Dans ce monde dominé par le fric, ce monde qui nous incite à triompher par tous les moyens, même déloyaux ou malhonnêtes, il faut être fort pour résister, pour rester droit, honnête, gentil. Les Dalton feraient presque figures d’anges aujourd’hui, ils font sourire, on les aime bien dans le fond tant ils sont bêtes et méchants ; être bête semble maintenant être une circonstance atténuante, comme l’est l’alcoolisme à la Réunion.
Selon une idée reçue fort répandue, l’intelligence ne saurait se passer d’une dose de méchanceté (Jo, le plus petit, l’ainé des Dalton est le plus méchant et le plus intelligent de la fratrie ; au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.) Alors trop bon, trop con ? Est-ce dire qu’être gentil, c’est être bête ? Dire de quelqu’un «il est gentil» sous-entend souvent qu’il est un peu simple d’esprit.
En étant gentil, je prends le risque de passer pour un benêt et de me «faire avoir». Oser la gentillesse est un sacré pari qui relève du courage, de l’héroïsme, surtout quand on a pris conscience du cynisme et de l’immoralité ambiants. Pourtant être gentil, ce n’est pas forcément être faible et se sacrifier pour les autres. Etre gentil, ça commence tout simplement par cesser de croire que l’autre nous agresse, c’est arrêter de se méfier de tout et de tous. Il ne faut pas sombrer dans l’angélisme «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil», ce serait de la bêtise mais nous ne devons pas oublier que notre bien-être dépend de la qualité des relations que nous établissons avec les autres.
L’immense majorité des échanges se fait dans une sorte de neutralité, empreinte il est vrai de méfiance, surtout au début. Il faut éviter le mépris, l’agressivité, ce n’est pas toujours facile, modérons-nous et méfions-nous de nous surtout. La culpabilité nous rongera quand nous aurons pris conscience du mal causé à autrui en ayant été trop soupçonneux, trop envahissant, trop « con-seilleur », méprisant ou même parfois médisant. Se sentir coupable, c’est du stress en plus, de l’angoisse et un sentiment d’isolement qui souvent grandit au lieu de disparaître.
Même si les cyniques, les désabusés, les «moucateurs» (moqueurs, persifleurs en créole de la Réunion) nous plaisent bien, ils nous effraient aussi. Tous ces méchants ne sont souvent que des jaloux, des insatisfaits, qui tentent d’échapper à leur mal-être en se vengeant sur leurs semblables (nous nous reconnaissons un peu, finalement, non ? Par moments au moins, non vraiment ? Etes-vous sincère ?).
Dans les années soixante (quelles années, ces années-là, ça bougeait de partout), aux USA, des hippies ont mis des fleurs dans les canons ; le courant « peace and love » a inspiré le Japon : après de violentes altercations entre policiers et étudiants, le président de l’université de Tokyo a suggéré que chacun fasse preuve de gentillesse pour que la bonté inonde le campus, puis la ville et le pays.
Rendre le monde plus gentil, quelle belle ambition même si la tâche semble rude. Des «free hugs», des journées de l’amitié, de la gentillesse, après tout pourquoi pas ? Il y a déjà des tas de journée dont celle de la femme.
Une journée sans tabac le 31 mai de chaque année. Une journée sans fumer, sans empester, pourquoi pas une journée sans pester ? L’environnement serait meilleur, non ? Des gens souriants, tolérants, enfin. Je vous le redis, je suis une optimiste qui s’ignorait.
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