Boutique Chinois

A l’Ile de la Réunion, il y a encore quelques années, les boutiques « chinois » étaient nombreuses, elles le sont beaucoup moins aujourd’hui pour deux raisons essentielles : l’arrivée des grandes surfaces et l’absence de relève ; les enfants des boutiquiers ont réussi, ils sont médecins, ingénieurs, comptables… Les boutiques font partie du patrimoine de l’île mais sont sans doute condamnées à disparaître.

A Saint-Gilles les Bains, il y a l’inévitable, incontournable boutique de Loulou, qui n’est pas tenue par un Chinois mais par un «Malbar» (un Indien)

. Photo du Guide du routard

Il y a encore une trentaine d’années, on trouvait des boutiques chinois (boutik sinois) à tous les coins de rue et même dans des lieux plus «improbables». Le chinois vendait de tout : du sel, de l’huile, du lait, des bonbons, du rhum, des sandwiches, des journaux aussi et même des vêtements. De tout, une vraie caverne d’Ali-Baba.

J’ai à de nombreuses reprises farfouillé dans les stocks et les anciennes étagères de l’ex-boutique de mes beaux-parents.  Un inventaire à la Prévert : «une pelote de ficelle deux épingles de sûreté … une demi-pinte… deux pierres à briquet...» des bigoudis, des peignes, des imperméables, des pinces à linge, des tricots de corps, de l’anisette, du rhum, du savon…

Pourquoi mes beaux-parents ont-ils arrêté de travailler à la boutique ? Parce que les clients commençaient à aller à la ville, ils ont choisi eux aussi d’aller  plus au centre, au marché. Ensuite, ils ont vieilli, sont tombés malades… La boutique a été fermée comme beaucoup d’autres. Les Chinois qui rêvent de s’intégrer et de voir leurs enfants réussir socialement, leur ont fait faire des études donc ils ont presque tous réussi et quitté leur quartier ou même leur île natale.

Alors pourquoi quelques vieux Chinois résistent-ils encore ? Ils ne vendent que quelques bières, des sodas, du pain ou encore des journaux, «Juste de quoi payer les charges et les impôts» a dit l’un de ces durs à cuire. Il rajoutait : «D’ailleurs, comme je n’ai plus beaucoup de clients, il m’arrive de ne pas ouvrir l’après-midi». Pourquoi ne pas prendre sa retraite ?  Ma belle-mère, comme d’autres vieux Chinois, ne voulait même pas y penser. La boutique, c’était toute sa vie, un passe-temps… une raison de vivre. «Je m’arrêterai quand on me mettra entre sept morceaux planches» semblent dire ces travailleurs. Comme Molière rêvait sans doute de mourir en scène, ils rêvent de finir dans leur boutique.

Si les clients désertent les boutiques, c’est parce que la vie a changé : ils ont maintenant des véhicules, ils se déplacent davantage, ils ont des revenus réguliers, ils préfèrent les grandes surfaces où les rayons sont plus fournis, plus clairs, plus attirants et les prix plus attractifs sur les dépliants… mais l’hypermarché ne fait pas crédit. Le Chinois avait un carnet qui a aidé bien des familles réunionnaises et quelquefois même au détriment des Chinois trop gentils. Ils ne sont pas tous des grippe-sous comme certains veulent le faire croire. C’étaient des travailleurs acharnés qui n’ont pas compté leurs heures pour assurer un meilleur avenir à leurs enfants et qui leur ont dit et redit que l’école serait leur salut.

Dommage que les immigrés ne fonctionnent pas tous de la même façon, avec l’envie de réussir et de s’intégrer.

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