La lettre de Guy Môquet

L’une des premières décisions de l’ex Président Nicolas Sarkozy, le 16 mai 2007, fut de faire lire une lettre aux enseignants, la lettre d’adieu de Guy Môquet. Est-ce ce qui vient d’inspirer Manu et Monsieur Blanquer ? Ont-ils choisi Sarkozy comme modèle, source d’inspiration ? C’est leur choix mais ont-ils pris conscience que, malheureusement, les professeurs en ont assez qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire dans leur classe ? Suivre un programme oui, c’est leur devoir, mais comment, ils choisissent ; surtout ils ne veulent pas être les marionnettes du pouvoir. Obéir en silence quand l’injonction vient de très haut les contrarie. (Je le crois ; je l’espère ; moi j’aime pas ce genre d’obligations. J’aime agir en mon âme et conscience, toujours faire le plus correctement possible ce que je fais.)

Je me suis souvent poser la question : “Est-il plus idiot d’appliquer une règle idiote ou d’avoir une règle idiote et de ne pas la suivre ?”

Je préfère désobéir de bonne foi, après réflexion, que d’obéir à des ordres idiots.

Je pense à ces gendarmes venus en 1945, après la libération de la France, arrêter des “déserteurs” qui avaient désobéi au Maréchal Pétain pour rejoindre De Gaulle en Angleterre et qui s’étaient battus pour la liberté, risquant leur vie, certains de leur camarades l’ayant même perdue. Ces mêmes gendarmes avaient servi Pétain, le système nazi et la Milice ; c’étaient des collaborateurs et ils venaient sans honte, puisqu’ils représentaient toujours l’ordre établi, arrêter des Résistants qui avaient fui le régime nazi. C’est la logique de l’administration et des fonctionnaires. C’est le règlement. C’est idiot, qu’importe, c’est écrit.

Lorsque Nicolas Sarkozy a décidé de “demander au futur ministre de l’éducation nationale que la lettre d’adieu de Guy Môquet soit lue en début d’année à tous les lycéens de France”, heureusement je n’enseignais déjà plus car je n’ai pas compris cette idée.

Les enseignants ont-ils tous obéi, le petit doigt sur la couture  du pantalon (position d’obéissance militaire) ?

Je me souviens qu’en 2007 le Parti communiste a accusé la droite de “réviser l’histoire” car l’engagement politique du jeune résistant (dans les rangs  du Parti) n’est jamais évoqué et que des enseignants ont récusé cette “cérémonie d’édification morale”, rappelant que, selon la Lettre aux éducateurs qu’il leur avait adressée, le chef de l’Etat convenait de “laisser aux professeurs le libre choix de leur pédagogie.”

Le monde enseignant avait d’abord réagi sans hostilité : le symbole consistant à honorer un résistant communiste de cix-sept ans, assassiné en 1941 par l’occupant allemand avec vingt-six autres otages, semblait inattaquable.

La “cérémonie” devait commencer par la lecture de la lettre d’adieu de Guy Môquet “en classe ou en grand groupe selon le choix des établissements”, lecture “confiée à tous ceux qui, résistants ou déportés, peuvent aujourd’hui encore témoigner directement des sacrifices consentis”. La possibilité de “solliciter toute personnalité dont l’engagement, le rayonnement ou la notoriété pourraient sensibiliser les élèves” faisait écho à un courrier adressé par M. Darcos, ministre de l’Éducation Nationale cette année-là, aux parlementaires, les invitant à participer à la commémoration. La note précisait que “le programme se poursuivra par une réflexion collective dans le cadre de la classe” et que d’autres documents pourront être utilisés, choisis parmi dix textes proposés (réflexion bien dirigée).

Or, dans le cadre scolaire, certains recteurs ou chefs d’établissement en ont rajouté sur le solennel, ainsi au lycée du Tampon, à La Réunion, le programme prévoyait : “Levée des couleurs ; hymne national ; lecture de la lettre de Nicolas Sarkozy ; intervention d’un représentant des anciens combattants ; lecture de la lettre de Guy Môquet ; minute de silence ; sonnerie aux morts ; chant des partisans”. N’est-ce pas ce qu’on dit “être plus royaliste que le roi” ?

La lettre était émouvante certes, mais pourquoi cette lecture ? Je n’ai toujours pas compris la démarche présidentielle.

Ce dont je suis sûre aujourd’hui c’est que Manu est encore plus “perché” que Nico. (Être perché c’est être sous l’emprise d’une substance, être un peu fou.) Euh… C’est pas ce qu’Erdogan a déclaré, il y a quelques jours ? Ça ne se dit pas. Bon, j’arrête.

Voici le texte de la dernière lettre du jeune résistant communiste Guy Môquet, fusillé par les Allemands le 22 octobre 1941.

“Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,
Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas !
J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui, je l’escompte, sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée.
Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans et demi, ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine.
Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, je vous embrasse de tout mon cœur d’enfant. Courage !
Votre Guy qui vous aime

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2 réflexions sur « La lettre de Guy Môquet »

  1. je ne vois pas non plus en quoi cette lettre concerne l’ éducation nationale !
    Peut être Sarkosy a t’il voulu jouer sur la corde sensibilité ?
    J’ai eu l’occasion d’entrer dans la gendarmerie, à la sortie du service militaire, et j’ai refusé , par ce que je n’aime pas l’ obéissance aveugle , pas plus que je ne pourrais être policier après l’épisode Veldiv !
    Pour moi Chaque âge, chaque classe doit avoir son niveau de lecture, et on ne propose pas Baudelaire en Cm1 !
    Bonne journée Françoise
    Bisous

  2. j’aime beaucoup cette lettre d’un jeune resistant qui va mourir, mais je ne vois pas non plus, en quoi elle concerne l’education nationale, un exemple pour les jeunes,
    mais qui va se sentir concerné, par des événements passés ? un peu comme la lettre de Jaurés, elle va passer par dessus la tête de beaucoup , merci pour ton article bonne soiree chere Françoise, bises

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