Injure(s)

Un nouvel article, toujours la prof derrière les mots. Petite leçon de français, d’étymologie, de possibilités d’évolution des mots et des idées, après la grammaire du dernier billet. Ce qui semble injurieux aujourd’hui ne l’était pas avant “et réciproquement” comme le disaient Pierre Dac et Francis Blanche, amis à la ville et complices à la scène, des artistes que “les moins de (deux fois) vingt ans ne peuvent pas connaître”.

Les injures (sexistes, homophobes, grossophobes, racistes, antisémites, etc…) ne sont pas des mots comme les autres ; elles ont le pouvoir de blesser et de dévaloriser, ce sont des mots redoutables utilisés pour contrôler et mettre à l’écart ceux qui dérangent, ceux qui ne correspondent pas aux codes attendus ; elles séparent les gens, ne sont pas toujours lancées en face de la personne visée mais déstabilisent tout le monde. Heureusement, Voltaire, sagement a prononcé une petite phrase qui me rassure et devrait avoir le même effet sur vous (même si “c’était avant”, il y a bien longtemps) :

“Les injures atroces n’ont jamais fait de tort qu’à ceux qui les ont dites.”

(Les promesses, elles, n’engagent que ceux qui les écoutent.)

Je reviens à ce mot “injure“.

Injure, jadis, signifiait injustice. Peut-être est-ce vous faire injure de vous expliquer cela ? Vous faire injure, vous manquer de respect, vous mépriser… il n’en est rien. C’est juste une méthode pédagogique pour être certaine que nous partons sur les mêmes bases.

Injure est emprunté au latin “injuria”  qui signifiait “blessure“, curieusement ce sens est resté en anglais “injury” c’est blessure. Avec l’évolution des langues, toute naturelle, le sens a changé est injuria est devenue “injustice, violation de droit, tort, dommage” ce qui a amené ensuite le mot à devenir “parole blessante”. Les injures ne sont pas seulement le fait des Hommes et de leurs mots mais elles peuvent être causées par le hasard, l’âge, le temps qui passe.  Ainsi Jean Racine dans “Athalie” (1691), acte II, scène 5,  utilise un synonyme d’injure, le mot outrage pour dire les dégâts du temps :

Même elle avait encor cet éclat emprunté / Dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage, / Pour réparer des ans l’irréparable outrage.

En clair, t’as beau te maquiller comme une voiture volée, quand t’es vieille ça se voit même quand tu uses des subterfuges de la chirurgie esthétique, ton cou, tes mains te trahissent toujours.  Vous ne trouvez pas vous que ça se voit, ces artifices coûteux en général ?

Je reviens à l’injure qui n’est pas le juron (clic) : saperlipopette ! (juron  atténué de sapristi.) et à Madame de Sévigné qui, ma foi, maîtrisait fort bien la langue :

“Je vous avertis, ma très chère, que vous n’aimez point à lire, et que votre fils tient cela de vous. Je vous dis cette injure, pour me venger de celle que vous m’avez faite.”

Une ambiguïté comme je les aime, chargée d’une peu d’insolence et toute en finesse. Si les mots sont des armes, comme pour le fleuret, il faut en avoir la maîtrise, Madame de Sévigné était une experte.

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Une réflexion sur « Injure(s) »

  1. quand je me tape sur le pouce avec un marteau, je pousse des jurons !
    L’ injure est destinée à viser une personne ou une catégorie bien précise !
    L’envie me vient souvent, mais j’ évite, puisqu’aux autres je dis qu’ils l’utilisent faute d’ arguments !
    Bonne journée Françoise
    Bisous

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