Diafoirus est le nom du médecin pédant décrit par Molière dans sa comédie «Le Malade imaginaire». Molière ne connaissait pas la médecine, mais il était bon observateur des mœurs et sans aucun doute, bon comédien. (Sa vocation l’a conduit à mourir sur scène, ou presque.)
Le personnage de Diafoirus est un médecin qui parle latin pour masquer son incompétence ; il parle latin, une langue que personne ne peut comprendre, pas plus au XVII° siècle que maintenant (encore que le latin de Molière…). N’y voyez-vous pas un rapprochement à faire avec notre époque ? Aujourd’hui, certains «spécialistes» jargonnent pour nous maintenir éloignés de leur(s) savoir(s). Ils n’en savent guère plus que nous, mais n’ayant pas vraiment confiance en eux, l’utilisation d’un «code secret», une langue de bois les protège, du moins le croient-ils.
C’est à nous d’exiger l’utilisation d’un langage simple et clair. Nous devons comprendre, non pas les détails hyper techniques mais le minimum vital, surtout quand il faut payer.
Ne trouvez-vous pas que les Diafoirus pullulent dans tous les domaines ?
Diafoirus n’est pas intéressé par la médecine, la santé de son patient ne le préoccupe pas davantage ; il veut tirer profit de sa profession. La notoriété, le respect et surtout l’argent sont ses centres d’intérêt réels. Et… nos élus, qu’est-ce qui les motive ? Notre intérêt ou le leur ?
Dans cette comédie, les médecins font la démonstration de leur vanité et de leur impuissance, comme nos dirigeants et nos élus. Je n’ai pas l’intention aujourd’hui de parler du corps médical même si, je pense donner un jour mon opinion à ce sujet ; j’ai vécu pendant cinq ans dans l’envers du décor d’une clinique. J’ai rencontré peu de Diaforus mais plus d’un docteur Knock, vous souvenez-vous de celui qui considère la médecine comme un commerce et surtout comme un instrument de puissance, celui dont le texte rendu célèbre par Louis Jouvet comprenait ces mots «Est-ce que ça vous gratouille ou est-ce que ça vous chatouille ?»
Aujourd’hui, ça me chatouille du côté de la politique. Je veux parler de tous ces Diafoirus qui sévissent dans ce milieu : les spécialistes politico-économistes.
Les habits faisant le moine, les spécialistes portent le costume-cravate réglementaire, costume qui, je le concède, est beaucoup moins ridicule que celui des médecins du XVII°, chapeau et grande robe noire… Tiens des robes noires, nous en avons encore. Ne prêtent-elles pas à rire ? Non, ce n’est pas aux prêtres, aux curés que je fais allusion, leur soutane a disparu depuis si longtemps, mais aux juges. Le décorum est indispensable pour la solennité de la justice, mais solennité et justice ne vont ensemble que s’il y a justice réelle. Qui croit encore en la justice en France aujourd’hui ? Vous ? Moi j’ai fait miens les vers de La Fontaine, morale de la fable « Les animaux malades de la peste » :
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
Je reviens aux Diafoirus de l’économie. Quand je les entends ces économistes (à tendance libérale) énoncer, en choeur avec les politiques de droite ou de gauche, les diagnostics et ordonnances pour sauver la France, l’Europe et le Monde, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce qu’ils ont déjà prédit, dit, prescrit. (Ils n’ont rien vu venir en 2008). Pensent-ils à la perte du pouvoir d’achat des classes moyennes ? Non, ils palabrent, argumentent, «grenellisent» en disant que « moins de pouvoir d’achat, c’est moins de demande, donc moins de production, donc plus de chômage et des risques aggravés de crise sociale ce qui découragera d’investir ». C’est ça, le principe de la spirale en économie. Donc ils palabrent, constatent. Oui, et après ?
Que faudrait-il faire ? Baisser les salaires et les retraites, augmenter les impôts et tailler dans les dépenses publiques, de préférence les dépenses sociales. Encore une fois ? Est-ce que ça a marché ? Que faut-il faire ? Arrêter de parler. AGIR ! Agir de manière juste.
Les traitements ne sont pas toujours agréables mais il faut, quand on en administre un, prendre toutes les mesures pour le voir agir. C’est le protocole de traitement. Si un élève à des poux dans une classe, il faut traiter en curatif celui qui loge les totos et traiter les autres élèves en préventif pour leur éviter d’offrir un nouveau logement aux bestioles. Quand un obèse a des problèmes de genou(x) ou de coeur (l’organe), avant de lui donner des pilules plus ou moins miraculeuses, on lui impose un régime. Un organisme est un tout qu’il faut traiter comme un tout, ne pas oublier que pour sauver un gangréneux, il faut couper un membre.
Or la France souffre. De quoi souffre-t-elle ? D’une dette trop importante ? Comme ses voisins… Ils ont tous voulu jouer à la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf. Ils n’avaient pas tous la même stature, les pays d’Europe ; ils ont les mêmes symptômes et on veut leur appliquer le même traitement. C’est insensé : un enfant et un adulte victime de la même épidémie ont le même traitement de base mais à des doses différentes. Or nos Diafoirus de l’économie n’ont qu’un traitement pour tout et tout le monde : baisser les salaires et les retraites, augmenter les impôts et tailler dans les dépenses publiques, de préférence les dépenses sociales mais pas dans les frais somptuaires. Et les plus riches, on leur demande quoi ? Surtout à ceux qui encaissent en France et vivent ailleurs, hein ?
Comment peut-on imaginer qu’avec ce traitement qui dure et n’a pas d’effet visible immédiat, on peut espérer guérir ? Comment un pays auquel on inflige un tel traitement pourra-t-il retrouver la croissance, condition sine qua non d’une économie saine ?
Cette médication, loin de sauver le malade, risque de le tuer.
On appauvrit, on ruine, on désespère, on affame le peuple. Attention «ventre affamé n’a plus d’oreilles !»
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