Quand on aime les mots, on aime les poètes, les écrivains et les auteurs, pas tous bien sûr mais aussi certains chanteurs (auteurs-compositeurs-interprètes). Boby Lapointe est l’un d’eux, l’un de ceux que j’aime. Je l’ai fait découvrir à mes enfants, comme d’autres parents l’ont fait avec leurs enfants, et les jeunes ont apprécié, comme ils ont aimé Brassens, Reggiani et quelques autres.
Boby Lapointe m’a fait sourire. Et vous ? C’était un intellectuel qui ne « se la jouait pas« . Titulaire du baccalauréat scientifique, il prépare le concours d’entrée à deux grandes écoles françaises (Centrale et Supaéro) pour assouvir sa passion de l’aviation et des maths. Il invente un système d’embrayage automatique pour automobile qu’il présente aux principaux constructeurs, mais ceux-ci estiment cette invention sans avenir. Boby Lapointe ne dépose pas de brevet ; un américain le fait pour un système similaire l’année suivante. Boby Lapointe présenta un traité de mathématiques, Louis Leprince-Ringuet fut impressionné par sa rigueur de raisonnement et confia qu’il aurait pu se lancer dans la recherche. Mais il y eut la guerre, le STO, les évasions, la vie quotidienne et ses obligations… et les galères d’artiste.
Son amour des mots et son envie d’écrire le poussent à composer des chansons dont le style est très marginal, tout en calembours, contrepèteries et jeux de mots : un style trop intellectuel pour qu’on lui donne facilement sa chance. Il cherche des interprètes pour ses chansons, mais son style rebute ; même les Frères Jacques qu’il rencontre déclinent sa proposition, un peu effrayés par la complexité des textes truffés de calembours. Je vous fais un aveu, j’aime les jeux de mots mais j’ai beaucoup de mal avec les contrepèteries. Julien, mon gendre, aime beaucoup. Chacun son truc.
Le calembour est un jeu de mots basé sur l’homonymie ou l’homophonie (des mots qui s’écrivent ou se prononcent de la même façon, mais dont le sens diffère), la paronymie (mots dont l’écriture ou la prononciation est très proche), ou encore la polysémie (mots ayant plusieurs sens). Souvent utilisé par les journaux satiriques et les chansonniers, les calembours sont généralement plus appréciés à l’oral qu’à l’écrit. Une légère différence d’intonation peut en effet orienter la compréhension d’une phrase ambiguë.
La contrepèterie est un jeu de mots consistant à permuter certains phonèmes d’une phrase afin d’en obtenir une nouvelle, présentant alors un sens indécent masqué par l’apparente innocence de la sentence initiale. Souvenez-vous de Rabelais (clic), de sa «femme folle à la messe, et femme molle, à la fesse»
Un mini-festival Boby Lapointe, ça vous dit
» S’ils veulent être maquereaux
C’est pas elle qui les empêche
De s’faire des raies bleues sur le dos
Dans un banc à peinture fraîche »
Un Russe blanc qui est noir
Quel bizarre hasard se marrent
Les fêtards paillards du bar
Car encore Igor y dort
Un extrait du film de François Truffaut, Tirez sur le pianiste (1960). Cette chanson m’a bien énervée. Se faire appeler Framboise au lieu de Françoise, c’est énervant quand on est jeune. Plus tard, on vous taquine « Françoise, t’es antibaise ? » C’est élégant, non ? Enervant, c’est sûr ! J’avoue que cette chanson n’était pas ma préférée. Il faut l’avouer il y a d’autres trouvailles quand même. (Vous avez reconnu le pianiste ?)
Elle s’appelait Françoise
Mais on l’appelait Framboise
Ça ne me mettait pas à l’aise
De la savoir Antibaise
Moi qui serais plutôt pour !
Quelle avanie !
la fille
S’est passée de glaces au citron
Avec vanille
Et le garçon n’a rien vendu
Tout a fondu
Dans un commerce, c’est moche quand le fonds fond…
Chanter pour ne rien dire ? Et alors ? Là au moins, Boby Lapointe joue avec les mots, aujourd’hui certaines chansons ne sont que des mots sans suite et sans signification, même pas de jeu de mots. Rien de rien. De la chanson (musique ?) kleenex, qu’on oublie vite. Vous souvenez-vous de « Roc », succès de l’année 2008, aux paroles « inoubliables », tellement il n’y avait rien d’autre (c’est toute la chanson) :
comme un roc
ensemble comme un roc
tous unis comme un roc
tous tel un bloc
solide comme le roc…
Carrière éphémère ! Pas solide pour deux ronds.
Autre problème actuel, combien parlent pour ne rien dire ? Savent-ils ce qu’ils racontent ? Quand ce sont des politiques, ça craint.
Jean-Claude Van Damme… en voilà un autre, pas un politique, un acteur. Peut-on tirer une vérité, quelquefois, dans son fatras « aware » ? Il a dit par exemple : » Je suis fasciné par l’air. Si on enlevait l’air du ciel, tous les oiseaux tomberaient par terre….Et les avions aussi…. En même temps l’air tu peux pas le toucher… ça existe et ça existe pas… Ça nourrit l’homme sans qu’il ait faim…It’s magic…L’air c’est beau en même temps tu peux pas le voir, c’est doux et tu peux pas le toucher…..L’air c’est un peu comme mon cerveau. »
Son cerveau : ça existe et ça existe pas ? C’est ça ?
Tu parles ou tu parles pas. Personne n’est plus instruit après, mais il est vrai qu’on a pu rire au moins, sans rien comprendre. Tant qu’il ne nous frappe pas parce qu’on rit…
Zut, ça me fait peur ; je pense à cette phrase de Sophocle « Celui qui ne craint pas d’agir, ne craint pas de parler« . (Est-ce que ça marche dans les deux sens ? Celui qui ne craint pas de parler, ne craint pas d’agir. Ce n’est plus tout à fait la même chose.)
Et ils parlent, ils parlent, les politiques. Trop quelquefois. Trop souvent. Et qu’est-ce qu’ils veulent faire ? Faire perdurer des situations qui les avantagent ?
Je ne peux pas les laisser faire n’importe quoi. J’en ai vu assez.
J’AI PEUR ! J’en ai assez.
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