Les Basques… en Uruguay

Je vous ai présenté hier la fondation Atchugarry et vous avez relevé que le nom de ce sculpteur est d’origine basque, oui les Basques ont quitté l’Europe en masse et sont en Uruguay. On parle de la diaspora basque pour évoquer la dispersion des Basques dans le monde entier ; un grand nombre d’entre eux a, en effet, émigré car le droit d’ainesse privait les cadets de tout héritage et pour d’autres raisons encore. Ils ont émigré principalement en Argentine, au Venezuela, au Chili et aux États-Unis.

Le Pays Basque est un territoire de tradition, à cheval sur les Pyrénées occidentales, avec des régions basques espagnoles et basques françaises. Un beau pays que ses habitants ont pourtant quitté à plusieurs reprises dans l’Histoire.

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La « découverte de l’Amérique » modifia  l’Histoire et surtout le mode de vie des Indiens (c’est ça la colonisation !). Pourtant, il faut noter que depuis plus d’un siècle avant cette découverte, les Basques allaient vers les côtes du Labrador et du Groenland pour pêcher des baleines (tout comme les Bretons) et possédaient une sorte de monopole de pêche dans la région.

`La « découverte » du continent poussa des Basques à s’installer sur les nouvelles terres, une colonisation au nom du roi d’Espagne ; la décision de partir était personnelle : misère et/ou goût de l’aventure. La première vague d’émigration basque (XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles) se fit essentiellement vers les rives du fleuve Rio de la Plata)

À la fin du XIXe et début du XXe siècle, plusieurs autres causes vont pousser les Basques à quitter massivement leur région pour certains c’était encore la soif d’aventure et pour beaucoup d’autres l’espoir d’un monde meilleur.

La révolution avait déstabilisé la France, les guerres de la Révolution et de l’Empire avaient appauvri le Pays Basque tout comme les guerres carlistes ensuite. La révolution industrielle avait ruiné les nombreux artisans du fait de leur isolement ; les profits de la contrebande étaient devenus encore plus aléatoires avec le renforcement des douanes ; les années de mauvaise récolte rendaient la vie toujours plus difficile, enfin la crise agricole mondiale de 1880 provoqua une montée du chômage si forte en Europe qu’elle entraîna partout une augmentation de l’émigration… Enfin l’obligation d’effectuer un long service militaire obligatoire fit de nombreux insoumis parmi les Basques.

Deux autres fortes vagues d’émigration eurent lieu au moment de la guerre civile espagnole et de la Seconde Guerre mondiale.

Des milliers de basques, autant espagnols que français s’expatrièrent donc vers l’Amérique du sud ; l’Argentine, l’Uruguay et le Chili furent les trois principales terres d’accueil. De nombreuses femmes veuves partiront vers ces pays afin de rejoindre des membres de leur famille déjà installés ou des connaissances (la mère de Carlos Gardel et aussi mon arrière-grand-mère paternelle).

Mais pourquoi y-a-t-il tant de Français en Uruguay alors que la terre promise semblait plutôt être l’Argentine ?

La réponse est simple : sous la Restauration  et jusqu’à la Monarchie de Juillet, les ressortissants français ne pouvaient se rendre directement en Argentine, ils devaient obligatoirement transiter par Montevideo et beaucoup arrêtaient là leur pénible voyage. En effet, par solidarité familiale avec les Bourbons d’Espagne, les Bourbons de France s’étaient toujours opposés à reconnaître l’indépendance argentine, proclamée en 1810. Cette reconnaissance n’eut lieu qu’en 1830, malheureusement un mouvement anti-français était né à Buenos Aires. Les entrées de nouveaux émigrants français étaient interdites dans la capitale argentine. Quant aux Français résidant à Buenos Aires, ils avaient quitté la ville pour se replier sur Montevideo. (D’autres européens avaient fait de même.) En 1843, une recensement officiel effectué à Montevideo faisait ressortir pour la capitale un total de 31 000 habitants comprenant 11 000 uruguayens et 20 000 étrangers, dont 50%, de Français très majoritairement basques.

Il faut ajouter le mythe de l’Eldorado entretenu par ceux qui revenaient au pays était une incitation supplémentaire à partir vers ces contrées lointaines pour faire fortune, sans compter l’appel des gouvernements des pays d’Amérique du Sud demandeurs de main d’œuvre, appel relayé par des agents d’émigration. qui employaient même des sous-agents sillonnant les régions basques. Surnommés les “marchands de palombes” (la palombe est un oiseau migrateur), les agents d’émigration étaient ni plus ni moins des racoleurs qui parcouraient les villages en faisant de belles promesses qui n’étaient pas souvent tenues.

La majorité de ces Basques français partiront d’Espagne, de Bilbao surtout, une autre partie partira des ports de Bordeaux et de Bayonne,  points de départ vers l’Amérique du Sud.

L’immigration vers les établissements espagnols du Río del Plata fut dominé par les Basques ; Français et Espagnols parlaient la même langue, partageaient les mêmes coutumes, les mêmes habitudes ; ils avaient la réputation d’être une main d’œuvre pas chère, composée de nombreux artisans, de jeunes familles catholiques, d’être des gens hospitaliers, tenaces, solides, résistant aux tâches les plus dures, têtus, et en plus d’avoir un esprit ”économe” qui en faisait des personnes humbles avec le sens des affaires.

À l’issue d’un  long voyage (environ trois semaines de bateau à vapeur, dans des dures conditions), ils arrivaient en Uruguay. Le prix du voyage avoisinait les 1 000 euros d’aujourd’hui qu’ils devaient rembourser en arrivant. Ils devinrent donc rapidement maçons, boulangers, cordonniers, commerçants, menuisiers. Certains travaillèrent dans la construction et la réparation navale d’autres devinrent gardiens de troupeaux. Les plus riches s’installèrent à l’intérieur des terres, achetant des haciendas (exploitations agricoles) développant la production bovine et laitière.

L’émigration aura un rythme soutenu jusqu’en 1921, puis elle diminuera vers 1950.

Aujourd’hui, il reste du Pays Basque des noms de famille, des amicales et surtout, le plus voyant : le béret basque porté par les gauchos d’Argentine, d’Uruguay, du Paraguay et du sud du Brésil.

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Photo empruntée à “https://conversations12.wordpress.com”

Magnifiques gauchos uruguayens. Photo empruntée à “http://augrsdesjours.blogspot.fr/”

Vous savez sans doute que c’est un basque, Pascual Harriague arrivé en Uruguay vers 1840, qui importa le Tannat, cépage des vignobles du Béarn.
Ce cépage est aujourd’hui plus cultivé en Argentine et en Uruguay que dans le Sud-Ouest de la France et il s’y nomme Harriague mais aussi Moustrou, Madiran ou Bordeleza. ( Il est également cultivé au Brésil.).

 

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3 réflexions sur « Les Basques… en Uruguay »

  1. il me semble que c’ est Ernest Daudet, le frère d’ Alphonse qui dans un livre expliquait les raisons bénéfiques du droit d’ aînesse qui maintenait le patrimoine dans la famille.
    Je comprends que la langue basque soit un trait d( union entre les basques français et espagnols, créant une solide solidarité.
    J’ ignorais par contre qu’ ils avaient émigré en nombre dans ces pays, y compris en Uruguay.
    C’ est peut être aussi ce qui explique que Atchugarry parle si bien le français.
    On garde toujours ses origines, comme les cajuns en Louisiane !
    Tiens, j’ ai du Madiran à la cave !
    Merci pour ton article
    Passe une bonne journée Françoise
    Bisous

  2. Hé bien, j’avais du retard de lecture !
    J’ai bien tout lu mais je crois que j’ai oublié aussi vite.
    Ma capacité mémoire s’épuise, elle aussi …
    Hier, plus d’Internet : ma ligne a été coupée !
    Enfin, écrasée, soit-disant.
    Je fonctionne donc avec un web trotteur …
    Tous ces problèmes, plus un temps de merde, j’en ai marre.
    Je vais aller me reposer un peu car je n’ai pas pu dormir …
    Je te souhaite un bon jeudi, avec des bisoux, chère françoise.

  3. Extraordinaire histoire : d’ailleurs le mot lui-même a des consonances basques, je ne l’avais jamais remarqué.
    Merci beaucoup pour cette page historique qui enrichit notre culture.
    Bises célestes
    ¸¸.•*¨*• ☆

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