Le cimetière du Père-Lachaise est le plus grand cimetière de Paris intra-muros et certainement le plus célèbre car de nombreuses personnalités y sont enterrées. C’est un lieu de promenade pour beaucoup de touristes et même de Parisiens. Je n’ose dire que c’est gai mais c’est verdoyant, fleuri, ombragé l’été et plein d’Histoire et d’histoires.
On peut y voir la tombe de Victor Noir. Je passe sous silence, aujourd’hui, celles des autres célébrités : Henri Salvador, Edith Piaf, Modigliani, Adolphe Thiers… Mais pourquoi Victor Noir est-il une célébrité ?
Pas de biographie complète de ce personnage, devenu célèbre malgré lui. Victor Noir, dont le vrai nom était Ivan Salmon, est né un 27 juillet (moi aussi) 1848, dans les Vosges ; il a été assassiné par un descendant des Bonaparte à Paris. C’était un journaliste de vingt deux ans.
Il fut d’abord apprenti horloger, puis fleuriste. Son frère Louis Noir, l’attire à Paris, il fait alors ses débuts de journaliste au Corsaire, ensuite on le retrouve au Journal de Paris, au Satan, il collabore après à la Marseillaise fondée par Henri Rochefort. Il n’eut pas le temps de se faire vraiment connaître, vingt-deux ans, c’est bien jeune, surtout pour mourir.
C’est donc sa mort qui l’a rendu célèbre ; vous trouverez beaucoup de détails sur Wikipedia ou dans le guide du cimetière du Père Lachaise.
Un bref résumé de cette affaire :
Pascal Grousset, rédacteur en chef à la Marseillaise, charge ses collaborateurs Ulrich de Fonvielle et Victor Noir de se rendre au domicile du prince Pierre Bonaparte (neveu de l’Empereur Napoléon Ier) pour y présenter une demande de réparation par les armes, se jugeant offensé par un article signé par le prince. Pierre Bonaparte s’est déjà, à plusieurs reprises, rendu coupable de violences irraisonnées. Ce matin du 10 janvier 1870, alors que Victor Noir lui remet le courrier, le prince le soufflette violemment, sort un revolver de sa poche et lui tire dessus à bout portant. Victor Noir a eu la force de sortir, il tombe sur les genoux, on le porte chez un pharmacien voisin qui constate presque aussitôt la mort du jeune homme.
Lorsque Paris apprend la nouvelle, le vieil esprit de révolte et d’émeute n’est pas loin de réapparaître. Le garde des Sceaux fait arrêter et emprisonner le prince Pierre Bonaparte à la Conciergerie. L’Empereur Napoléon III approuve la décision.
Un article parait le lendemain : « Assassinat commis par le prince Pierre Napoléon Bonaparte sur le citoyen Victor Noir » dans les colonnes de la Marseillaise. A midi, le journal est saisi, mais trop tard, 145 000 exemplaires ont déjà été vendus.
Mort et enterré, on a mis un gisant sur sa tombe et l’œuvre a été conçue de manière très réaliste. La bouche est ouverte et les mains gantées inertes, le chapeau à côté, les vêtements dégrafés et la virilité évidente. Ce réalisme anatomique entraîne certaines personnes superstitieuses à toucher le gisant depuis des années, d’où la patine et une érosion du bronze sur le relief du visage, l’impact de balle, la partie virile et les chaussures.
J’ai d’autres photographies, coincées dans mon ordinateur défaillant.
Une légende urbaine veut que les femmes en mal d’enfants touchent le gisant afin d’être rendues fertiles. C’est surtout par cette tradition, toujours en vogue, qu’est connue la sépulture de Victor Noir.
En 1885, les restes de Victor Noir ont été transférés de Neuilly au Père Lachaise au cours d’une cérémonie commémorative. La République honore un martyr de la foi républicaine. Son tombeau est élevé par souscription nationale. Jules Dalou, ancien élève de Carpeaux, devenu le statuaire de la République, est chargé de la réalisation du monument qui sera achevé en 1886.
Au moment de ce transfert se déroule un événement curieux, macabre : Louis Noir, le frère du défunt, assiste à l’exhumation et demande de se recueillir quelques instants sur la dépouille. Dévissant rapidement le couvercle du cercueil, il s’empare du crâne qu’il cache dans un panier pour lui parler régulièrement, le soir, chez lui. La relique est conservée sous globe. Drôle de décoration et idée saugrenue.
Le crâne fut finalement restitué et a rejoint depuis le reste de la dépouille au Père Lachaise.
Pourquoi le Père Lachaise aujourd’hui ? Sans doute parce que j’ai entendu à la radio, dans ma voiture, quelqu’un qui posait des questions sur le transfert des cendres d’un Réunionnais mort en métropole et qui voulait « reposer » sur sa terre natale. Pourquoi pas ? D’autres l’ont fait. Ainsi, Auguste Lacaussade qui a été inhumé le 2 août 1897 au cimetière Montparnasse voulait rentrer chez lui. Ce fut chose faite en février 2006 ; ses restes ont été ramenés à La Réunion et inhumés dans le cimetière paysager d’ Hell-Bourg, dans le cirque de Salazie, aux côtés de ceux de son ami le poète écossais William Falconer. J’en ai parlé dans un article sur saint Denis de la Réunion, cliquez ICI pour aller le lire.
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