Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas écrivait Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris.
Pauvre homme, c’est sans doute pour cette raison qu’il déménagea aussi souvent. Un nomade, un SDF, c’est bien ça : Sans Domicile Fixe.
Il aurait occupé plus de quarante logements dans Paris et surtout des hôtels. Connaissez-vous ses adresses successives ? En voilà quelques-unes.
Au début, il n’y était pour rien. C’est la vie qui veut ça. Il perd son père ; sa mère doit laisser son logement pour un autre plus modeste, puis elle se remarie… Puis, c’est une autre longue histoire ; le poète se cherche…
– 13 rue Hautefeuille, dans le quartier latin, où il naît le 9 avril 1821,
– 50 rue Saint-André-des-Arts (1827),
– lycée Louis-le-Grand (mars 1836-avril 1839),
– 22 rue du Vieux-colombier (été 1839),
– 15 puis 17 quai d’Anjou (Ile Saint-Louis), dans l’hôtel de Pimodan devenu hôtel de Lauzun, où demeurait Théophile Gautier,
– 6 rue de la Femme-sans-tête, devenue rue Le Regrattier ; c’est l’adresse de Jeanne Duval (maitresse mulâtre de Baudelaire),
– 25 rue des Marais-du-Temple (devenue rue Albert Thomas),
– 11 boulevard Bonne Nouvelle (mai-juillet 1852)
– 60 rue Pigalle (octobre 1852 – début 1854)
– 19 quai Voltaire (1856- 1858)
– 22 rue Bautreillis, à nouveau chez Jeanne Duval (1858-1859)
– 1 rue du Dôme, dans le quartier de Chaillot, où se trouve la clinique du docteur Duval.
Baudelaire entre dans cette clinique en juillet 1866 et y meurt le 31 août 1867. Il est inhumé le 2 septembre 1867 au Cimetière Montparnasse, à Paris. Voilà sa dernière demeure.
Charles Baudelaire est le premier poète qui parle de Paris « en damné quotidien de la capitale » (Jules Laforgue). Baudelaire aime et déteste tout à la fois cette ville. Moi aussi, j’aime Paris, surtout au mois d’août, mais j’aime cette ville car je me balade la plupart du temps ; je n’y travaille pas, je profite des rues, des vitrines de magasins, des façades, des jardins, des musées, des monuments… et je la hais quelquefois, cette cité qui me vole ma fille et lui vole sa jeunesse, sa vie, son temps dans les rames et les couloirs du métro, le RER… et ça, parce que capitale du pays, Paris concentre les emplois et la population. Ma fille des îles blanchit dans la grisaille.
Pour en revenir à Baudelaire, le parisien, lui, le poète a voyagé au soleil ; il a vécu quelques mois à la Réunion et à l’île Maurice et son oeuvre porte l’indélébile empreinte de ce voyage et de ce séjour de neuf semaines dans les îles soeurs, que sont l’île Maurice (ex île de France) et l’île de La Réunion (ex île Bourbon).
La vie antérieure. C. BaudelaireC’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l’azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d’odeurs,
En 1841, cet adolescent inconnu n’a que vingt ans. Cette découverte des tropiques, du soleil, des odeurs, des couleurs, de la lumière imprègne sa sensibilité, son imaginaire et nourrira un grand nombre de ses créations poétiques. Les tropiques inspirent.
A une malbaraise... C. BaudelairePourquoi, l’heureuse enfant, veux-tu voir notre France,
Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance,
Et, confiant ta vie aux bras forts des marins,
Faire de grands adieux à tes chers tamarins ?
La France doit aux Réunionnais une large contribution dans le domaine des arts et des lettres, de la politique, du sport, des sciences, du patriotisme…
L’île a donné cinq académiciens : les poètes Evariste de Parny (fauteuil 36) et Leconte De Lisle (élu au siège de Victor Hugo, le siège 14), le journaliste Edouard Hervé, le meilleur médiéviste français, Joseph Bédier et un ministre de la Guerre (1915 à 1917), l’amiral Lucien Lacaze (fauteuil 40) mais aussi, dans un autre domaine, le plus célèbre réunionnais du tennis, qui était en réalité un aviateur : Roland Garros.
Eugène-Adrien-Roland Garros est né à Saint-Denis de La Réunion le 6 octobre 1888. Il quitte ses parents à 11 ans pour aller étudier en France métropolitaine. Après une licence de droit, il devient agent commercial, mais son ambition cachée est de devenir aviateur. Son brevet de pilote en poche, il réalise de nombreux records d’altitude, de traversées et des spectacles d’exhibitions aériennes. Il est le premier à effectuer la liaison France-Afrique du Nord sans escale en 1913. Cet athlète de haut niveau tutoyait la mort avec audace. On dit de lui qu’il peut « se poser sur des oeufs sans les casser« . Vaillant pilote, il s’engage en 1914 lorsque la guerre éclate. Il est plusieurs fois décoré pour ses actes héroïques mais disparait abattu par l’ennemi le 5 octobre 1918 à la veille de ses 30 ans.
Oui, nous sommes de vrais Français à la Réunion, même si, souvent, nous nous sentons un peu trop déconsidérés, délaissés, oubliés, maltraités et que nous ne sentons pas alors des « Français à part entière » mais plutôt des « Français entièrement à part ».
J’en ai déjà parlé et j’en reparlerai. Nous sommes bien trop gentils ici.
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