19 mars 1962 en Algérie

Le 19 mars 1962, à midi, officiellement, un cessez-le-feu qui met fin à huit ans de guerre en Algérie, prend effet. La veille, le gouvernement français a cédé au gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) ses pouvoirs sur l’Algérie et le Sahara. Un double référendum devra bientôt conforter cette décision.

Historiquement, le 19 mars 1962 est le premier jour d’entrée en vigueur des accords d’Evian qui devaient garantir la sécurité des biens et des populations musulmanes, juives et chrétiennes désirant rester françaises en Algérie, il n’en a rien été. Pour certains, le 19 mars est le sinistre symbole de leur calvaire et de leur abandon par la France, et la poursuite d’un terrorisme aveugle.

Le 8 avril 1962, les Français de métropole approuvent à plus de 90% le choix du général De Gaulle.

Le 1er juillet 1962, les Algériens se prononcent encore plus massivement pour l’indépendance de leur pays.

L’indépendance devient effective le 3 juillet 1962.

Le 4 juillet, Ahmed Ben Bellah s’installe à Alger en qualité de président de la nouvelle république.

Le 5 juillet, l’indépendance est officiellement proclamée.

Voilà des dates qui correspondent plus précisément à la réalité de cette fin de guerre.

Cependant, le calme n’est pas revenu au matin du 19 mars 1962. Cette année-là, j’étais encore une petite  fille mais je me souviens que mes parents parlaient de De Gaulle, d’attentats, de plastic, de pieds-noirs, de harkis, de rapatriés. Une amie de ma grand-mère pleurait en parlant d’Oran, de marais, de lac, de massacres, de tortures et d’exécutions, d’enlèvements, de disparitions, de représailles du FLN (Front de libération nationale) ou de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète). Même à Paris, des pains de plastic ont explosé. Je sentais qu’il se passait des choses pas «jolies-jolies» mais c’était bien compliqué pour une fillette de neuf ans. Par la suite, à l’école, on ne m’en a jamais parlé, c’était un passé trop proche, trop douloureux.

Que sais-je aujourd’hui ?

La vie politique française est toujours marquée par les séquelles de cette guerre (non déclarée), qui a éclaté le 1er novembre 1954 et a mobilisé environ … selon les sources entre 400 000 et deux millions de jeunes Français du contingent. Elle a fait au total 25 000 tués chez les soldats français, plus 2 000 morts dans la Légion étrangère, un millier de disparus et 1 300 soldats morts des suites de leurs blessures mais aussi de 30 000 à 90 000 morts chez les harkis, 4 000 à 6 000 chez les civils « européens » (certains parlent de 25 000), et environ 65 000 blessés.

Les chiffres sont loin d’être précis pour ce qui fut aussi une «drôle de guerre» :

– environ 270 000 musulmans algériens sont morts (1 ou 1,5 million d’après l’état algérien) sur une population totale de dix millions d’habitants. On oublie de mentionner les 8 000 villages incendiés et  des 2,1 millions de musulmans déportés dans des camps de regroupement. Les viols, les tortures (la « gégène » entre autres)… des deux côtés.
– environ 150 000 harkis furent martyrisés et massacrés. C’étaient  des amis, des frères, des Français  fidèles, des Musulmans que la France a longtemps oubliés. Quand certains sont arrivés avec leurs familles en France, à la fin de la guerre, ils n’ont pas été reçus avec enthousiasme. Ils n’étaient que des bougnoules comme les autres. Délit de faciès !

– Les pieds noirs, eux, abandonnaient leur terre natale et tout ce qui était leurs racines. C’est le thème du film d’Alexandre Arcady «le coup de sirocco» (1979) dans lequel apparaissait Patrick Bruel pour la première fois sur un écran.

Les rapatriés d’Algérie , il en arrivera 800 000 à Marseille rien qu’en 1962. «Nous ne pouvions pas rester, c’était la valise ou le cercueil ! Regardez ce qui s’est passé à Oran !»

Pourtant des Européens sont restés, prenant même la nationalité algérienne pour certains. Ils étaient chez eux et n’ont pas voulu quitter leur terre natale, certains ne l’ont pas regretté.

L’indépendance accordée à l’Algérie est la dernière étape importante de la liquidation de l’Empire colonial français. En moins de dix ans, entre 1954 à 1962, la France, meurtrie par sa défaite de 1940 et le sentiment d’un irrésistible déclin malgré la victoire finale grâce aux Alliés,  s’est séparée de l’Indochine, de l’Afrique noire et de l’Afrique du Nord, plus ou moins violemment. La décolonisation de l’Algérie, divisée en départements comme le territoire métropolitain, fut particulièrement douloureuse. Ce n’était pas une colonie comme les autres, c’était la plus proche, la plus occupée par des Européens.

Pas facile de raconter l’histoire d’une guerre, encore plus quand elle semble fratricide.

Il ne reste que des blessures qui s’effaceront petit à petit.

Une petite vidéo sur le drame des des français d’Algérie en 1962 ;  musique et paroles d’ISABELLA.

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J’aurais pu ajouter Enrico  qui pleure son pays perdu (« Les filles de mon pays », « J’ai quitté mon pays » ou encore « Adieu mon pays ») ou encore Enrico qui remercie la France. Allez un peu de joie avec « Paris, tu m’as pris dans tes bras ».

… dans la ville de pierre
Où l’on se sent étranger
Il y a toujours du bonheur dans l’air
Pour ceux qui veulent s’aimer…

Si tous les gars du monde voulaient se donner la main.

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