Il y a longtemps que je voulais écrire ce billet.
Morgane, ma petite fille est née le 28 juillet.
Morgane, c’est un prénom que ses parents ont choisi.
J’aime bien mais Morgan, sans e final, c’est la voiture (que j’aime beaucoup aussi)
et le capitaine Morgan, pas très recommandable. 


Sir Henry Morgan, anobli à la fin de sa vie, était un selon les moments, flibustier, pirate, boucanier ou corsaire.
Pas très net mais c’est le milieu qui veut ça.
Autour de ce Morgan là, rhum et femmes…
Morgane avec le e final, c’est une fée, pas la plus connue, même si son nom a été chanté par Renaud « je suis morgane de toi ». .
La fille de Renaud s’appelle Lola, j’ai cru que cette expression était une invention de Renaud lui-même. Il est capable de beaucoup de choses, vous souvenez-vous de l’agrammaticalité de sa chanson « Dès que le vent soufflera » (clic ICI pour écouter celle-là aussi)
Je repartira
Dès que les vents tourneront
Nous nous en allerons »
Or, il semble que Renaud n’est pas le créateur de l’expression. Savez-vous ce que signifie « être morgane de… » ?
Morganer, c’est mordre en argot. On le retrouve dans le dictionnaire d’argot de Raspail en 1835, ce n’est donc pas une invention de Renaud. Il a pris le sens d’ apercevoir et, au participe passé, «être morgané», c’est « être mordu» (dictionnaire de l’argot de 1910, Esnault) dans le sens «être amoureux ».
Donc, a priori, «morgane de toi» équivaut à être «mordu de toi», soit être fou de … lui, sa fille en l’occurrence. Je ne dirai pas la même chose, mais l’amour que l’on porte à ses petits-enfants est… différent de ce qu’on a connu avant. Autre, spécial, tranquille…
Revenons à, notre fée, qui est-elle ? Morgane est la reine d’Avalon.
Fille du roi de Cornouailles et d’Ygraine, à la mort de son père Gorlois, duc de Cournouailles, Morgane fut élevée par son beau-père Uter Pendragon (père du roi Arthur) qui avait tué Gorlois puis épousé Ygraine. (C’est un peu la même histoire que celle d’Antigone ; Hamlet aussi il me semble. Ah, les histoires de famille !)
Elle fut instruite très tôt et devint habile en diverses sciences : la médecine, l’astronomie, la magie enseignée par Merlin L’Enchanteur… Elle possède des baumes pour toutes les blessures sauf celles infligées à son coeur. Pour cette maîtrise des remèdes, on l’appelait Morgane la Fée. Célèbre figure des légendes celtes, magicienne à deux visages, l’un bon, l’autre mauvais, sorcière habile, au rôle quelquefois obscur, elle est déesse hivernale des ténèbres et de la mort, opposée à Arthur, seigneur de l’été, dont elle gardera la dépouille mortuaire en qualité de guérisseuse et reine d’Avalon.
Uther Pendragon lui a fait épouser Urien qu’elle n’aime pas. On lui prêtera (à tort ou à raison) plusieurs amants ; pour cette raison, elle sera bannie de la cour par Guenièvre. Néanmoins, cette dernière n’étant pas un modèle de fidélité, Morgane cherchera à se venger en la prenant en défaut, par exemple en portant à la cour une coupe magique qui révèle l’infidélité de la reine Guenièvre.
Dans les premiers textes où apparaît la fée Morgane, son rôle est positif : elle guérit son frère ainsi qu’Yvain et Lancelot. Mais elle est victime du destin : demi-soeur par alliance, du roi Arthur, elle devient sa maîtresse lors d’une cérémonie païenne. Le rite consistait à réunir la Déesse Mère (la Lune) et le Dieu Cornu par le biais de deux jeunes gens représentant chacun les divinités. Arthur et Morgane, choisis, ne se reconnaissent qu’après la cérémonie. Le fruit de cette union, imposée par les coutumes, sera Mordred, celui-là même qui tuera plus tard Arthur, son père.
Ce n’est qu’à partir du XIIIe siècle que la légende fait de Morgane une méchante fée, haineuse envers Arthur et Guenièvre, hostile et séductrice vis-à-vis de Lancelot, en contrepoint de la Dame du Lac, et complice de la belle dame de Haut-Désert, recherchant la mort de Gauvain par des actes fourbes et traîtres.
Mais, Morgane est une magicienne, guérisseuse, fidèle au monde merveilleux d’Avalon qu’elle abandonnera un temps pour tenter de répandre ses principes dans le monde réel où elle découvre le Christ et ses lois. Dans cette nouvelle religion où la Déesse Mère est remplacée par une vierge, tous les rites célébrant la nature et la fécondité sont écrasés et remplacés par des rites chrétiens rendant gloires à des principes masculins ; elle est donc condamnée à disparaître face à la foi chrétienne.
Dommage, les fées étaient si humaines parfois, amoureuses, déçues, tristes, jalouses…
Sur les portraits, elle apparait grande, mince, longs cheveux brillants, noirs, souvent nattés. Son regard gai et innocent, rêveur et mélancolique est devenu au fil des épreuves désenchanté, dur, étrange, un peu halluciné comme celui de son maître Merlin. A la fois femme et savante, fée sylvestre, nymphe des vagues, sorcière et enchanteresse, c’est l’une des figures les plus riches et attachantes de la famille des fées.
Morgane est comme la mer dont elle est issue, à la fois puissante, secrète, belle, attirante, nourricière… Il faut garder d’elle l’image d’une fée malheureuse mais généreuse la plupart du temps.
Pourvu que la vie soit douce pour ma petite Morgane.


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