Tous ceux qui viennent en vacances à la Réunion, tous les exilés créoles, où qu’ils soient, pensent avec émotion aux plaisirs de la table créole. Quand on parle « manzé », le plat qui est cité le plus souvent est le :
ROUGAIL SAUCISSES

Je ne vais pas écrire à nouveau ce qui existe déjà : la recette du rougail saucisses, je vous donne quelques adresses pour connaître la cuisine créole et je vous donnerai des recettes plus personnelles. Je commence par le site où j’ai emprunté la photo et la recette ci-dessous. http://www.goutanou.re/recettes-plats.html
Ceux ou plutôt celles qui cuisinent régulièrement savent qu’on s’adapte pour remplir les marmites et qu’on fait avec ce que l’on a sous la main d’où les variantes entre les recettes. La cuisine créole est familiale, avec ses trucs, ses secrets de famille donc les recettes portant le même nom sont différentes d’une famille à l’autre ; de là, quelques discussions animées sur le carry. « Carri poulet, ça lé un gro sizé diskission » : y mète tomates dedans ou y mète pas ? A moin mi mète, y parait ça l’est rougail, ça lé pas carri ». Euh, excusez-moi quand un sujet me tient à coeur, avec mes amis, j’ai tendance à parler créole. Cliquez ICI vous pourrez lire mon article sur la langue créole.
Je reviens à la cuisine créole et je laisse le « carri poulet » pour choisir le rougail saucisse, recette plébiscitée par tous. Voilà une recette classique, issue de http://www.goutanou.re/recettes-plats.html, et à laquelle je n’ai pas changé la moindre virgule (du copié-collé pur, en italiques).
Proportions pour une grande famille (à adapter selon votre appétit et le nombre d’invités)
Saucisses fumées 1,6 kg
Huile 5 cl
Oignons 300 gr
Tomates 300 grs
Piments verts selon goût
Le rougail saucisses, ce sont des saucisses fumées, blanchies et rissolées ; cuites dans une sauce à base d’oignons, de tomates et de piment vert.
PRÉPARER LES SAUCISSES
Blanchir (dessaler) en démarrant à l’eau froide en une ou deux fois. Rissoler légèrement et piquer les saucisses (attention aux projections) et dégraisser si nécessaire. Couper les saucisses en petits morceaux (1 cm d’épaisseur) Faire roussir les oignons émincés finement et ajouter les morceaux de saucisses. Ajouter le piment vert et laisser suer. Ajouter la tomate bien mûre concassée finement et laisser cuire à couvert et à feu doux. La garniture doit être bien cuite et la sauce obtenue très courte et pas grasse.
Pour tout dire, j’ajoute avec les tomates une petite cuillère à café de curcuma, poudre jaune qui vient de la plaine des Grègues, voir l’article d’hier et l’article « Curcuma » de Wikipedia en cliquant LA.
Vous voilà au coeur de la cuisine réunionnaise d’aujourd’hui. Oui, aujourd’hui. Ici, comme ailleurs, on se plaint des prix (trop élevés), du goût des produits qui disparaît, mais on a oublié que les vieux créoles ne mangeaient souvent qu’un « gazon d’riz avec un tit pé d’brèdes » (un peu de riz avec des légumes feuilles vertes). Aujourd’hui viandes, poissons, oeufs sont présents quotidiennement, riz en plus grande quantité, accompagné quelquefois de pain, sans compter que l’huile n’est pas rationnée… Aujourd’hui, on mange plus, pas forcément mieux ; la cuisine change, s’adapte comme elle l’a toujours fait.
La cuisine créole est issue d’un long métissage, au fur et à mesure des arrivées d’immigrants, enchaînés ou libres, des mariages entre communautés : chinoise, tamoule, cafre, zarabe, zoreille. Sans parler des périodes noires, les guerres mondiales, du système D et de la solidarité qui a existé, avant, jadis… Pendant les guerres, la colonie n’était pas approvisionnée : pas de médicaments, pas de farine de blé, pas de… tout. Les Réunionnais se sont débrouillés avec ce qui poussait sur place, innovant, échangeant ; ils se sont montrés créatifs, utilisant les connaissances des uns et des autres. Des liens plus forts se sont créés et l’on sait que le « malbar » ne mange pas de boeuf, le « zarabe » pas de porc, qu’il y a carême hindou ou chrétien, ramadam musulman, et quelques traditions et interdits plus ou moins familiaux dont on ne connait pas les origines. Jusqu’à présent, nous avons réussi à manger tous ensemble : les carris, les rougails, les ragoûts, les sautés, les plats végétariens… Tous nos plats sont souvent des modèles d’équilibre alimentaire et à eux seuls une belle leçon de tolérance.
La Réunion « le goût, oté ! »
Réunion, mi aime à ou.
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