Le 20 décembre est un jour férié à La Réunion depuis 1981. Avant ça, créoles y fêtaient la journée en misouk dan’ champ d’cannes (an missouk, an misouk, en missouque : en cachette, à la dérobée, du malgache misokosoko). Aujourd’hui, la « fête cafres » (Fêt Kaf, fêtes des Africains) est devenue officiellement (à mon plus grand bonheur) la fête de la Liberté. Oui cliquez là pour en savoir un peu plus.
Vous, qui commencez à me connaître, savez qu’il faut arriver à rire de tout. Aujourd’hui, je vais vous raconter une histoire vraie qui peut prêter à sourire.
Vous n’ignorez pas que les Révolutionnaires de 1789, ceux de la Première République avaient décidé de planter des arbres de la Liberté pour imiter ce qui s’était fait aux États-Unis après la guerre d’Indépendance. L’usage s’introduisit donc en France de planter un jeune peuplier dans toutes les communes françaises. Cette cérémonie était toujours accompagnée de réjouissances populaires auxquelles prenaient part, dans un même enthousiasme patriotique, toutes les autorités, magistrats, administrateurs et même le clergé. Ornés de fleurs, de rubans tricolores, de drapeaux, ces arbres servaient d’autels de la Patrie. Ils furent, en grande partie, abattus ou déracinés sous la Restauration et devinrent rares dans les villes.
L’idée de cet arbre de la liberté est restée dans les mémoires puisqu’il est représenté par un dessin, à l’avers des pièces de 1 € et 2 €. L’arbre dont les branches, les racines, le tronc enserré par les initiales R et F, rayonnent à travers un hexagone (le territoire français), est encadré par la devise « Liberté Égalité Fraternité » (sans point ni virgule) écrite en toutes lettres et entourée par un cercle de douze étoiles. Regardez-le.
J’en reviens à mon histoire « drôle ».
À La Réunion, en 1981, après l’élection de François Mitterrand, le Préfet d’alors, Michel Levallois, décida d’organiser une fête préfectorale le 20 décembre. Il fit comme partout pour immortaliser une grande date, il planta un arbre de la Liberté.
Les espèces locales d’arbres sont nombreuses : benjoin, badamier, tamarinier, banian, palmiste, ylang-yalng… mais le préfet choisit un tulipier du Gabon. Pourquoi ? Mystère.
(voir l'article http://www.mi-aime-a-ou.com/tulipier_du_gabon.php d'où est extraite cette photo)
Il est vrai que cet arbre est très beau lorsqu’il est en fleurs. Il concurrence sans peine les flamboyants avec ses grosses fleurs du plus beau rouge-orangé mais cet arbre de la famille des Bignoniacées, originaire d’Afrique comme son nom l’indique, n’est arrivé à La Réunion qu’en 1950. Il atteint assez rapidement jusqu’à vingt mètres de hauteur mais, car il y a un mais de taille, c’est… une peste végétale, une des cent espèces les plus envahissantes au monde. À La Réunion, la Liberté a pour emblème une beauté fatale. Faut-il lire un second degré volontaire ou ne voir qu’une erreur toute bête, un choix fait à la va-vite, une décision trop hâtive ?
Une chose est sûre, il faudrait aujourd’hui arracher cet intrus, le déloger vite fait car il mesure déjà dix mètres de haut, toise ses voisins, pour certains bicentenaires, dans le beau jardin de la Préfecture. Il les menace et a même commencé à coloniser le terrain en éventrant le bitume par endroits. Tout ça, dans l’indifférence générale. Que fait-il aux réseaux souterrains : câbles électriques, canalisations diverses ?
« On » se réveillera, comme toujours, quand il sera trop tard.
N’est-il pas préférable de supprimer un symbole récent que de payer d’énormes factures de réparations et de pleurer sur la perte d’arbres sans doute plus précieux ? Qui empêche d’arracher celui-ci et d’en replanter d’autres plus… locaux et surtout plus conciliants ?

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