Samedi, déjà !
Pour finir la série des chapeaux, non je ne suis pas monomaniaque et je ne pense pas travailler du chapeau. Encore que… je vous rappelle la définition du fou d’Ambrose Bierce, Dictionnaire du Diable : Fou adjectif, « Atteint d’un haut degré d’indépendance intellectuelle ; qui ne se conforme pas aux standards de la pensée, de la parole et de l’action, déterminés par des magisters à partir de l’observation d’eux-mêmes ; qui diffère de la majorité ; en résumé, inhabituel. Il est à remarquer que les gens que l’on déclare fous le sont par des autorités qui n’ont pas à apporter la preuve qu’elles sont elles-mêmes parfaitement saines. »
Travailler du chapeau : c’est être plus ou moins fou ; « yoyoter de la touffe » dit Bernard Pivot dans son livre « 100 expressions à sauver ». Celle-là je ne la connaissais pas (avant d’avoir le recueil entre les mains). J’y reviens dans un moment. Promis !
Travailler du chapeau, c’est devenir fou, comme le Chapelier d’Alice au Pays des Merveilles. Pourquoi donc les chapeliers seraient-ils fous, au point que deux expressions relient folie et chapeau ? Travailler du chapeau, fou comme un chapelier.
Fou comme un chapelier ? Je crois que l’étymologie des deux expressions est la même. Le chapelier travailler au chapeau, des chapeaux, du chapeau ; il fabriquait des chapeaux, et il en vendait, le bougre, en ce temps-là, des chapeaux. Au XIX° siècle, la base de la majorité des chapeaux était le feutre. Or, le feutre était fabriqué à partir de poils d’animaux et de nitrate de mercure. Ce produit permettait de faire adhérer solidement les poils entres eux, mais le nitrate de mercure a une grande affinité chimique avec toutes sortes de matériaux, dont les tissus biologiques et le cerveau. Vous avez compris la suite (effets indésirables de certains produits : amiante, plomb…)
Le problème concernait donc les fabriquants de chapeaux plus que les porteurs de chapeaux (qui avaient par ailleurs leurs propres ennuis, voir article du mardi 10 mai 2011). Le nitrate de mercure « stagnait » dans l’atelier du chapelier, ou plutôt s’évaporait car cet élément nocif s’évapore facilement et ses vapeurs sont aisément assimilées par l’organisme, attaquant principalement les fonctions cérébrales (c’est un neurotoxique) mais aussi rénales. Heureusement les techniques de fabrications ont évolué et surtout le métier a disparu. Pas de chapeau, pas de chapelier ! Qui a entraîné la fin de l’autre ?
Sur ce blog et pour quelques temps, finis sont les chapeaux !
Avant de clore, j’ai promis de citer Bernard Pivot et son « Yoyoter de la touffe ».
Je cite : C’est une expression argotique d’une irrésistible drôlerie. Bravo à l’anonyme qui l’a inventée, démontrant ainsi que lui ne yoyotait pas de la touffe, c’est-à-dire ne débloquait pas, ne déraisonnait pas, ne disait pas n’importe quoi, n’était pas fou.
/…/ Dans l’argot des prisons, yoyoter signifie, à la manière d’un yoyo, faire passer une objet d’une cellule à une autre par une ficelle qui monte et descend. Il y a quelque chose de répétitif, d’absurde, dans le jeu de yoyo, et c’est de ce passe-temps un peu bébête que yoyoter tire son deuxième sens : divaguer, déconner. Quant à la touffe, il s’agit dans cette expression de la tête, alors que généralement, dans le langage argotique, la touffe est le nom de la toison pubienne (ras la touffe).
Et oui, je cite Pivot. C’est pas moi qui l’ai dit, ni écrit en premier.
Non, je ne veux pas porter le chapeau à sa place !
(Celle de Pivot bien sûr)
Quel joli bibi !
Vu au mariage de Kate et William
le 29 avril 2011.
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