Le 4 février, Magitte avait mal aux dents en sortant de chez son dentiste et elle écrivait alors sur son blog : « Et je ne parle pas de « la dent qu’on peut avoir contre quelqu’un »…Au fait, d’où vient cette expression ? On l’emploie beaucoup à l’égard de personnes qui vous ont fait du mal… Donc, parler de dents, c’est parler de mal ou douleur ? « Je me suis dit que ces questions méritaient une réponse.
Avoir une dent contre quelqu’un c’est effectivement avoir de la rancune, du ressentiment, des griefs envers quelqu’un, lui en vouloir pour une raison quelconque ou même sans raison et c’est bien cette incompréhension qui révolte le plus. Combien d’élèves récoltant une mauvaise note disent « le prof a une dent contre moi » ? Plus tard, ce sera le chef, le patron, le voisin, la police…qui aura une dent contre vous. Persécutés ? C’est variable mais « la dent contre » explique bien des loupés ; c’est une bonne excuse. Alors victime innocente, réellement ou pas ?
Nous pouvons être face à un pervers ou à un rancunier (à la rancune inexplicable quelquefois). Mais le rancunier est souvent quelqu’un d’amer qui en veut à la terre entière (la dent de l’amer ? Bon, j’ai le droit de le faire ce jeu de mot pas cher !) Je reviens à l’explication.
Cette expression semble remonter à la fin du Moyen-Age, XIV° siècle environ, période pendant laquelle on disait plutôt « avoir la dent sur quelqu’un ou sur quelque chose »; la locution signifiait « être passionné par », « convoiter ardemment » ou « s’acharner sur ». C’est à rapprocher du « je suis morgane de toi » (cliquez LA pour relire mon article à ce sujet) puisque morganer, c’était mordre en argot. Ah les dents, c’est important ! Sans, c’est bouillie, purée, c’est comme retomber en enfance.
Pourquoi une dent, une seule ? Pour les économiser ? Chaque dent a son utilité même la dent de sagesse, oui,oui, pour en savoir plus cliquez ICI. C’est d’ailleurs l’arrivée souvent douloureuse de cette dernière qui a donné naissance au fameux et incompréhensible dicton « Mal de dent, mal d’amour ». La dent de sagesse porterait mal son nom puisqu’elle arriverait en même temps que les premiers gros émois amoureux.
Zut, comme toujours je me disperse, il faut que j’en finisse avec cette expression « avoir une dent contre quelqu’un ». A partir du XIVe siècle, le mot « dent », au sens figuré, exprimait l’agressivité ou la malveillance. On montre les dents (quand on en a) quand on est en colère, comme un chien de garde ou un loup. La dent est à la fois un symbole de dureté et d’agressivité. Il me semble d’ailleurs que la formule « ne faire apparaître aucune dent » avait cours et signifiait « ne montrer aucune agressivité ». C’est l’antonyme du très mode « sourire de toutes ses dents » qui fait la fortune des fabricants de dentifrices, vernis émail dents, des prothésistes dentaires, voire même dentistes et autres vendeurs de rêves de blanchiment de dents qui envahissent les rues peu à peu. Société du paraître !
A cette époque du XIV°, « avoir une dent de lait » c’était avoir une animosité de longue date, une vieille rancune (le chien de ma chienne, vous le connaissez tous, non ?). On retrouve plus tard, chez Molière, dans « Le bourgeois gentilhomme », l’expression « avoir une dent de lait contre quelqu’un » (acte III, scène 3).
Nul doute aussi qu’à l’époque, les individus devaient facilement avoir une dent contre les chirurgiens-barbiers, les arracheurs de dents qui sévissaient sans vergogne, sur la place du marché, à la tenaille et sans anesthésie, des individus bien moins fréquentables que le dentiste de Magitte. Ceux qui venaient se faire charcuter dans la rue, rentraient ensuite chez eux après un passage à la taverne pour pouvoir chanter et oublier la douleur :
« Mes chicots, mes chiiiiiiiiiiicots… »
ou encore :
Si, si, je vous jure, Dalida chante « chicot chicot par ci, chicot chicot par là… »
Ne m’en veuillez pas, je suis un peu sur les dents. Pas facile d’être grand-mère à plein temps d’une petite Alice ; j’ai l’impression d’être le Lapin Blanc : « Je suis en retard ».
Bonne journée et à demain.
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