Dégradation

Le Vendredi 13 a été fatal pour la France. On sourira demain. Soyons sérieux aujourd’hui. L’information est désormais certifiée par l’agence de notation Standard and Poor’s elle-même, vers 22h35 heure française : dégradation de la note de crédit de la France d’un seul cran. La France perd ainsi son fameux triple A, et passe à AA+.

Cette dégradation, qui me fait penser à Dreyfus dans la cour de la caserne, cette dégradation d’un cran avait été largement anticipée par les marchés. Pourtant il faut bien noter que S&P a assorti cette dégradation d’une perspective négative, en clair, cela signifie que la France pourrait encore voir sa note abaissée  dans les trois prochains mois et pourtant des signes encourageants étaient apparus : 5,5% de déficit contre 5,7% du PIB cette année. Va-t-on rejoindre la Grèce, le Portugal, l’Espagne…?

Il y deux jours, Fitch avait dit que la France ne serait pas dégradée, en tout cas pas cette année mais Standard&Poor’s a émis des réserves sur la viabilité des objectifs de réductions des déficits, sur les prévisions de croissance pour cette année et pour les suivantes ; sans compter que du côté de l’emploi, la France pourrait passer le cap des 10% de chômeurs cette année d’après l’INSEE. De plus, cela fait bien longtemps que l’on considérait que la France n’empruntait plus au niveau d’un émetteur digne d’un triple A compte-tenu notamment de l’écart avec l’Allemagne.

Mais qui sont Fitch, Moody’s ou Standard&Poor’s, ces noms familiers désormais ?

Ces sociétés sont les leaders mondiaux de la notation financière. Spécialisées dans ce que l’on nomme en anglais le « rating », elles évaluent le risque de solvabilité des emprunteurs : entreprises privées ou publiques, Etats, collectivités locales comme les départements ou les régions, les communes et mesurent précisément le risque de non remboursement des dettes que présente l’emprunteur, on parle aussi de la « qualité de la signature ».

Leur influence sur les marchés et la vie des entreprises est considérable mais pourquoi détiennent-elles un tel pouvoir ?   Dans le cas d’une entreprise cherchant à se financer, la notation obtenue sera déterminante pour les conditions de l’opération. Que ce soit par financement bancaire ou par émission d’obligations sur le marché, plus la note sera élevée et plus l’entreprise trouvera des fonds bon marché à des taux d’intérêt faibles. A l’inverse, une mauvaise note signifiera un taux d’intérêt plus élevé et des difficultés pour mettre sur pied un financement. La différence de niveaux entre les taux d’intérêt constituera la prime de risque. La note n’est pas figée ; elle évolue ensuite tout au long de la vie des titres. Une révision de la note à la baisse peut faire baisser le cours du titre visé. De même, un changement d’évaluation à la hausse peut faire monter le cours. Les investisseurs sont très attentifs aux modifications de notes ou aux mises sous surveillance. Il est important de souligner que les notations attribuées ne sont en aucun lieu des recommandations d’achat ou de vente (et pourtant…), il s’agit uniquement de l’estimation du risque de solvabilité à un instant donné et mesuré de manière statistique (et là, on peut avoir quelques doutes).

Début 2011, aux USA, sur fond de tensions entre les républicains et les démocrates, et dans l’incapacité de sortir d’un blocage financier, l’agence de notation a émis l’hypothèse d’un abaissement de la notation des États-Unis qui possèdent des dettes publiques d’environ 98 % de leur PIB (avril 2011), ce qui en fait un des pays les plus endettés au monde. Le 5 août 2011, l’agence de notation abaissait la note attribuée à la dette publique à long terme des États-Unis de « AAA », la note maximale, au niveau immédiatement inférieur (« AA+ »), ce qui n’était pas arrivé à ce pays depuis 1917. Elle qualifiait de « négative » sa perspective à long-terme, avec la possibilité d’une nouvelle baisse de la notation dans les deux ans à venir et justifiait sa décision, entre autres critères, par les « risques politiques » de voir le pays prendre des mesures insuffisantes contre son déficit public.

Parmi les éléments économiques à l’appui de cette dépréciation figurait initialement une projection de dette de deux mille milliards de dollars qui avait été comptabilisée deux fois par erreur. Malgré la reconnaissance implicite de cette erreur, Standard & Poor’s maintenait et justifiait la dégradation de la dette à long terme. Cet “incident” jetait un doute grave sur la crédibilité et le sérieux des agences de notation.

Ce manque de rigueur s’illustrera à nouveau le 10 novembre 2011, date à laquelle la société annonce par erreur à certains de ses abonnés que la “note” de la France a été dégradée alors qu’il n’en est rien avec comme conséquence un suivi plus poussé de l’entreprise par l’Autorité européenne des marchés financiers. Mais dans ce cas-ci elle déclara ne pas avoir l’intention de toucher à la note de la France.

La question de la validité de l’opinion de S&P, de son sérieux, de son indépendance peut donc effectivement se poser surtout après que les agences de notation ont maintenu une bonne notation pour Enron quatre jours avant la faillite. La crise des subprimes avait remis  en cause le rôle des agences et leur indépendance. En effet, des produits structurés complexes ont joué un rôle central dans l’accélération des effets de la crise, et les agences sont critiquées pour avoir été trop actives dans le développement du marché, à un point tel que les banques utilisaient des modèles développés par les agences pour faire leurs montages. Pis, début 2008, on apprend que Moody’s a donné par erreur la notation la plus haute à des produits structurés. Les investisseurs, qui avaient pardonné Enron, critiquent alors durement les agences et leurs pratiques, et exigent des changements fondamentaux.

Effet pervers de la mondialisation “charbonnier n’est plus maître chez lui”. Michel Barnier avait proposé la création d’agence(s) de notation européenne(s) ce qui me parait plutôt une bonne idée.

Avons-nous vraiment besoin d’arbitres ? Et la liberté ? La responsabilité ? Il existe des valeurs qui n’infantilisent pas.

Share

8 réflexions sur « Dégradation »

  1. ces agences de notation, sont très suspectes à nos yeux, n’ont elles pas donné dans le passé de bonnes notes à des banques américaines, qui ont ruiné des millions d’américains, avec leurs crédits miracles ! elles interviennent directement dans la vie des états, dans notre vie, c’est insupportable, sont elles vraiment indépendantes de puissants intérêts financiers, nous en doutons ! bon weekend chere Françoise, bisous

  2. ah ah ah!!!!!
    que de blablabla ces notations..le monde devient ridicule et superficiel.. je me mets AAAA ma note de bonheur…
    je te souhaite idem

  3. Bonjour Françoise,
    Ridicule tout ça ! on ne connaissait même pas l’existence de ces agences il y a quelques mois.
    Pour moi, c’est un moyen de nous faire appliquer plus d’austérité encore sans que l’on ne bronche, c’est tout.
    Il y a plein d’économistes qui préconisent d’autres moyens de sortir de la crise, mais qui les entend ? même pas la gauche apparemment qui rentre dans ce système.
    J’en ai marre de cette mascarade.
    Autre sujet : je n’arrive pas à récupérer ton n° de portable, désolée ! si tu veux bien m’appeler ?
    Bises.

  4. Eprise d’indépendance, je suis affreusement fâchée de “dépendre” de cette agence qui semble toute puissante ! A quel titre ? Doit-on toujours être “à la traîne” de quelqu’un ???
    Ceci dit, comme je n’y comprends rien, je me contente de penser aux conséquences à venir pour nous tous…J’aimerais voir la vie en rose, mais ce n’est guère possible en ce moment !

  5. je pense que le président avait volontairement parlé de ces AAA dont personne ne soupçonnait l’ existence, et tout aussi volontairement dramatisé, afin d’ imposer une rigueur qui en d’ autres circonstances aurait probablement provoqué des grèves !
    Il y en a eu en Grèce, en grande Bretagne, pas chez nous un comble non !
    et les pays qui ne l’ ont pas, ne se portent pas plus mal que nous !
    bonne journée
    bisous

  6. Bonjour
    oui, ces agences sont bien suspectes… et la magouille doit sans doute accompagnées leurs décisions !!! il serait étonnant qu’il en soit autrement…
    A lundi
    Jean

  7. Bonjour Françoise,
    Ce genre d’agence il y en a chez nous aussi.
    Plus il y en a et moins ça va.
    Nous n’avons pas besoin de tout ce cirque.
    L’argent il n’y a plus que cela qui compte.
    Bon week-end, bisous.

  8. Nous sommes en crise, certes, mais le sens de la crise, c’est l’invention d’une nouveauté. D’une certaine manière, la crise nous fait évoluer, avancer. Il n’y a d’évolution que par les crises. Ne passons nous pas par la crise d’adolescence, la crise de la vieillesse ? La crise est un déséquilibre et il invente un nouveau chemin. La dette est colossale, mais soyons optimiste. Amicalement, Pimprenelle.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *