Oiseau de malheur

Hier j’ai écrit « Je ne voudrais pas être un oiseau de mauvais augure », mais pourquoi dit-on cela quand on ne fait qu’entrevoir une réalité possible et qu’on le dit ? Il arrive qu’on vous traite alors d’oiseau de malheur. Je me pose donc cette question : quelle différence y a-t-il entre un oiseau de malheur et un oiseau de mauvais augure ? A priori aucune.

Un oiseau de malheur évoque le mal en raison de la noirceur de son plumage, de ses cris lugubres ou de ses habitudes nocturnes ou charognardes, parmi eux, les corbeaux et les chouettes. Ils sont, aux dires de certains, annonciateurs de mort ou de catastrophe. Pauvres chouettes jadis clouées sur les portes pour conjurer ou chasser les mauvais sorts. Les corbeaux, eux, cumulent les handicaps : ils sont noirs, ont un cri sinistre et ils sont souvent représentés sur les tableaux de champs de batailles et de paysages désolés d’hiver symbolisant ainsi la mort, la guerre, son horreur, la tristesse et le malheur qui s’en suivent. Les corbeaux trainent près des cimetières dans l’Europe chrétienne, près des gibets aussi. Vous souvenez-vous de ces vers de François Villon, extrait de la Ballade des Pendus ?

Pies, corbeaux nous ont crevé les yeux,
Et arraché la barbe et les sourcils.

Ils gagnent ainsi la réputation d’oiseau de malheur. Suprême opprobre, ils ont même donné leur nom aux dénonciateurs anonymes. (Je ne sais pas si vous serez d’accord avec moi mais il y a un corbeau presque sympathique, c’est celui qui se fait gruger par le Renard dans la fable « Le Corbeau et le Renard » de Jean de La Fontaine.)

Mais pourquoi dit-on oiseau de mauvais augure ? A Rome, les augures  ou haruspices étaient des prêtres chargés d’observer le ciel et d’interpréter les phénomènes naturels considérés comme des présages puis de les communiquer. Aucune décision politique n’était prise sans consultation des augures (François Mitterrand consultait sa voyante).

Il  existait deux types d’haruspices : d’une part, les auspices, chargés d’observer le vol et le chant des oiseaux et de l’autre, les augures qui devaient lire dans les entrailles des volatiles. Selon ce qu’on pouvait y voir, on parlait d’un oiseau de bon ou de mauvais augure. Les devins, pour prendre les présages en direct du ciel, se tournaient toujours vers le nord, de manière à avoir l’orient à droite et l’occident à gauche ; si le vol ou l’éclair passait à droite de l’observateur, les dieux étaient favorables ; s’il passait à sa gauche, sinistra (qui a donné le mot « sinistre »), les dieux étaient défavorables.

Le mot augure désigne également la pratique divinatoire  exercée par ces prêtres et le message (de bon augure ou de mauvais augure) envoyé par les dieux. Ceci dit les présages peuvent se lire un peu partout selon les croyances païennes dans : les paroles fortuites, les bourdonnements d’oreille, les éternuements, la rencontre de certains animaux (le chat noir par exemple), les chiffres, les noms… On peut ajouter l’observation de la lumière d’une lampe, la forme d’une flamme, le nombre de pétales de certaines fleurs ou pourquoi pas les pépins… d’un fruit, Les vents étaient aussi des signes de bons ou mauvais présages, au temps de la marine à voile et des galères, ça se comprend.

Allez, « Bon vent ! À la prochaine ! »

Eh, mais c’est gentil, c’est une formule parfaitement compréhensible pour les marins prêts à lever l’ancre ; les proches restés à quai leur souhaitent ainsi de trouver le «bon vent» nécessaire à une navigation facile et à un retour heureux.

À bientôt.

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