Premier août : un anniversaire encore ! Celui de quelqu’un que j’aime beaucoup : Etienne Roda-Gil.
Étienne Roda-Gil est né dans un camp de réfugiés espagnols à Montauban, près des Pyrénées, le 1° août 1941. Il est mort à Paris le 28 mai 2004. Il a beaucoup écrit, essentiellement des chansons.
Ses parents, Antonio Roda-Vallès et Léonor Gil-Garcia, républicains, avaient fui le franquisme début 1939. Le père, ouvrier en Espagne, arriva en France avec sa femme, prit le maquis avec des Français afin de combattre pour la liberté.
Pendant ce temps, le jeune Etienne vivait avec sa mère dans une grande précarité, il fut atteint de scorbut et ne dut qu’à la ténacité de sa mère (et à une petite ration de citron qu’elle obtenait au prix de privations) de conserver ses dents. Après avoir passé l’après-guerre dans le Tarn et Garonne, la famille déménage, en 1953 à Antony (région parisienne) où il subit la xénophobie (oui, ça existait déjà en France !).
Pendant la guerre d’Algérie, Etienne Roda-Gil refuse de porter l’uniforme. Il a pile-poil le bon âge pour être soldat. On lui explique que s’il accepte d’intégrer l’armée française, il obtiendra la nationalité française (ou un cercueil), statut préférable à celui d’apatride qui est le sien. Il ne cède pas et se réfugie… à Londres.
Roda-Gil obtient une licence en lettres et devient… visiteur médical. Il rencontre Julien Clerc en 1968 et entame une collaboration qui durera jusqu’en 1980.
En 1984, il se marie avec une femme peintre, l’amour de sa vie jusqu’à son décès en 2004 (elle est morte avant lui).
Julien revient vers lui et ils composent en 1992 l’album « Utile », mais oui, vous connaissez….
Étienne Roda-Gil écrit des chansons pour Julien Clerc, mais aussi pour de nombreux interprètes : Mort Shuman, Vanessa Paradis, Alain Chamfort, Barbara, France Gall, Catherine Lara, Gérard Le norman, Françoise Hardy, Richard Anthony, Johnny Halliday pour ne citer qu’eux. Il a publié quelques romans (j’en ai lu deux que je n’ai pas aimés). Il a adapté, pour le cinéma et Andrzej Zulawski, L’Idiot de Dostoeïvski, rebaptisé L’Amour braque (1985).
Roda-Gil s’était fait un dictionnaire des mots d’une et deux syllabes pour écrire ses chansons que j’aime tant (et je ne suis pas seule).
Comme son père, il est lui aussi de tendance anarchiste et participe à des réunions de la CNT, Confédération Nationale du Travail, syndicat anarcho- révolutionnaire. Il est surtout pacifiste voire anti-militariste.
Les textes qu’Etienne Roda-Gil avait écrits pour Julien, bien avant d’écrire « Utile », témoignent de son désir d’être le témoin des injustices de ce monde et de l’absurdité des guerres. Par exemple dans l’album « La Liberté, l’Egalité ou la Mort », le texte de « London Derry » (introuvable sur Youtube, dommage !) fait référence au 30 janvier 1972 : des manifestants pacifistes du Mouvement pour les droits civiques nord-irlandais de London Derry furent victimes de l’armée qui tira sans discrimination sur la foule (Bloody Sunday) le « dimanche sanglant ». Ce jour-là marque le début de la radicalisation du conflit nord-irlandais.
« dans une langue désespérée,
il était question de chiens et d’Anglais
On dit qu’ils sont catholiques
courageux et alcooliques
Mais leurs enfants mêmes les plus petits
savent se servir d’un fusil «
Dans une autre chanson « Poissons morts« , le texte est résolument pacifiste :
« … la graisse de mitrailleuse
N’est pas la brillantine des dieux »
« les hommes jettent des barrières entre eux et le bonheur »…
Difficile d’être heureux. Comment atteindre le bonheur ? Par la liberté ?
Sa devise (qui était celle de ses parents et des anarchistes) : « Ni Dieu ni maître », exception faite, disait-il, du poète andalou Antonio Machado et de Manuel Azaña (le dernier président de la République espagnole, décédé et inhumé à Montauban, ville natale de Roda-Gil, en novembre 1940).
La devise anarchiste » Ni Dieu Ni Maitre » représente bien l’état d’esprit des anarchistes qui ont foi dans l’Homme. Ce mode de vie sans loi imposée, hormis celle du libre-arbitre, c’ est le refus d’être gouverné , de se soumettre à un autorité jugée illégitime (bien souvent à juste titre : voir le nombre de votants, de suffrages exprimés par rapport à la population.) Pourquoi subir les lois et les astreintes d’une société qui ne mènent qu’à la peine voire même à la misère ? Les anarchistes rêvent d’une société dans laquelle chacun mènerait son destin à sa guise, sans riches ni pauvres, avec des frères égaux et unis, ayant chacun sa liberté qui n’aurait de bornes que celle des autres …
Tiens, tiens… Est-ce que ça ne vous rappelle rien ?
Finalement serions-nous tous des anarchistes sans le savoir ?
Ecoutez Léo Ferré « Les anarchistes » (clic)
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