« In kios in son » en créole de La Réunion, traduit « une cloche un son », correspond au proverbe français « Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. » Le sens est le même : à n’écouter qu’une personne on n’a qu’un avis. Quand on a qu’une seule source d’informations à sa disposition, on n’a pas une information sûre, c’est pour cette raison que pour se prononcer dans une affaire, le juge doit entendre les deux parties ou autrement dit, il lui faut entendre « un autre son de cloche ».
Cette idée n’est pas d’hier puisque le philosophe Sénèque faisait prononcer cette phrase à Médée (Médée, Acte II, scène 2) :
Qui statuit aliquid, parte inaudita altera,
Aequum licet statuerit, haud aequus fuit,
dont la traduction est à peu près « Celui qui rend un arrêt sans avoir entendu la partie adverse, eût-il rendu un jugement équitable, a été inique. »
Aujourd’hui, c’est regrettable, et ça l’est de plus en plus, une partie dans un procès peut être entendue mais pas écoutée et ce pour plusieurs raisons : « il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre », « les loups ne se mangent pas entre eux », « la raison du plus fort est toujours la meilleure »… Chez La Fontaine, on trouve aussi pour nous conforter dans cette idée d’iniquité ; « le pot de terre contre le pot de fer » ou ces deux vers qui terminent la fable « les animaux malades de la peste » : Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
Il y a de quoi avoir le bourdon, non ?
Tiens, le bourdon est aussi une cloche. Et moi aussi ?
En argot, la cloche a de nombreux sens ; on dit souvent « pauvre cloche ! », c’est un terme de mépris, une insulte qui signifie : incompétent, gauche, malhabile, idiot, imbécile, dupe… mais aussi « être à la cloche, être de la cloche… » pour ne pas avoir de domicile, ne pas savoir où dormir, ne pas avoir d’abri, vivre misérablement, être misérable. La cloche est le monde des clochards, des SDF.
D’autres expressions mentionnent des cloches telles que :
– Déménager à la cloche de bois : partir sans payer, sans prévenir, en silence (la cloche en bois ne fait guère de bruit). C’est escroquer son propriétaire.
– Être fêlé comme une cloche qui sonne faux : dire n’importe quoi (ceci dit, souvenez-vous « Bienheureux les fêlés, car ils laisseront passer la lumière« , Michel Audiard).
– On ne peut pas être au carillon et à la procession : on ne peut pas être partout à la fois, l’expression « on ne peut être au four et au moulin » est plus courante mais a le même sens.
– Qui sonne le tocsin n’y va jamais : celui qui signale le danger n’est pas celui qui offre son aide, peut-être a-t-il ses raisons car « En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin. » disait Sébastien-Roch Nicolas Chamfort au XVIII° siècle.
– Sauter à cloche-pied : sauter sur un pied.
– Sonner les cloches à quelqu’un : réprimander quelqu’un.
Y-a-t-il quelque chose qui cloche dans ce billet ?
En conclusion, une véritable démocratie ne peut exister que si tous les citoyens sont entendus, écoutés et si la liberté d’expression est réelle, complète. Si cette liberté d’expression est limitée par trop de moyens, « adieu la liberté et l’égalité ».
Penser politiquement correct et s’exprimer de la même manière (politiquement correcte) c’est faire allégeance à l’autorité, accepter de se taire, de tout supporter et surtout finir par se retrouver totalement muselé à plus ou moins long terme.
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