zahia et sa collection de lingerie ? Depuis la fin de ses démêlés avec la justice et l’équipe de France de football Zahia a su rebondir. Protégée de Karl Lagerfeld, devenue star, chacune de ses apparitions crée l’événement.  Et tenez-vous bien, la demoiselle devenue respectable aurait signé un contrat avec la maison d’édition Michel de Maule pour un livre destiné aux enfants. Je suis rassurée, elle est méritante.

Souvenez-vous aussi que face à des policiers qui lui disaient « une michetonneuse qui couche avec un homme pour avoir un cadeau ou de l’argent, c’est bien une prostituée ? », un footballeur répondait et n’en démordait pas : « Non, c’est pas une prostituée si elle lui dit pas. » Preuve du manque d’éducation et de morale et preuve aussi de l’hypocrisie et de la bêtise généralisées, personne ne veut appeler «un chat un chat».

Et si l’on revenait à Zahia et aux « michetonneuses » des Champs-Elysées :  des jeunes banlieusardes désœuvrées viennent faire la fête à Panam’, tous frais payés, elles rencontrent de jeunes footballeurs multi-millionaires et croisent des stars de la télé-réalité qui vivaient de petites combines et du RSA avant leur «célébrité», elles monnaient la seule chose qu’elles ont : leur corps. « Jamais je n’aurais cru que c’était illégal de faire ça », a même dit une copine de Zahia. Il y a vraiment toute une éducation à faire.

Et les maquereaux, les proxénètes, les clients, ils ne savent pas ce qu’ils font. Il est vrai que Dodo la Saumure et DSK, ça vous donne déjà une idée de la société. Quels repères !

Celui qui  propose des « plans  » : sortie, danse, contrat, des «plans culs» même, celui qui assure la présence féminine dans les soirées et dans les dîners et qui touche un billet par-ci, par-là, n’est pas un proxénète, non, il évolue dans le monde de la nuit. C’est un mec sympa et arrangeant, un mec qui a des relations. Il peut fournir en supplément quelques «aides chimiques» pour que la soirée soit encore meilleure. C’est illégal, ça ?

Les nouvelles michetonneuses rajeunissent le plus vieux métier du monde. Elles  se situent entre la putain et la femme entretenue.

Combien sont-elles ?

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