Servitude volontaire

Le Discours de la servitude volontaire est un texte rédigé par Étienne de La Boétie, à l’âge de dix-huit ans, dit-on. L’ouvrage a été publié intégralement en français en 1576, après la mort de l’auteur. Ce texte est un court réquisitoire contre l’absolutisme qui pose la question de la légitimité de toute autorité. La Boétie essaie d’analyser les raisons de la soumission, le rapport « domination-servitude ».

Cet ouvrage constitue une excellente préfiguration de la pensée anti-absolutiste qui commence à se diffuser dans le royaume. Après le massacre de la Saint-Barthélemy se posait légitimement, pour les Protestants et l’ensemble des Français, la question de leur relation au tyran et de la nécessité de s’en libérer.

La Boétie a élaboré une réflexion très originale pour son époque. La virulence du texte, atténuée par l’emploi d’exemples uniquement tirés de l’Antiquité, le peu d’occurrence de Dieu dans la réflexion sur le pouvoir et la notion de désobéissance civile sont des idées qui ne seront reprises que bien plus tard. Cette thèse au titre surprenant (un bel oxymore «servitude volontaire») est, à proprement parler, anarchiste : le refus du principe d’autorité.

Contrairement à ce que beaucoup pensent, la servitude n’est pas forcée, elle est  bien volontaire. Comment concevoir qu’un petit nombre contraint l’ensemble (nombreux) des autres à obéir aussi servilement ? Tout pouvoir, même quand il s’impose par la force, ne peut dominer et exploiter durablement une société sans la collaboration, active ou résignée, d’une partie notable de ses membres.

 « Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres »

Que s’est-il passé pour que les hommes tombent de la liberté dans la servitude ?

La servitude est contraire à l’état de nature qui voudrait que les sociétés soient «égalitaires», personne ne pourrait détenir du pouvoir sur les autres. La première cause de la servitude est donc l’oubli de la liberté et la coutume de vivre dans une société hiérarchisée où règne la domination des uns sur les autres. La tyrannie est une pyramide fondée sur le contrôle social ; la structure hiérarchique du pouvoir permet d’enfermer la majorité dominée en différents sous-groupes intermédiaires, en résumé «le tyran tyrannise grâce à une cascade de tyranneaux tyrannisés qui tyrannisent à leur tour», ce sont ces millefeuilles de “chefaillons” que nous avons tous déjà vus.

L’une des raisons du maintien dans la servitude est que les tyrans usent de nombreux stratagèmes  (toujours les mêmes) pour affaiblir le peuple :

  • d’abord, le peuple est engourdi par les passe-temps ludiques (les arènes sont devenues télévision, la Française des jeux fait rêver…) ;
  • puis le tyran allèche ses sujets pour mieux les endormir : il accorde des largesses à son peuple qui ne se rend pas compte que c’est avec l’argent même soutiré à ses sujets que ces divertissements sont financés ;
  • il fait, avant de commettre ses crimes, de beaux discours sur le bien général, la réussite de l’organisation et la nécessité du maintien de l’ordre public ;
  • il utilise même parfois de l’artifice de la religion pour susciter la crainte du sacrilège et réveille la tendance de l’ignorant à la superstition.
  • il rend ses gens complices de ses cruautés, les asservissant ainsi davantage.

Pourtant, la principale raison est qu’une partie de la population se met au service de la tyrannie par cupidité et désir d’honneurs : des courtisans et d’autres plus éloignés qui se font les complices de la tyrannie, perdant du même coup leur propre liberté. Ceux-là flattent leur maître espérant ses faveurs, sans voir que la disgrâce les guette nécessairement. Ainsi se forme la pyramide sociale qui permet au tyran d’« asservir les sujets les uns par le moyen des autres ».

La résistance et l’usage de la raison sont les moyens de reconquérir la liberté :

“Ceux-là ayant l’entendement net et l’esprit clairvoyant, ne se contentent pas, comme les ignorants encroûtés, de voir ce qui est à leurs pieds, sans regarder ni derrière, ni devant ; ils rappellent au contraire les choses passées pour juger plus sainement le présent et prévoir l’avenir. Ce sont ceux qui ayant d’eux-mêmes l’esprit droit, l’ont encore rectifié par l’étude et le savoir. Ceux-là, quand la liberté serait entièrement perdue et bannie de ce monde, l’y ramèneraient ; car la sentant vivement, l’ayant savourée et conservant son germe en leur esprit, la servitude ne pourrait jamais les séduire, pour si bien qu’on l’accoutrât. »

Ainsi, même sous un régime autoritaire, il y en aura toujours pour résister, chacun à leur façon, le principal étant l’union finale.

C’est pourtant le peuple qui délaisse la liberté et non le tyran qui la lui prend. Seule la servitude  permet au tyran de rester au pouvoir, l’obéissance est un préalable à la violence.

« S’ils arrivent au trône par des moyens divers, leur manière de régner est toujours à peu près la même. Ceux qui sont élus par le peuple le traitent comme un taureau à dompter, les conquérants comme leur proie, les successeurs comme un troupeau d’esclaves qui leur appartient par nature. »

Pour sortir de la domination, il faut sortir de l’habitude mais ceux qui n’ont jamais connu la liberté servent sans regret et font volontairement ce que leurs pères n’auraient fait que par contrainte. La première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c’est qu’ils il sont nés serfs et ont été élevés comme tels et comme le précisait La Boétie, « on ne regrette jamais ce que l’on n’a jamais eu ».

Ne sacrifions pas nos enfants !

Ne nous laissons pas davantage entraîner dans la servitude ! Réagissons ! Souvenons-nous de Stéphane Hessel qui a eu tant de succès, il y a déjà onze ans, avec son manifeste Indignez-vous ! 

Gardons l’esprit libre. Un tyran peut-il régner sur un peuple d’Hommes libres ?

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Une réflexion sur « Servitude volontaire »

  1. il y a déjà le fait qu’ un pouvoir fait de l’individu qui le possède un petit tyran !
    ça peut être un chef de bureau, un policier, un maire, jusqu’au président !
    Ce dernier , avec sa garde rapprochée des traîtres qui le vilipendaient avant son élection ont pour dernier rempart les forces de police.
    Le passé nous apprend que le plus souvent, les tyrans finissent renversés !
    Passe une bonne fin de semaine Françoise
    Bisous

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