Fourniture d’électricité à la Réunion

La semaine dernière, je vous avais fait part de mon mal-être à l’idée de retourner sur l’île de la Réunion, bien que j’habite là-bas depuis plus de trente ans. Je suis pourtant créolisée. Je parle créole, je mange créole, mon mari est créole, mes enfants aussi mais…

J’ai vaguement évoqué les manques que je ressentais : fruits, légumes, magasins, musées, salles de spectacles… Vous, vous pensez que le soleil peut tout remplacer, moi, je vous dis que non. Je répète : une prison est une prison quelle que soit la couleur des barreaux. La Réunion n’est plus la Réunion d’avant. Je m’y sentais bien, ce n’est plus le cas.

Que sont devenus les dames et les messieurs chapeautés et polis ? Où sont passées les petites maisons proprettes aux jardins luxuriants ? Pourquoi est-ce que cette île a changé autant en si peu de temps ? Si ce n’était qu’en bien, je crois que j’accepterais mais ce n’est pas le cas. La famille a explosé, les moeurs se sont relâchés, le mode de vie « zoreille » s’est imposé, la délinquance et la  violence se sont banalisées… Eden perdu ?

Je suis arrivée ce dimanche à midi ; j’ai retrouvé deux de mes (trois) enfants, mon petit-fils, mon gendre et bien sûr mon mari. La vie a repris son cours habituel et aujourd’hui jeudi, j’ai passé une excellente journée à l’atelier de poterie avec des amies. J’ai pu fabriquer quelques objets.

Pendant ce temps-là, à la maison, nous étions privés d’électricité.

A huit heures trente ce matin, plus de jus… comme ça… comme souvent. Nous sommes au XXI° siècle mais l’électricité ici, à la Réunion, si c’est un peu mieux qu’à Dakar, ce n’est malheureusement pas la France.

Entre les pannes, les grèves, les travaux, l’accès au courant électrique est aléatoire. On s’y fait. Les gens s’y font, le matériel aime moins. Congélateurs, réfrigérateurs, ordinateurs, téléviseurs ont des durées de vie raccourcies, un peu à cause de l’humidité ambiante mais surtout à cause des hausses de tension électrique et des coupures intempestives.

Donc ce soir à dix huit heures trente, mon fils m’appelle pour me dire qu’il est maintenant dans le noir (la nuit tombe vers dix-huit heures  en ce moment, c’est l’hiver austral ; l’été c’est à… dix-neuf heures.) A dix neuf heures dix, donc de nuit, je suis passée chez ma fille pour pouvoir téléphoner car sans électricité : plus  de téléphone, plus d’internet. J’ai composé le numéro des « incidents réseaux », le 0810 333 974, facturé 7 centimes la minute. Il vous balade sur un répondeur qui vous annonce en fin de course «composez désormais le 0800 333 974.» C’est ainsi qu’EDF peut gagner des sous et nous en faire  dépenser l’air de rien. Je passe les détails et j’entends une voix humaine et féminine me dire «Ben oui, depuis ce matin, pourquoi n’avez-vous pas appelé plus tôt ? Vous appelez tous maintenant.»
Je vous avoue que j’ai eu pitié de cette dame qui doit entendre bon nombre de doléances, d’autant qu’elle m’a écoutée.
Je lui ai répondu que, compte tenu des coupures répétées, tout le monde attendait sans rien dire puisque, même quand on téléphone, ça ne change rien à l’affaire, personne ne sait répondre ou prédire quand ça fonctionnera.
Et ce soir, ai-je dit, après près de douze heures sans électricité, nous sommes maintenant dans le noir, pas de cuisine, pas de micro-ondes… quand la situation redeviendra-t-elle normale ?
Devinez la réponse ?
«Je ne sais pas, il faut attendre.»
Par grandeur d’âme, elle a ajouté «Si vous avez perdu des produits dans votre congélateur, envoyez un courrier !»
Je lui ai poliment dit «merci, Madame ; au revoir» sachant que si c’est simplement douze heures de coupure ou même vingt quatre, les marchandises «tiennent» quand on n’ouvre pas le congélateur.

Je me suis souvenu aussi des multiples déboires que j’ai eu avec EDF. Je ne suis pas la  seule, d’autres habitants du quartier aussi.

1 – Des surtensions à 380 grillent tout l’électroménager. L’assurance ne veut rien entendre, EDF non plus. Achetez du nouveau matériel et… remplissez vos poubelles si c’est votre congélateur, bien chargé pour les fêtes de fin d’année qui est mort. Payez, payez ! Pleurez si vous voulez mais ça ne sert à rien. Payez et taisez-vous.

2 – Des coupures imprévues détraquent l’électronique et bloquent, par exemple, la porte du four. Appelez le réparateur et payez son déplacement si l’appareil est sous garantie. Quand il ne l’est plus, payez le déplacement du réparateur, demandez un devis et attendez… un mois, deux mois, …six mois… Achetez alors un  nouveau four compte tenu des tarifs pratiqués pour les pièces qui n’existent pas sur place qu’il faut commander, qui ne sont plus fabriquées (au bout de 3 ans), de l’incompétence des réparateurs. Payez, payez ! Ecrivez, râlez, criez, déplacez-vous, pleurez. Personne ne vous répondra, personne ne réagira. Payez et taisez-vous.

3 – Un débit électrique avec des hauts et des bas permanents (un peu comme l’arrosage automatique) ce qui vous donne des ampoules clignotantes le soir, c’est sympa, ça fait « style » mais vous ne pouvez rien faire. Alors EDF, qui ne vous fait pas confiance, installe un appareil de mesure pendant des jours et fait ensuite un branchement provisoire (environ un mois et demi), façon Afrique sub-saharienne. Par contre, vous payez normalement votre facture malgré les désagréments.

4 – Si vous avez des volets roulants, restez dans le noir toute une journée ou partez travailler sans fermer, selon la position initiale desdits volets.

5 – Si vous avez un portail électrique, décoincez le moteur, passez en mode manuel,  si vous êtes à l’intérieur de votre cour, prenez une vitamine et enfin, poussez, tirez, bougez le portail ; si vous êtes dans la rue, escaladez d’abord mur ou portail pour pouvoir débloquer le moteur et procéder comme je l’ai dit plus haut. (Quand c’est la saison des pluies, les moteurs sont quelquefois littéralement noyés, donc morts. Les assurances ne prennent pas ce sinistre en charge, pas plus que les antennes arrachées, ni…, ni … Je me demande pourquoi je suis assurée : solidarité… ah ! ? )

Pour en terminer avec les coupures du jour, je résume : de 8h30 à 19h20 et 19h50 à 20h20, pas de jus. Il est 21h40 et ça a l’air de tenir. Pourvu que ça dure.

Jusqu’à quand ?

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