20 décembre à La Réunion

Le 20 décembre est le trois-cinquante-quatrième jour de l’année du calendrier grégorien ou le trois-cent-cinquante-cinquième jour en cas d’année bissextile (comme en 2012). Il reste onze jours avant la fin de l’année et plus qu’un avant la fin du monde…

C’était généralement le trentième et dernier jour du mois de frimaire dans le calendrier républicain mais ce n’est pas l’important du jour. A La Réunion le 20 décembre est une date particulière, celle de l’abolition de l’esclavage.

Nous fêtons cette année le 164ème anniversaire de l’abolition dans l’île.

Le 20 décembre est un jour férié depuis 1983 seulement (je crois que la décision a été prise en 1981 et l’application date de 1983). Depuis, c’est la «Fête de la Liberté» appelée aussi «Fèt Kaf». Je préfère «fête de la Liberté» mais cela me rappelle un mauvais souvenir. Il y a quelque années, allant fêter le vingt décembre dans mon quartier, j’ai été prise à partie par trois cafrines avinées (enRHUMées plutôt) qui m’ont dit que je n’avais rien à faire à la «Fèt Kaf». Des gens du coin m’ont défendue et mon mari m’a demandé de rentrer, ce qui m’a paru sage mais m’a donné à réfléchir sur le sens de la liberté. Depuis je n’ai guère envie de retourner aux manifestations qui me sont potentiellement interdites par certains. Dommage !

Le 20 décembre donc, de nombreux «kabars» sont organisés par les municipalités (le kabar est une soirée, une animation qui a perdu son origine malgache et a aujourd’hui une originalité réunionnaise grâce au côtoiement des cultures malbare, comorienne, européenne, chinoise ; le kabar est devenu soirée musicale avec chansons et instruments typiques de La Réunion). La manifestation du vingt-décembre est l’un des plus grands événements culturels de l’île avec des défilés, des expositions, des débats et des conférences qui œuvrent à la transmission d’une histoire commune même si certains veulent en faire autre chose.

Quelques rappels  historiques : pour mettre en valeur l’île Bourbon, la Compagnie des Indes et les colons utilisèrent une main-d’œuvre servile. De 1717 à 1817, près de 80 000 esclaves furent “importés” dans l’île. Ils provenaient d’une traite régionale qui se fournissait sur les côtes de l’Afrique orientale et de Madagascar.

La Révolution française a aboli l’esclavage en 1794 mais les colons de La Réunion refusèrent d’entériner cette décision qui les aurait ruinés et renvoyèrent les commissaires de la République venus faire appliquer la loi. Je pense qu’il en fut de même aux Antilles.

Le rétablissement de l’esclavage en 1802, grâce à Napoléon I° (qui défendait les intérêts de ses beaux-parents martiniquais, les Tascher de La Pagerie) est accueilli avec soulagement par les gros propriétaires.


En 1834, l’Angleterre met fin à l’esclavage dans ses colonies. Les esclaves des îles voisines de Bourbon, Maurice et les Seychelles, sont libres, ce n’est pas le cas des esclaves réunionnais qui devront attendre la révolution de 1848.

En février 1848, en France métropolitaine, c’est à nouveau la Révolution, le gouvernement de Louis-Philippe est renversé. La nouvelle arrive à la Réunion en mai et le 8 juin 1848 ; le Calcutta, navire qui arrive de Bordeaux, apporte la confirmation officielle du changement de régime. Le lendemain la République est proclamée sur l’île. Le 10 juin 1848 les décrets du gouvernement provisoire sont enregistrés par la cour d’appel et les propriétaires sont inquiets, plusieurs membres du nouveau gouvernement sont de farouches abolitionnistes. Arrive ensuite dans l’île une dépêche confirmant le crainte des colons : l’esclavage a bel et bien été aboli mais ils savent qu’aucune mesure efficace n’a été mise en place pour préserver l’économie locale. Le 17 juillet, les colons se rassemblent et le 18 juillet, un comité provisoire de quinze membres est élus. Un vent d’agitation souffle parmi les plus nantis. Le gouverneur de Bourbon se contente d’observer ; il sait que ses jours dans la colonie sont comptés et qu’il sera bientôt remplacé par un commissaire de la République.

En effet, le Commissaire général de la République, Sarda-Garriga, débarque le 13 octobre 1848 et proclame officiellement l’abolition le 20 décembre 1848. Le jour même, ce sont environ 62 000 esclaves sont libérés dans le calme.

Mais pourquoi un tel délai entre le débarquement de Sarda Garriga et la proclamation de l’abolition ?

C’était la saison de la coupe de la canne à sucre. Il fallait terminer le travail dans le calme. Sarda-Garriga n’était pas fou, il a écouté les colons.

Ne dit-on pas que nécessité fait loi ?

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4 réflexions sur « 20 décembre à La Réunion »

  1. c’ est donc un passé qui revient chaque année sur scène !
    ça me fait un peu penser à la situation actuelle entre l’ Algérie et la France.
    Faut il vraiment remettre le passé sur le gril ?
    pense t on que l’ esclavage pourrait faire son retour ?
    une chose est sure, il est impossible de changer le passé, et peut être faudrait il se tourner résolument vers l’ avenir
    bonne journée
    bisous

  2. Oui, comme tu le dis, trublion, chaque année on commémore cette date et si je suis sûre qu’un jour de fête locale peut être une bonne chose, j’avoue qu’exacerber la rancune est nocif aux relations saines. Une société multi-culturelle qui semblait idéale auparavant risque d’évoluer vers une communauté moins paisible.
    Remettre le passé sur le gril ? Pourquoi pas mais ça dépend comment on le fait. L’information peut être déformée…

    Le retour de l’esclavage ? Il n’a jamais disparu quand on pense aux conditions de travail de certains : un salaire comme une aumône dans les mines et certaines usines. La législation du travail n’est même plus respectée depuis quelques années ; les chômeurs sont nombreux alors…

    Tourner la page, voilà une action bien difficile semble-t-il. Plus facile de se plaindre, de vouloir se faire plaindre que de vouloir changer les choses.

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