La peste soit de la grossièreté et des mots grossiers ! Dans le film « Les visiteurs », Godefroy de Montmirail peste en disant « Morte-couille ». Le capitaine Haddock avait un langage grossier avec ses « moule-à-gaufres », Bachi-bouzouk, Bougre d’extrait de cornichon, Amiral de bateau-lavoir… Depuis qu’un capitaine de pédalo a gouverné notre pays, il me semble que la grossièreté des média est de plus en plus grande et que cette grossièreté se retrouve dans tous les domaines.
Non je ne suis pas réac, ni bégueule mais je suis de plus en plus souvent choquée par ce que je vois et ce que j’entends. Est-ce le fait de vieillir ou réellement notre monde est-il de plus en plus inconvenant et même répugnant quelquefois ? Où sont passés les » s’il vous plaît » et les » merci » ? Que sont devenus les « bonjour » et « au revoir » ? Comment se fait-il que nous ayons tous très vite l’insulte à la bouche ? Pourquoi se comporte-t-on en public comme chez soi ? Pourquoi y-a-t-il de plus en plus de sans-gêne, égoïstes et mal élevés ?
Je me souviens que Georges Brassens était interdit d’antenne et que bon nombre de personnes ne voulaient pas entendre ce grossier personnage et pourtant depuis ils ont entendu bien pire. Évolution ? Il est loin le temps où pour un enfant, un jeune ou une femme, proférer un blasphème, un juron ou commettre tout autre écart de langage méritait toutes les punitions voire les malédictions. Aujourd’hui, la dérive morale et culturelle généralisée, la violence verbale sous toutes ses formes s’amplifient et personne ne semble vraiment vouloir endiguer le fléau, de peur sans doute de se voir traité de « vieux con ».
Pourtant comment accepter que la grossièreté, les expressions obscènes soient acceptées partout dans les médias ? Dans les cours d’écoles aussi.
Brassens, le pornographe (ancien billet, clic)
Autrefois, quand j’étais marmot
J’avais la phobie des gros mots
Et si j’pensais « merde » tout bas
Je ne le disais pas
Mais
Aujourd’hui que mon gagne-pain
C’est d’parler comme un turlupin
Je n’pense plus « merde », pardi
Mais je le dis.Et il nous a dit bien d’autres « gauloiseries », des jurons dont « la peste soit de quelque chose » serait le plus élégant.
Voici la ronde des jurons
Qui chantaient clair, qui dansaient rond
Quand les Gaulois, de bon aloi, du franc-parler suivaient la loi
Jurant par-là, jurant par-ci, jurant à langue raccourcie
Comme des grains de chapelet, les joyeux jurons défilaientTous les morbleus, tous les ventrebleus
Les sacrebleus et les cornegidouilles
Ainsi, parbleu, que les jarnibleus
Et les palsambleus
Tous les cristis, les ventres saint-gris
Les par ma barbe et les noms d’une pipe
Ainsi, pardi, que les sapristis
Et les sacristis
Sans oublier les jarnicotons
Les scrogneugneus et les bigr’s et les bougr’s
Les saperlottes, les cré nom de nom
Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre
Tous les Bon Dieu
Tous les vertudieux
Tonnerr’ de Brest et saperlipopette
Ainsi, pardieu, que les jarnidieux
Et les pasquedieuxQuelle pitié
Les charretiers
Ont un langage châtié
Les harengères
Et les mégères
Ne parlent plus à la légère
Le vieux catéchisme poissard
N’a guèr’ plus cours chez les hussards
Ils ont vécu, de profundis
Les joyeux jurons de jadisTous les morbleus, tous les ventrebleus
Les sacrebleus et les cornegidouilles
Ainsi, parbleu, que les jarnibleus
Et les palsambleus
Tous les cristis, les ventres saint-gris
Les par ma barbe et les noms d’une pipe
Ainsi, pardi, que les sapristis
Et les sacristis
Sans oublier les jarnicotons
Les scrogneugneus et les bigr’s et les bougr’s
Les saperlottes, les cré nom de nom
Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre
Tous les Bon Dieu
Tous les vertudieux
Tonnerr’ de Brest et saperlipopette
Ainsi, pardieu, que les jarnidieux
Et les pasquedieux
Explications des jurons de Brassens :
- Morbleu etc. : la terminaison -bleu, est un euphémisme qui évite de dire Dieu et donc de blasphémer. Dire : Mordieu ! c’était jurer « par la mort de Dieu ! ». Fallait oser, à l’époque. Après la Révolution de 1789, les choses ont changé.
- Ventrebleu : « par le ventre de Dieu! » « Ventre-saint-gris » est un euphémisme pour Ventrebleu
- Sacrebleu : sacré Dieu !
- Parbleu : Par Dieu !
- Palsambleu : « par le sang de Dieu! »
- Jarnibleu : « je renie Dieu! », un blasphème, véritable péché mortel. (« Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain » est le troisième des Dix Commandements avant même « Tu ne tueras pas », qui n’est qu’en septième position.) Jarnidieu = je renie dieu.
Ce n’est pas une formule édulcorée, c’est simplement dit avec un accent paysan. - Vertudieu. La vertu étant le pucelage, « Par le pucelage de Dieu! » était évidemment un juron un peu raide. Il avait, outre Vertubleu bien sûr, une autre version soft assez marrante: « Vertuchoux!«
- Pasquedieu « parce que Dieu! » comme si en prononcant ce mot, on prenait Dieu comme témoin des paroles suivantes.
- Cornegidouille est un juron inventé par Alfred Jarry, tiré de Ubu Roi qui jure aussi « par ma chandelle verte! »
- Cristi : le Christ, encore un juron en rapport avec la religion.
- Sapristi et sacristi : comme saperlotte et saperlipopette, sapristi commence par sapré, déformation de sacré. Le jeu de mots avec « sacristie », la pièce où le prêtre s’habille avant la messe n’est pas dû au hasard.
- Au Canada, on jure en disant « Tabarnac » pour « Tabernacle ! »ou « Ciboire ! » prononcé « Cibouère » mais aussi « Hostie », « Calice », « Sacrement », « Christ » et peut-être « Sacristie ! » (nos cousins du Québec sont de culture très catholique). Il existe de jurons plus forts, doublés comme « Cibouère de sacristie ! » ou « Tabarnac à deux étages ! » (Si vous aimez la langue de nos cousins canadiens, je vous conseille un petit livre « la parlure québécoise »). Je complète en précisant que le ciboire quand il contient les hosties est rangé dans le tabernacle puis à la fin de la messe, lorsqu’il est vide, il est déposé à la sacristie .
- Jarnicoton est un juron qui avait été conseillé à Henri IV par son confesseur pour remplacer les jurons comportant le nom de Dieu. Ce confesseur se nommait Cotton donc Jarnicoton signifiait « je renie Cotton ».
- Bougre. Introduit en France au moment de la guerre des Albigeois, le mot bougre signifie à l’origine « Bulgare ». L’hérésie des Albigeois ou Cathares, avait été en effet importée de Bulgarie. Les Cathares considéraient le mariage comme un pis-aller, le célibat comme un idéal. Leurs « prêtres » allaient par deux (on les appelait les Parfaits) et certains en avaient conclu qu’ils s’adonnaient à la sodomie. Bougre était donc à l’origine une injure du niveau « Sale pédé ».
Bigre est la version édulcorée de bougre, comme fich(tr)e celle de foutre. - Diantre, c’est une déformation de Diable. Comme pour Dieu, on évitait de prononcer directement son nom par crainte d’ennuis graves.
- Foutre est un vieux verbe qui signifie simplement baiser, mais qui a perdu beaucoup de sa virulence depuis un demi-siècle (c’est le « fuck » qui est resté beaucoup plus longtemps tabou chez les Anglo-Saxons, mais se répand aujourd’hui partout). « Va te faire foutre! » est on ne peut plus clair. Accessoirement, le foutre, substantif, signifie le sperme.
- Fichtre est la version soft de foutre.
- Tonnerre de Brest, popularisé par le Capitaine Haddock, c’est aussi un Tonnerre de Dieu édulcoré. Le « Tonnerre de Brest » était en fait un gros canon qui tonnait pour annoncer l’arrivée d’un ennemi ou l’évasion d’un forçat du bagne voisin.
Il faut noter que le haddock est du « hareng séché » et que le Capitaine Haddock partage son goût des jurons avec les harengères, les charretiers et les hussards de la chanson.
Voilà qui me rappelle une journée de réunion pédagogique durant laquelle, mécontente de ce que j’avais entendu, j’avais répondu à l’inspectrice et à une collègue (qui se prenait au moins pour le recteur de l’académie) en des termes un peu triviaux, l’inspectrice choquée m’avait dit « Vous avez un langage de corps de garde ! » ce à quoi j’avais répondu que « dans le genre, j’étais capable de bien pire ! » J’avais fait sourire et même franchement rire certains collègues.
« À Dieu vat ! »
C »était il y a des années.
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