Catégorie : Blabla

  • Faire une conduite de Grenoble

    Il y a seulement un petit quart de siècle que j’ai entendu cette expression pour la première fois : « faire une conduite de Grenoble ». Si je vous dis que c’était à la Réunion, il y a de quoi être surpris. Il ne faut pas, il y a des gens cultivés aussi sous les tropiques. Le plus curieux, c’est  un non grenoblois qui me l’a fait découvrir. Justement parce qu’il n’était pas grenoblois. A Grenoble, on ne parle plus trop de cette affaire.

    Quand j’ai découvert cette expression, j’ai demandé une explication. Elle m’a été donnée de manière satisfaisante.

    Le 7 juin 1788  les Grenoblois, particulièrement fâchés de perdre leur Parlement, se virent confrontés à la troupe envoyée par le roi Louis XVI pour déloger les membres du Parlement. Ils montèrent sur les toits de la ville, jetant des tuiles et divers objets sur les soldats qui firent feu. Devant les 10 000 Grenoblois en colère, les soldats quittèrent la ville. La journée des Tuiles s’achevait, le Dauphiné gardait son Parlement et la Révolution française était en marche.

    En cherchant un peu, j’ai trouvé d’autres explications.

    Celle qui m’a été donnée en premier lieu me satisfait mais une autre m’est revenue en mémoire. Elle correspond à ce que ma grand-mère me racontait et à ce qu’ont écrit certains rédacteurs de sites et de blogs. L’origine de « la conduite de Grenoble » serait plus ancienne. Le maréchal de Lesdiguières (François de Bonne, duc de Lesdiguières), nommé gouverneur du Dauphiné se serait présenté dans la capitale de la province sans prévenir. Les Grenoblois, surpris, le reçurent à coups de pierres et de bâtons et le reconduisirent hors des murs sous les huées. Ce n’est pas tout à fait vrai. La mémoire collective est capable de transformer les événements.

    Lesdiguières est bien venu à Grenoble ; il n’a été bien reçu. Je m’explique : à la tête de 1 200 hommes, il se prépare en novembre 1590 à entrer dans Grenoble. Durant la nuit, quelques soldats prennent le poste de garde ; ses hommes se battent le lendemain pour entrer, sans succès. Lesdiguières fait venir un canon qu’il place sur la colline face à la ville et fait savoir aux grenoblois « Si vous tirez sur mes troupes, je détruis le clocher de votre collégiale et je mets en ruine tous vos monuments ». N’ayant pas l’intention de le faire, il patiente avec quelques coups de semonce, mais les notables catholiques de la ville ne se rendent pas. Après plus de trois semaines de siège, il parvient à prendre Grenoble, le 24 décembre 1590, les Grenoblois lassés par des années de guerre et impressionnés par un défilé des troupes de Lesdiguières capitulent. Les Grenoblois, à majorité catholiques, redoutent leur vainqueur, mais Lesdiguières (protestant) se montre avisé et fait preuve d’une extrême modération. Ses soldats reçoivent l’ordre de ne commettre aucune exaction. Des instructions sont données pour assurer le libre exercice du catholicisme. Les guerres de religion en Dauphiné prennent fin huit ans avant l’Edit de Nantes. Mal reçu OUI, mais pas vraiment jeté dehors (pour le plus grand bien de Grenoble et de ses habitants, mais ça, c’est une autre histoire).

    D’autres explications sont proposées, mais pas forcément plausibles. Cette expression serait née :

    – suite à une rixe, non datée, qui aurait opposé aux portes de Grenoble deux obédiences de Compagnons rivales.

    – le grammairien Richelet, en 1680, avait écrit dans une édition de son Dictionnaire : « les Normands seraient les plus méchantes gens du monde s’il n’y avait pas de Dauphinois. » Alors qu’il était de passage à Grenoble et participait à un souper, il aurait été chassé de nuit de la ville à coups de canne. Avignon n’étant pas loin, la mule du pape a dû inspirer les Grenoblois. Des montagnards à la rancune tenace. Pas méchants. Juste de la fierté et de la mémoire !

    Faire à quelqu’un une conduite de Grenoble à quelqu’un, c’est donc le ramener à la porte sans ménagement, en l’accompagnant au besoin de quelques invectives et de coups. Si l’expression n’a plus beaucoup court chez les Français moyens, peut-être perdure-t-elle dans certains milieux ? Chez les Compagnons du Tour de France, par exemple. Ils sont réunis en sociétés, plus ou moins secrètes avec leurs codes, leurs lois, leur honneur…

    La conduite de Grenoble se fait, dans une Société, à l’un de ses membres qui a volé ou escroqué. C’est le châtiment infligé. Celui qui a reçu la conduite de Grenoble est flétri moralement ; il ne peut plus se présenter devant la Société qui l’a chassé. Mais devant les autres ? J’en doute.

    À Avignon, un Compagnon, après avoir subi la conduite de Grenoble, porta plainte à l’autorité, qui prit des informations minutieuses sur les causes d’un tel traitement. Le plaignant devant la justice fut convaincu de vol, et condamné à un an de prison: mieux eût valu pour lui ne point porter plainte, et ne point provoquer une seconde punition. En voilà un qui n’aurait pas dû ignorer l’adage de droit : « Nul ne peut invoquer sa propre turpitude ! »

    Comme les Compagnons du Devoir ont leur propre langage, il est possible aussi que le nom de Grenoble, dans cette expression, soit issu d’un jeu de mot avec gredin… Mais il n’y a pas de canailles à Grenoble, non, non , »des sportifs et des prétentieux » disait Fernand Raynaud dans un de ses sketches (Ne me parle pas de Grenoble). Je l’ai détesté, ce comique, avec cette histoire pas drôle pour les Grenoblois, dont moi à l’époque.

    Une autre rumeur prétend que l’expression serait née de l’interdiction d’un bal masqué en 1832. Peu probable car l’expression a été utilisée plus tôt. Mais pour  la curiosité, le plaisir de bavarder, je vous la raconte. Un bal masqué interdit à Grenoble aurait vu l’intervention des gendarmes qui auraient chargé la foule, faisant quelques blessés. Le préfet aurait été contraint de renvoyer lesdits gendarmes, qui quittèrent la ville sous les huées de ses habitants.

    Comme les Limougeauds n’aiment guère le verbe « limoger », parce que c’était à Limoges que Joffre envoyait les généraux incompétents se faire oublier, les Grenoblois ont préféré oublier cette expression qui les mêle à une action brutale, un peu sauvage. Il n’y a pas que des crétins dans les Alpes.

  • Démocratie : où en est-on ?

    Allez, je commence fort aujourd’hui. C’est pas moi qui l’ai dit mais… j’approuve. Je répète donc les propos de Winston Churchill  : « Le meilleur argument contre la démocratie est une conversation de cinq minutes avec l’électeur moyen. » (suite…)

  • Histoire de sou, encore…

    En « discutant » avec Geneviève, elle m’a rappelé qu’il existait un livre à mettre entre toutes les mains : « 100 expressions à sauver  » de Bernard Pivot. Comme ledit bouquin était à côté de mon clavier, je l’ai feuilleté pour me rafraîchir la mémoire de plus en plus défaillante. Et voilà que j’ai trouvé une expression parlant de sou. Je vous la transfère ici.

    Panier percé (un)

    Un panier percé est une personne très dépensière. (Une donc qui lâche facilement ses sous). Se disait plutôt des femmes que des hommes (non, il paraît que ce n’est pas purement misogyne) parce que c’était elles qui faisaient les courses un panier à la main, alors que maintenant elles poussent un caddie (pas toutes !). Le caddie percé n’a pas succédé au panier percé.

    « C’est Mme Jasmin, une autre qui la remplaçait, celle-là pas sérieuse pour un sou !.. Un panier percé à vrai dire, terrible pour les dettes ! »
    Louis-Ferdinand Céline ; Mort à crédit

    Au Québec, le panier percé ne désigne pas une femme qui dépense sans compter, mais une pipelette, une commère, une femme tellement bavarde qu’elle ne peut pas garder un secret.

    Hep !

    Le panier de la ménagère continue de représenter, à travers les produits de grande consommation, le coût de la vie (en ce moment, il ne cesse d’augmenter ledit panier). Les voitures cellulaires de la police s’appellent toujours des paniers à salade. Le dessus du panier désigne encore les membres éminents d’une société, le gratin. Mettre, jeter au panier est une expression toujours employée. En revanche, mettre la main au panier (aux fesses), mettre tous ses oeufs dans le même panier (prendre le risque de tout miser sur un seul projet), et,  surtout, faire danser l’anse du panier (technique qui consiste pour un employé de maison à majorer les achats qu’il a faits pour son patron*) sont des expressions de moins en moins usitées.

    * Imaginez un peu : un employé qui fait valser l’anse du panier et qui profite du sou du franc augmente encore le coût de la vie.

  • Connaissance, savoir, culture, vulgarisation…

    La vie est courte et la connaissance sans limite.

    N’avez-vous jamais peur d’être ignare ?

    Moi, si. Vous pouvez vous consoler en vous disant que d’autres sont plus ignorants que vous. Mais moi, la misère de l’autre ne me réconforte jamais. Mon amie Nadine me dit quelquefois : « Malheur des autres ne guérit pas, mais il soulage » (elle dit ça en créole ou, au moins, avec l’accent qui convient et j’avoue que ça me fait du bien… de rire de moi).

    Il parait que j’ai toujours le tort de toujours vouloir mieux. Oui, je suis pour l’effort personnel, celui qui aide à se sortir de tout : se sortir de sa peine en travaillant de ses mains pour se fatiguer le corps, et en travaillant de la tête (je n’ai pas dit de devenir fou) pour ne pas penser à ce qui chagrine, pour s’occuper l’esprit. Ma mère et ma grand-mère ont été là avant moi pour me transmettre les douloureuses leçons qu’elles avaient apprises. Je ne m’aventurerai pas aujourd’hui dans la narration de leurs malheurs successifs. Je reste dans mon sujet de l’instant : l’ampleur des connaissances et la brièveté de la vie.

    Comment apprendre un maximum en si peu de temps ? Tout savoir, c’est impossible. Juste savoir le maximum. Pourquoi cette faim ou cette soif de savoir ? A quoi bon, me direz-vous, engranger du savoir ? Comme ça… Je ne sais pas. Curiosité. Nécessité d’avoir l’esprit ouvert. Reliefs du siècle des Lumières, de cette époque où l’on rêvait d’une république du mérite , du savoir ? Epoque où l’on était curieux de tout ? Avidité ?

    Etre un « honnête homme » selon le sens de l’époque n’empêche nullement d’être honnête au sens actuel du terme. Il paraît que j’ai un problème de rigueur morale trop intense, pour moi encore plus que pour les autres, ce qui est l’inverse du modèle courant où l’habitude de se pardonner prédomine.

    Je veux désobéir à Rousseau qui a écrit « Croyez-moi, mère judicieuse, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour donner un démenti à la nature ; faites-en une honnête femme et soyez sûre qu’elle en vaudra mieux pour elle et pour nous. » Je pense être une honnête femme, il n’empêche que je voudrais être un « honnête homme », (on admirait l’honnête homme mais on se moquait des femmes savantes au XVII°), donc obligée de dire « honnête homme » (de la même manière, certaines sages-femmes sont de sexe masculin). Honnête homme, pas un spécialiste dont les réunions et les réceptions regorgent maintenant, ces connaisseurs, fiers d’eux, imbus de leur science, qui savent tout à propos d’une chose et rien à propos de tout le reste.

    L’ »honnête homme », celui que j’aime, comme le disait Montaigne a «la tête bien faite plus que bien pleine». Je l’envie, il fréquente divers milieux, domine un vaste champ de connaissances, possède des lumières sur un grand nombre de sujets, mais surtout n’ennuie personne ; au cours d’une conversation, il rencontre des individus inégalement instruits, il ne se pavane pas, il évite une technicité trop grande et la langue de bois dans son discours. Pour avoir de tels rêves, je suis… anormale, asociale, obsolète… Quelle utopiste surtout ! J’essaie de me faire comprendre quand je parle. Ceux qui brillent aujourd’hui pensent qu’en étant incompréhensibles, ils se montrent savants. Comme personne n’ose poser de questions de peur de passer pour un imbécile, ils sont tranquilles, les spécialistes ! La famille Diafoirus est ressuscitée ! Y a-t-il des dupes ? Faut-il chanter Alleluyah ?

    Aie le courage de  te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières. Emmanuel Kant.

    Mais qui ose crier la vérité ?

    La masse des connaissances est de plus en plus grande ; impossible de tout savoir, sauf un peu de tout sur tout : est-ce satisfaisant ? Peut-être ? Honnête homme = touche-à-tout. Est-ce mieux de savoir beaucoup sur un seul sujet ? Moi, je réponds : non ! Mais l’horreur est réellement là avec le retour des Diafoirus, des Bouvard et des Pécuchet, qui ne savent pas grand chose et/ou n’ont rien compris sur un seul sujet ? Les méfaits de la vulgarisation…

    L’honnête homme doit éviter que son adaptation au milieu ne détruise sa propre nature : il lui faut rester naturel, curieux, empêcher sa personnalité de se « pervertir »… Ménager la chèvre et le chou, disait ma grand-mère plus simplement. Je me  triture sans doute trop la cervelle. J’aurais dû faire l’école du cirque : option Funambule ! Clown-funambule ! Tiens, finalement… Un autre rêve ?

    J’ai toujours du mal à rester dans le juste milieu parce que la provocation aide à se faire entendre. Je m’en veux. Je voudrais tellement être pondérée parfois.  L’âge m’aide cependant à devenir sage : essayer de se faire entendre en douceur ou laisser tomber quand on sent qu’il n’y a aucun espoir d’évolution…

    Je sais bien que personne n’a le temps de tout savoir et que, dans la pratique, nous sommes contraints de choisir entre tel ou tel domaine de connaissance, de la même façon que l’ on écrit ou que l’on parle : un exposé trop court ou point d’exposé du tout ? Je ne veux pas être l’âne de Buridan : de l’eau ou du son ? Par quoi commencer ? Moi, je me dis « Fonce ; commence par un, tu auras l’autre après ! » Trop gourmande ? Non !

    Ca ne marche pas à tous les coups. J’ai quelque chose, au moins une chose. J’assume mon choix. Je ne me plains pas. Tant pis ;  je préfère mourir de faim après avoir choisi de boire plutôt que de mourir de langueur en n’ayant pas choisi entre la soif et la faim.

    Quand l’urgence est là en plus… Je pense aux tours du 11 septembre et à ceux qui ont sauté plutôt que… être brûlé(e)(s), écrasé(e)(s), asphyxié (e)(s)… C’est comme ça : choisir . Il faut choisir plutôt que d’attendre passivement. Pour ceux qui me connaissent, vous souvenez-vous de mes cris contre le médecin qui décidait de mon sort, sans moi ? Mais, vous l’avez compris, je suis une révoltée, c’est ce qui m’a sauvée. La Laponie au lieu de l’hôpital à la Réunion !

    Abréger est un mal nécessaire. Combien renoncent à lire mes articles trop longs ? Dommage, j’aimerai tant être lue par un grand nombre…

    Celui donc qui veut résumer doit essayer de se tirer le mieux possible d’une tâche qui est bien  souvent mauvaise en elle-même. Il faut apprendre à simplifier sans déformer, garder les à-côtés qui nuancent la réalité mais pas trop pour ne pas s’écarter du sujet.

    Tâche ardue s’il en est… Restituer la vérité, non pas toute la vérité ce qui est incompatible avec la brièveté, mais restituer la vérité au mieux ; ceci est considérablement « plus meilleur » que les approximations qui sont monnaie courante dans le monde actuel.

    L’accès au savoir  et à l’information pour tous ? La question est : quel savoir ? quelle information ?

  • Histoire de sous

    Histoire de sous mais pas de gros sous. Juste des expressions comportant le mot SOU pour Geneviève qui se disait que l’expression « il lui manque dix neuf sous pour faire un franc » était une expression oubliée.

    Oui désuète, oubliée par beaucoup de monde, mais pas par tout le monde. Ma grand-mère l’utilisait et j’ai continué à le faire avec mes enfants qui ne connaissent peut-être pas le « pourquoi » de l’expression.

    Sur son blog (Le blog de Magitte), Geneviève écrit : « Expression courante dans ma jeunesse, alors qu’un franc représentait 20 sous ! Quand il vous manquait 19 sous sur 20 sous, vous étiez vraiment démuni ! »

    Elle se demande aussi de quand date cette expression. Alors si quelqu’un le sait, qu’il nous le fasse savoir.

    Moi je lui ai promis de lui faire une liste des expressions parlant de sous. Si vous en avez d’autres, je prends. En avant !

    Une pièce de vingt sous, c’est un gros sou, puisque justement c’est un franc !

    Ne pas avoir un sou vaillant, c’est être sans le sou !

    Se faire des sous, c’est en gagner.

    Ne pas avoir un sou en poche, c’est être  démuni, ne pas avoir d’argent sur soi, pas pauvre, pas comme Job, mais démuni à un moment donné.

    S’ennuyer à cent sous de l’heure, aujourd’hui on dit plutôt se faire ch….

    Etre près de ses sous, c’est être ladre et se dire qu’ »Un sou c’est un sou« . Pas de risque pour celui-là de Manger ses quatre sous, parce qu’il a toujours peur de ne pas en avoir assez celui qui construit son magot sou à sou, le compte et le recompte sou par sou. Il économise tant qu’ on lui donnerait cent sous en le voyant. Ce qu’il achète souvent ça vaut trois francs six sous (pas cher), et même si c’est Un objet de quatre sous (toujours pas cher), que ça ne vaut pas un sou, (c’est de mauvaise qualité), c’est toujours un sou de trop. J’aurais pu dire que ce qu’il achète c’est souvent de la camelote, toujours pour économiser, il ne veut pas lâcher  un « fifrelin » une autre façon de dire un sou. Même le savon lui parait cher, alors il est rarement propre comme un sou neuf. Ce dont il a besoin, il essaie de l’obtenir sans débourser un sou

    Ne pas avoir deux sous de jugeote, c’est être un peu stupide, être irréfléchi.

    Pas ambigu pour un sou, signifie sans aucun doute

    Pas fier pour un sou : pas prétentieux, l’opposé de celui qui n’est pas modeste pour un sou.

    Pas vaillant pour un sou, cet homme là, soit il n’est pas courageux pour un sou, soit il est paresseux, mais il n’est pas interdit de cumuler et d’être un pleutre fainéant. L’homme idéal, non ?

    Le sou du franc, cette expression très désuète correspond au bakchich actuel, c’était la remise ordinairement accordée jadis par les fournisseurs aux domestiques qui faisaient les courses pour leurs employeurs. Cette remise  était d’un vingtième (soit 5% actuels) : le sou du franc (retour au début du texte).

    Et des sous, on en parle encore  au Canada : les sous sont les centimes du dollar (dollar = piastre pour les Québécois).

    En France, dans les casinos, il y a des machines à sous. Même si on y met des dollars ou des euros, ces machines restent des machines à sous qu’on appelle aussi « bandits manchots ». Si vous en voyez, faites un détour, c’est plus sûr pour garder ses sous.

  • N’y a-t-il pas un scandale à dénoncer ?

    Epidémie de chikungunya à la Réunion : 2005-2006

    Le chikungunya (en abrégé le chik) , est une maladie infectieuse tropicale,  transmise par des moustiques du genre Aedes. Le nom est d’origine africaine : chikungunya en français « maladie de l’homme courbé » car elle occasionne de très fortes douleurs  articulaires associées à une raideur, ce qui donne aux patients infectés une attitude courbée très caractéristique.

    Le chikungunya n’est pas une maladie nouvelle. Le virus a été isolé pour la première fois en 1952-1953 lors d’une épidémie de fièvrequi sévissait sur le plateau du Makonde au Tanganyika (actuelle Tanzanie).

    En janvier 2005,  le chikungunya s’est invité à La Réunion.

    Nous connaissons aujourd’hui la suite des événements : fièvres, souffrances, invalidités passagères et/ou permanentes et quelques décès. Nous nous souvenons aussi que dans un premier temps, les autorités sanitaires et politiques nous ont pris pour des rigolos, douillets avec une propension à la victimisation. Pourquoi écouter ces quelques (sous) citoyens lointains (700 000 et quelques) ?

    On a nié notre parole et notre souffrance : « Il n’y a rien de tel dans les publications médicales ». Ce n’est pas écrit, ça n’existe pas. Vous affabulez. Qui a rappelé l’existence de cette maladie et de ses symptômes ? Quand ? Je ne me souviens pas.

    Face à l’ampleur prise par l’épidémie, les services de santé ont tenté de nous rassurer en nous prenant toutefois  pour des débiles : l’épidémie devait cesser devant les rigueurs  de l’hiver austral, et même « les moustiques aedes albopictus ne piquent pas dans les maisons », disait un certain directeur de la santé, Antoine Perrin, muté ensuite en Lorraine puis au Ministère de la santé (comme quoi le principe de Peters n’est pas une légende : un employé ne restera dans aucun des postes où il est compétent puisqu’il sera promu à des niveaux hiérarchiques supérieurs, ce qui signifie qu’avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d’en assumer la responsabilité).

    Le 10 novembre 2005, la sénatrice de la Réunion Gélita Hoarau avait alerté les autorités sur la « véritable catastrophe  sanitaire qui ravage l’île ». Elle avait obtenu du ministère de la santé une enveloppe de 52 000 euros (à rapprocher des millions pour la Côte d’Ivoire) et l’envoi de 20 personnes pour la démoustication.

    Je ne ferai pas liste de toutes les sornettes énoncées à l’opinion réunionnaise. Tout et son contraire ont été affirmés.

    Même si le moustique n’entre pas dans les maisons, il faut équiper son lit d’une moustiquaire et ses portes et fenêtres de grillages fins, style passoire ou tamis, d’après ce même monsieur Perrin. C’est idiot si les moustiques ne rentrent pas, non ? Les donneurs de conseils étaient-ils commissionnés par les fournisseurs de voilages protecteurs ?

    L’aedes albopictus est un moustique urbain. Ce sont ces foutus citadins qui les élèvent dans leurs pots de fleurs et leurs jardins.  Il n’y en a pas dans les ravines  et dans les champs  (c’est pourquoi on ne démoustiquait plus ?)

    Puis l’armée est arrivée : drôle de guerre ! L’armée affectée à la démoustication des ravines. Ca faisait un peu, beaucoup guerre bactériologique. Et ce n’était pas faux de le penser. L’emploi abondant d’un pesticide, le Fénitrothion, était insensé.

    Ce pesticide est si dangereux qu’il est interdit dans les zones habitées ainsi qu’à leur périphérie. Il n’est pas agréé par le ministère de l’Agriculture. Il a été définitivement interdit par l’Union européenne le 1er septembre 2006.

    Globalement, le Fenitrothion est classé comme nocif, dangereux pour l’environnement, nocif en cas d’ingestion,  très toxique pour les organismes aquatiques et dans le cas présent, pour les larves de moustiques (heureusement). Il peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement. On comprend mieux pourquoi maintenant nombre d’élèves, d’employés… ont fait part de maux de tête aigus suite à des campagnes de démoustication.

    On a aspergé La Réunion de cet insecticide entre 2 et 5 heures du matin. « C’est sans danger, mais rentrez chez vous, calfeutrez-vous, mettez vos provisions à l’abri ainsi que vos animaux et, 15 jours durant, évitez de mangez les fruits et légumes de votre jardin ».  Ben pourquoi ? Si c’est sans danger…

    Ce n’est pas ce qu’ont dû penser mes poissons en rendant leur dernier soupir (au fait, ça soupire un poisson ?) En effet, un matin, je les ai retrouvés, tous, le ventre en l’air : carpes koï, comètes, bonnets rouges…  Il fallait protéger ses animaux (chats et chiens à l’intérieur). Pour les bassins avec poissons, il fallait les recouvrir. C’est ce que j’ai fait à chaque fois que j’ai été prévenue du passage des hommes en blanc. Compte tenu de la saison des pluies, ils passaient quand il ne pleuvait pas et sans prévenir alors…

    Ces aspersions massives et systématiques étaient inefficaces puisqu’elles doivent avoir lieu lorsque le moustique est en train de chasser, soit dans la journée (entre le lever et le coucher du soleil), or les aspersions avaient lieu la nuit.

    Par contre, outre mes poissons, ceux de mes voisins, leurs tortues, les guêpes (je ne les pleure pas), les  abeilles (et là, c’est inquiétant quand on sait ce qu’il adviendra de nous quand elles n’existeront plus), les endormis (lézards) et bon nombre d’oiseaux sont morts. Les moustiques ? Rien n’est moins sûr.

    On est en droit de se demander désormais ce que sont devenues toutes ces quantités d’insecticides pulvérisées. On sait que les produits qui résultent de la dégradation du Fenitrothion sont 10 fois plus toxiques que le produit initial. Combien en retrouvera t-on dans les milieux aquatiques réunionnais, dans le sous-sol, dans les plantes, les fruits, les légumes, pendant combien de temps ?

    Grâce aux journaux, aux radios et aux télévisions locales, et grâce à quelques maires et députés, le Fénitrothion a finalement été abandonné et remplacé par un bio-insecticide : le Bti (Bacillus thuringiensis israelensis).

    Comme je suis une incorrigible lucide, tendance pessimiste diront certains  (je passais pour une folle en avril 1986 quand j’ai dit « pas vrai, les nuages de Tchernobyl ont passé les frontières »), je me dis, depuis cinq ans, que les aspersions ont cessé quand les stocks ont été épuisés. Il ne faut pas oublier que les stocks de Fénitrothion devaient être détruits à partir de septembre 2006 dans la communauté européenne. Or détruire ce type de poisons est difficile et surtout coûteux.

    Quelle aubaine que de trouver un territoire où s’en débarrasser ! Mais personne ne le dit. Si quelqu’un m’explique comment on peut se battre…

    On finira bien par voir qu’on nous a empoisonnés.

    Des vies contre des euros ? Encore une fois l’intérêt financier prime.

  • Ciel de Saint Denis de la Réunion

    Le 2 mai 2011, à 8 heures du matin, voilà la couleur du ciel au dessus de chez moi.

    Le ciel est, par-dessus le toit,
    Si bleu, si calme !
    Un arbre, par-dessus le toit,
    Berce sa palme.

    Paul Verlaine

  • Bienvenue à la Réunion : chikungunya en musique !

    Lundi matin, commençons la semaine en musique.

    Couleurs locales pour deux sur trois des chansons. La première est une création métropolitaine ; je constate que ce n’est pas charitable de rire du malheur d’autrui. Si ça avait été vous…

    L’île de la Réunion est située dans l’océan Indien. Son climat tropical est propice au développement des moustiques et certains de ceux qui sont présents dans l’île peuvent transmettre des maladies, notamment la dengue, le chikungunya et le paludisme.

    Allez, cliquez sur le mot « chikungunya »en couleur et une jolie parodie de chanson ; en avant !

    L’île a été touchée par une épidémie de dengue en 2004 et de chikungunya en 2005-2006. On en garde un souvenir douloureux. (Pas moi ; en créole, je dis  » Moin la pa gagné »).

    Actuellement, il n’y a pas d’épidémie de chikungunya à la Réunion.

    Le paludisme a été éradiqué en 1979. Les cas constatés (une centaine par an) sont des cas importés, c’est-à-dire que les personnes ont contracté la maladie en dehors de la Réunion et l’ont gentiment rapportée.

    Quelques cas de dengue sont constatés de façon sporadique.

    Juste une remarque cependant, il n’y a jamais eu autant de moustiques qu’en ce moment. Alors je me pose des questions. Et si ça recommence, on fait quoi ? Les vendeurs de produits anti-moustiques ont fait du marché noir en 2006. Produits rares donc chers. Merci  qui ?  Nombreux coupables : la DDAS qui ne démoustiquait plus, ou les mairies, le département, la région, les pharmaciens, le gouvernement mais aussi les Réunionnais, les touristes. Oui, il faut être solidaires et prévoyants. Surtout ne jamais écouter tous ceux qui veulent nous endormir.

    Il n’empêche que ça a permis des créations : emplois de démoustiqueurs de jour et de nuit, inspiration de musiciens et chanteurs, modèles uniques de t shirts…

    Le ragga, style musical local. A la Réunion, on est créatif et la musique créole évolue.

    Qu’il y ait ou non des épidémies en cours, tout voyageur (et tout résident) doit impérativement se protéger des piqûres de moustiques ailleurs et ici.

    Et comme en France, tout finit par des chansons, regardez donc un jeune homme qui a trouvé un remède anti-douleur : le rhum.

    Sa même la Réunion !

  • Un brin de muguet pas comme les autres…

    Offrir du muguet est une tradition bien ancrée dans le coeur des Français. Ce n’est pas aujourd’hui que ça va changer, malgré la crise !

    Ce petit brin, très apprécié pour son délicat parfum, sa forme rigolote et ses vertus porte-bonheur, est toujours échangé par des millions de personnes le 1er mai… Sans parler des brins de muguet virtuel qui s’envoient aux quatre coins du monde !

    Aujourd’hui, les choses évoluent. Tant, qu’on peut retrouver notre cher muguet sous de nombreuses formes… Parfums, gourmandises, bijoux et même objets déco, découvrez vos petites clochettes comme vous ne les avez jamais vues !

    Je vous laisse choisir ce que vous auriez préféré recevoir.

    Image : Parfums muguet 

    1. Bougie « premier jour de Mai », Synopsis,
    2. Encens japonais Florence Fresh Muguet, Zen Avenue,
    3. Eau de toilette « Le Muguet », Annick Goutal,

    IMAGE : Bijoux muguet 

    4. Boucles d’oreilles « Muguet », Cécile Boccara,
    5. Boucles d’oreilles « Lily » en argent, Créations Chic,
    6. Boucles d’oreille « Muguet » or/ivoire végétal, Emmanuelle Hamet,
    7. Collier « Zalie Smagghe », Zaoline,

    IMAGE  :Gourmandises muguet 

    8. Composition « Muguet Gourmand », BeBloom,
    9. Feuille de muguet en chocolat, Cerf Dellier,
    10. Macaron parfum muguet, Ladurée,

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  • Le créole à l’école ? Non pas de kreol a l’ekol !

    « Nana encore pailles en queue, mais lé un vrai misère, nana beaucoup moins que dans le temps lontan à cause ban’ monde la construit trop d’zaffaires, la mette grillages sur la falaise, zoizo y gagne pi nicher comme avant. »

    Ma tentative de « parler créole à l’écrit » se heurte à la graphie ; « mon zyé, mon tête ac mon dwa i konné pa vrémen komen i fo ékrir ».  Oui je vous écrirais bien en créole, mais comment ?

    C’est une langue parlée pas écrite, n’en déplaise à certains intellectuels qui ont trouvé de quoi  briller à peu de frais et se constituer une rente. « Intellectuels » métropolitains organisant dictionnaire, graphie créole. Je rêve, je cauchemarde plutôt… Une chose est certaine, je m’énerve et je ne dois pas être la seule.  Je vais essayer d’expliquer la situation le plus objectivement possible.

    Je commence donc par ce qui me gêne le plus et qui m’amène à écrire cet article : le créole et pire, Lékritir Kréol.

    Je le dis (et je le répète) le créole est une langue de tradition orale !

    L’écriture créole « Lékritir Kréol » est une graphie phonétique du créole réunionnais, inventée à la Réunion en 1977 par un collectif d’intellectuels désireux de défendre l’identité réunionnaise et baptisée « Lékritir-77 ». Peu utilisée, car trop compliquée  (des k, kw…) pour écrire une langue dont les mots sont d’origine française, elle est presque totalement abandonnée à l’heure actuelle, remplacée par la graphie 83, puis par la graphie 2001. Pas clair pour le commun des mortels !

    Exemple d’écriture 77 extrait du livre « La Réunion humoristique » (éditions Jacaranda)

    « Mwin mi koné pa si zot y compran sat mi diazot. Sa sé l’ékritir 77. E si ou lé pa kontat, pren konstan ! Si bann touris i rod somin sinpir, di a zot na in vil i apèl Saint-Pierre mé lé ékri si pankart in lot fason… » Traduction : « moi, je ne sais pas si vous comprenez ce que je vous dis. Ca, c’est l’écriture 77. Et si vous n’êtes pas contents, « pren konstan » (traduit : c’est pareil ?). Si les touristes cherchent le chemin pour Saint Pierre, dites-leur qu’il y a bien une ville qui s’appelle Saint Pierre mais sur les pancartes, c’est écrit d’une autre manière ».

    Note : « pren konstan » ; personne autour de moi ne connaît cette expression.

    Photo prise près de chez moi par le journal local « Le Quotidien de la Réunion ».

    A Saint Denis de la Réunion, en 2011, le maire a fait mettre de nouveaux panneaux qui, vous vous en doutez, n’ont pas fait l’unanimité. « Mi dis à ou, l’argent n’en a, alors y faut dépenser ! » Si ce n’est pas gaspiller l’argent public, ça ! Pas de quoi acheter les fournitures scolaires des enfants des écoles de la commune, mais « faire couillonnises », c’est possible ! « N’a point rien pour faire, donc ? »

    Graphies 77, 83, ou 2001 : « Finalement personne y connaît comment y faut écrire vraiment. » Moi, j’ai tendance à dire « comme en français, seule la syntaxe change ! » Graphie créole « endictionnarisée », masturbation intellectuelle de gens qui s’ennuient et qui ont trouvé une poule aux œufs d’or. Il y a des commissions et des « machins » pour réfléchir à la langue créole, oui, oui, et on les paie pour ça ! Il y a des tas d’autres choses à faire, non ?

    Bon, mais la langue créole, c’est quoi au juste ?

    Je le dis fermement : « Une adaptation orale régionale de la langue française. »

    Bien qu’issues d’une base commune : le français, les langues créoles sont devenues incompréhensibles entre elles : un Réunionnais ne comprend pas bien un Mauricien et encore moins un Martiniquais ou un Guadeloupéen.

    L’isolement causé par l’insularité explique la distance prise avec la langue française, qui a (elle aussi) évolué en métropole depuis le XVIIe siècle, sans compter, dans les îles, l’apport des langues étrangères : mots en provenance de Madagascar (pour la Réunion), d’Asie (Chine ou Inde), d’Afrique ou d’Amérique du Sud pour les Antilles.

    Le créole de la Réunion est un développement autonome de la langue rurale et  maritime des régions ouest de la France du XVIIe siècle : breton ou angevin qui ont laissé leurs noms aux familles et aux lieux-dits : familles Lebreton, Langevin ou Hoareau. Les Français qui s’établissaient à la Réunion étaient pour la plupart illettrés, marins, charpentiers le plus souvent, quelquefois paysans, de condition sociale proche de celle des groupes ethniques avec lesquels ils entraient en relation : vocabulaire limité au nécessaire. En peu  de générations, leur langage s’est « créolisé » accentuant l’écart entre la langue des nantis, lettrés (?) des classes dirigeantes et celle du reste de la population, longtemps maintenue dans l’ignorance, l’obscurantisme, voire même en état de servilité pendant la période coloniale.

    Le peu de considération de la langue créole, qualifiée de « vulgaire patois » ou de « méchant dialecte » par la culture dominante, le manque de considération pour ce langage méprisé impliquait une honte pour ceux qui le parlaient : les inférieurs. Toutefois, le créole était la langue de communication de tous les nouveaux arrivants : ciment de la population ! C’était la seule langue comprise et utilisée par tous, adaptée selon les besoins.

    Le créole s’est naturellement répandu dans toute l’île avec de nombreuses variantes locales. Aujourd’hui, les variantes évoluent encore différemment selon qu’on est en ville ou dans les écarts.

    Les accents et les mots varient d’un coin à un autre de la Réunion et on distingue : le créole des Bas, des Hauts, de Saint Denis, des cirques, des Cafres, des Malbars ou des petits blancs sans compter que le créole se francise et le français continue à se créoliser, mais n’est-ce pas le propre d’une langue vivante que d’évoluer ? Si l’on ajoute les effets conjugués de la télévision et d’internet, le créole n’a pas fini de changer. Tant mieux ! Il n’y a que les morts qui ne changent plus. Les langues comme le grec, latin ou d’autres encore que je ne connais pas, n’ont que des dictionnaires et de rares livres pour les faire connaître. Les créoles ont la musique : n’est-ce pas ce qu’il y a de plus vivant ? et la rue, la vie quotidienne, la COUR de l’école…

    La langue française est à la Réunion, comme dans tous les départements français, la langue officielle. Elle est donc aussi celle de l’enseignement.

    Si certains élèves, défavorisés par leurs origines, ignorent en entrant à l’école tout ou partie de la langue dont ils sont censés acquérir la maîtrise, il faut les aider à franchir ce cap difficile. Accueillir en créole mais enseigner en français pour ne pas laisser la population en situation d’isolement : la créolophonie borne l’horizon aux frontières de l’île. Il faut aujourd’hui maîtriser la langue officielle : le français et, en plus, une langue internationale reconnue comme telle : l’anglais..

    Si, depuis novembre 2000, le créole réunionnais a acquis officiellement le statut de langue régionale, à ce titre son enseignement est proposé en option dans les établissements scolaires de l’île, il n’en reste pas moins vrai que la graphie de cette langue est contestée et contestable. Quels enseignants et pour quelle langue ?.

    Un concours de professeur des écoles «spécifique» a récemment été créé pour former les enseignants du primaire et pour ceux du secondaire, un CAPES de créole. La première session a eu lieu en juin 2002. Ce CAPES créole ne prend pas en compte la diversité des créoles parlés à la Réunion et dans les autres DOM, il est loin donc de faire l’unanimité. Et qui réussit le concours ?

    Face à un analphabétisme qui ne régresse pas et face à des jeunes qui ne ressentent ni la nécessité, ni l’envie de s’exprimer en français, pour de multiples raisons dont le désespoir : pas de travail… cette maîtrise de la langue française orale et écrite est redevenue aujourd’hui la priorité de l’école. Le phénomène ne touche pas que la Réunion, il touche aussi la métropole avec les « dialectes » qui ont aujourd’hui cours dans les banlieues. Comment unifier la France, en faire véritablement un état laïc et uni si ce n’est par l’utilisation d’une langue commune. Il ne s’agit pas de nier ce qui existe depuis plus ou moins longtemps, mais il faut que les régionalismes, particularismes, clanismes et autres distinctions restent ce qu’ils sont : des coutumes ou des langues vivantes en parallèle. Il n’y a aucune nécessité à codifier et surtout à officialiser les « dérives ».

    Le traité de Villers-Cotterêts (août 1549) signé par François I° visait à unifier le pays ni plus ni moins : tenue d’un état civil et utilisation d’une langue commune officielle dans laquelle tous les actes devaient être rédigés.

    Grâce à ces lois, la vie publique du pays était  liée à l’emploi scrupuleux du français, ignorant superbement les particularismes locaux.

    Le manifeste du groupe qu’on appellera plus tard la « Pléiade » proclame, dix ans après l’ordonnance de Villers-Cotterêts, l’excellence et la prééminence du français en matière de poésie. L’attachement résolu à la langue française répond à des exigences politique, juridique et littéraire. C’est cette même exigence qui a conduit Richelieu à décider de la création de l’Académie française en 1635 pour « donner à l’unité du royaume forgée par la politique une langue et un style qui la symbolisent et la cimentent ».

    En matière de langage, l’incitation, la régulation et l’exemple sont des armes bien plus efficaces que l’intervention autoritaire (l’exemple, oui… alors là avec ce qu’on entend à la télévision ou à la radio, on peut se faire du souci).

    Les perfectionnements apportés à la langue par l’Académie et les grammairiens, l’influence non négligeable des populations protestantes émigrées, font que le français a débordé rapidement, aux XVIIe et XVIIIe siècles, le cadre de la nation. Le français est la langue de l’aristocratie et des personnes cultivées dans tout le Nord de l’Europe, en Allemagne, en Pologne, en Russie… C’est aussi la langue de la diplomatie. Tous les grands traités sont rédigés en français, alors qu’ils l’étaient auparavant en latin. L’empire de la langue française dépasse largement l’empire politique et économique de la France. Heureuse époque, désespérément  révolue Et pourtant nous avons une langue « si sexy, si romantique »… Que sont devenues les journées de la francophonie ? J’ai l’impression qu’elles font moins recettes. Il y a d’autres priorités : « top-model » de la langue française, les télé-réalités. Misère, misère…

    Toutes les provinces de France ont usé dans la vie quotidienne, jusqu’au début du XXe siècle, de langues plus ou moins éloignées du français de Paris, mais l’attrait qu’exerçait le pouvoir central sur les élites locales et la pression exercée sur les enfants du peuple par les instituteurs de l’école laïque (les hussards noirs de la république) encourageait l’usage de la langue officielle. Force de persuasion de ces fonctionnaires zélés !

    Ma grand-mère me racontait les séances, où agenouillées sur des épingles, la « bonne sœur » (pas d’instituteur ; école religieuse en Maurienne en 1908 ou 10) leur inculquait les règles de grammaire. De vieilles personnes se souviennent aussi de l’histoire du bâton que le maître mettait le matin entre les mains du premier enfant surpris à «parler patois» (savoyard, dauphinois, breton, alsacien, basque, flamand, corse, picard, ou provençal : l’occitan qui a pourtant des écrits pour l’officialiser). Le porteur du bâton devait veiller à (s’en débarrasser au plus vite) donner le bâton au premier camarade qu’il surprendrait lui-même à «parler patois». À la fin de la journée, le dernier porteur de bâton était puni. Ce procédé s’est révélé très efficace pour faire de la langue française le patrimoine commun et le principal facteur d’unité du peuple français.

    Pas besoin d’en revenir là mais il faut maîtriser correctement la langue nationale, ciment de la patrie. Laisser les dialectes, patois ou langue créole dans la cour de l’école, la vie quotidienne, familiale, amicale.

    Pour moi, le créole est une langue de l’amitié, de la sympathie, de l’amour. Laissons la libre !