Je suis trop franche et trop entière pour aimer les saintes Nitouche. Je ne les aime pas ces donzelles qui veulent faire croire qu’elles sont ce qu’elles ne sont pas. J’ai toujours détesté ces filles faciles qui veulent passer pour des rosières. Chacun fait ce qu’il veut de sa vie mais je dois vous avouer que je ne supporte pas que l’on travestisse la vérité. Pas facile pour moi d’accepter le monde d’aujourd’hui plein de paraître, de mensonges, de double langage, d’hypocrisie.
Un petit stop sur le mot « rosière ». La rosière était une jeune fille à laquelle on décernait solennellement, dans certaines localités, un prix de vertu symbolisé par une couronne de roses et une récompense. Je me souviens que mes parents avec ma grand-mère m’avait emmenée, un dimanche après-midi, voir la rosière de Pontcharra, c’était au tout début des années soixante ou même peut-être à la fin des années cinquante. Euh… en cherchant sur internet, la fête semble toujours exister à la fin août (25-26 août 2018), il y a donc encore des rosières à Pontcharra. Mouais… Comme je suis du genre « mauvaise langue », je me dis qu’elles doivent être obligatoirement bien jeunes et je ne peux m’empêcher de penser à Guy de Maupassant avec ce rosier-là : « Le Rosier de MmeHusson« .
L’écrivain avait utilisé ce substantif masculin par ironie pour désigner un jeune homme vertueux et naïf : « Qui saura et qui pourrait dire le combat terrible livré dans l’âme du rosier entre le mal et le bien, l’attaque tumultueuse de Satan, ses ruses, les tentations qu’il jeta en ce cœur timide et vierge ? » Résumé de l’histoire : Mme Husson, modèle de vertu de Gisors, s’est mis en tête de promouvoir la chasteté dans sa ville en couronnant une rosière or aucune fille ne résiste à l’enquête de mœurs, la rosière sera donc un rosier, qui touchera le prix de cent mille francs qui lui sera remis publiquement par le maire et la cérémonie sera suivie d’un banquet qui lui donnera l’occasion de s’enivrer pour la première fois. Enhardi, il décide d’aller à Paris où il finira par être déniaisé. Le Rosier de madame Husson a donné au moins deux versions cinématographiques : un film de Jean Boyer sorti en 1950, scénario de Marcel Pagnol librement inspiré de la nouvelle de Guy de Maupassant et transposé dans une époque moderne, avec Bourvil dans le rôle principal et celui de Dominique Bernard-Deschamps, tourné en 1932 avec Fernandel comme héros.
Non, non, je ne m’éloigne pas de mon idée de départ : l’hypocrisie des Saintes-Nitouche. C’est Rabelais, au XVIe siècle, qui a créé cette expression désignant les femmes qui jouent les prudes en société mais qui se comportent comme des gourgandines. Sainte-Nitouche, c’est la sainte « qui n’y touche pas ». On peut dire : « Regarde-les jouer les saintes Nitouche ! » L’utilisation du verbe « jouer » renforce le côté hypocrite et forcé de leur comportement mais on peut aussi déclarer : « prendre des airs de sainte Nitouche« .
Combien ont-elles été ces fourbes à qui on aurait pu « donner le Bon Dieu sans confession« . Les expressions ne manquent pas pour désigner les hypocrites et leur comportement.
Dans la tradition chrétienne, on fait référence au « baiser de Judas« , le témoignage d’affection trompeur et perfide (le baiser que Judas donna au Christ était en fait un signe convenu avec les gardes pour désigner l’homme recherché. L’expression est passée dans le langage courant pour désigner un traître.
Traîtres, menteurs, fourbes, tricheurs… Pour réaliser leurs rêves, certains sont prêts à tout. même à « Vendre son âme au diable » comme Faust, le damné. Une croyance populaire du Moyen Âge prétendait qu’il était possible d’échanger son âme avec le diable contre quelques biens matériels et compromettre ainsi son salut par une action impardonnable. Aujourd’hui, les âmes se négocient-elles encore avec Satan ? Les corps se vendent entre humains : esclavage, prostitution ; cette activité ne semble plus choquer, il suffit de regarder la télévision, pas les séries ou les films, simplement les reportages d’actualité et les télé-réalités. Bien sûr quand vous faites cette remarque, on va vous accuser de méchanceté, d’avoir mauvais esprit, que vous voyez le mal partout… On invoquera « les trente-six raisons d’Arlequin » des arguments sans valeurs, utilisés sans sérieux, des excuses non valables parfois mêmes des arguments bouffons et ridicules. (Arlequin chargé d’excuser son maître qui avait omis de se rendre à une invitation, invoqua alors trente-six raisons ; la première étant que son maître était mort lui aussi.)
Que ce soit chez les hommes ou chez les femmes, le mensonge a donné lieu à des tas d’expressions souvent très imagées.
Être menteur comme un arracheur de dents (clic) : être un très grand menteur. Certains disent « menteur comme un soutien-gorge » se référant à l’aspect trompeur de ce sous-vêtement féminin, aux « push-up », balconnets, coussinets, qui peuvent donner à la poitrine un volume qu’elle n’a pas naturellement (ceci dit les prothèses sont encore plus trompeuses et il faut être bien sot pour croire au naturel de certains « air-bags »).
Peu utilisée de nos jours, l’expression « franc comme un âne qui recule« , a connu de nombreux avatars dont « franc comme un banquier » parfaitement dans l’air du temps.
Une petite liste non exhaustive complémentaire pour le plaisir.
Je vous propose :
- « Faux jeton » : être faux comme un jeton qui veut se faire passer pour une pièce de monnaie ou variante faux cul désignant à l’origine un rembourrage que les femmes portaient sous leur robe pour augmenter le volume apparent de leur postérieur. Par métonymie, : personne hypocrite.
- « La poudre aux yeux » : chercher à éblouir souvent avec des apparences.
- « Donner le change » : donner de faux indices, lancer sur une fausse piste.
- « Entrer dans la peau d’un personnage » : s’identifier parfaitement à son rôle, à son personnage, jouer les Saintes Nitouches (on y revient).
- « Faire faux bond » : ne pas satisfaire aux attentes d’autrui, poser un lapin.
- « Noyer le poisson » : embrouiller volontairement une situation ; entretenir un sentiment de confusion chez un « adversaire » pour lui faire perdre pied. En politique, on s’y connait pour noyer le poisson et pour payer en monnaie de singe.
- « Payer en monnaie de singe (clic)» : payer quelqu’un de fausses promesses et belles paroles.
- Utiliser « une ruse de sioux », c’est un procédé très habile utilisé pour tromper, abuser l’adversaire comme « le cheval de Troie », une ruse de guerre, une manœuvre pour avancer masqué, bien caché.
- « Un coup de Jarnac » est une attaque perfide, un coup donné par traîtrise, violent, habile et imprévu. Il a pris une connotation de coup déloyal ou pernicieux, qui n’existait pas à l’origine. Dans son sens premier, d’escrime, il s’agit d’un coup à l’arrière du genou ou de la cuisse, rendu célèbre par Guy Chabot de Jarnac, qui l’a porté lors d’un duel judiciaire en 1547. (Je ne peux m’empêcher de penser à un fieffé hypocrite, l’homme de Jarnac : François Mitterrand, celui qui faisait croire qu’il méprisait l’argent, mais qui a pu compter pendant des lustres sur un généreux mécène, Roger-Pelat, personnage clé de l’affaire Péchiney et tant d’autres affaires…)
- Et pourquoi ne pas ajouter « Graisser la patte » ? Donner de l’argent, en douce, pour obtenir quelque chose, soudoyer. Ça se pratique bien dans les « hautes sphères ».
Je m’arrête là mais remarquez bien que dans les sociétés qui glorifient la pudeur alors que la vérité est nue, l’hypocrisie est devenue la tenue préférée de la plupart des individus. C’est bien triste.
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