« Vaz a flèr i rode la boté, podsanm i rode litilité » . Ça faisait longtemps, hein que je n’avais cité un proverbe créole, et pour cause, j’ai toujours ce problème de graphie créole… Traduction : Le vase à fleurs cherche la beauté, le pot de chambre l’utilité. Est-ce à dire soyons pratique, utile ou bien soyons selon les circonstances beau ou utile ?
Je vous dis que les proverbes sont la réponse à des questions philosophiques, mine de rien. N’y a-t-il pas des sujets de philosophie au bac qui posent cette question du beau et de l’utile ? Un peu différemment j’en conviens, mais le fond de la réflexion est le même. La beauté est-elle utile ? La beauté exclut-elle l’utilité ? Etc. On est quand même loin de la question bassement pratique qu’on se posait ici, il y a seulement quelques dizaines d’années, quand la Réunion n’avait ni fosse septique ni tout-à-l’égout : est-il préférable d’avoir un pot de fleurs ou un pot de chambre ?
J’ai le sens pratique, devinez ce que je choisirai si je devais choisir. Et vous ? Pipi-caca, au ras des pâquerettes ces questions, et alors ? C’est la vie, non ?
Une question en entrainant une autre, je me dis que si certains collectionnent des pots de chambre, c’est qu’ils les trouvent beaux. Ils répondent ainsi à une question philosophique : La beauté exclut-elle l’utilité ? Non, vous disent-ils et je complète leur réponse. Le pot de chambre est un objet utilitaire à destination précise, reproduit en grand nombre. Il paraît difficile de parler de beauté pour ces objets de prime-abord car ce n’est pas leur fonction première que d’offrir des sensations esthétiques. Il existe aujourd’hui des «designers» pour donner du style à des objets sans intérêt. Pensez à Philippe Stark et à son presse-citron. 
Avant il y avait des innovateurs et des décorateurs capables de donner une beauté particulière à un objet grâce à la parfaite adéquation de la forme et de la fonction, ou à la volonté claire de rendre beau ces objets de la vie quotidienne : vases de nuit en céramique peints ou en acier émaillé fleuri, aujourd’hui des pots de fleurs lumineux créent au jardin des ambiances… esthétiques.
Voir avec des yeux d’artiste, c’est voir les choses autrement, voir un objet en lui-même, débarrassé des conventions habituelles, à savoir des raisons pratiques, de commodité, d’efficacité. Si l’on reste accroché à nos idées, un objet qui nous apparaît utile ne peut nous apparaître comme beau, puisque l’utilité appartient à la sphère de l’action, la beauté à celle de la contemplation. Or, c’est possible, on peut joindre l’utile à l’agréable.
Les designers et ceux qui les ont précédé dans cette démarche de recherche du beau joint à l’utile sont des visionnaires qu’il faut encourager.
Un monde beau deviendra-t-il un monde meilleur ? Je l’espère et sans doute d’autres ont-ils le même espoir.
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