Les ponts de Paris (20)

Le pont au Change relie l’île de la Cité depuis le palais de Justice et la Conciergerie , à la rive droite au niveau du théâtre du Châtelet. Il se situe sur la limite entre les I° et IV° arrondissements de la ville.

L’existence d’un pont à cet emplacement est à peu près certaine, avant même la présence romaine en Gaule, il s’agissait d’un pont de bois. Vers l’an 872, sous le règne de Charles le Chauve (qui ne l’était pas), un pont fortifié en pierre fut construit et constitua, pendant plusieurs siècles, la seule traversée du bras principal de la Seine. On l’appelait  le Grand-Pont, par opposition au Petit-Pont (clic pour relire l’article) qui franchissait le petit bras du fleuve. Il résista aux envahisseurs normands mais, malgré ses piles énormes, il s’effondra dans le fleuve vaincu par les années et la nature.

Le remplaçant, érigé au XI° siècle, est à nouveau un pont de bois ; il fut baptisé « pont du Roy ». Au début du XV° siècle,  le roi Louis VII, en ordonnant que tous les changeurs de Paris (ancêtres des banquiers) s’y installent, lui conféra sa dénomination actuelle de « Pont-au-Change ». Bijoutiers et orfèvres y résidaient aussi. Le pont d’or de Paris…
L’édifice portera d’autres noms : pont à Coulons, pont aux Colombes, pont-aux-changeurs, pont aux Meuniers, pont de la Marchandise, pont aux Marchands et pont aux Oiseaux aux XVI° et XVII° siècles.

Le 22 décembre 1596, un pont parallèle, à dire vrai une simple passerelle reliant 13 moulins s’effondre : bilan, 150 morts. Le capitaine des arquebusiers et des archers de la ville reconstruit à ses frais un pont portant son nom « Marchant » et 30 à 50 maisons de deux étages ainsi que de nombreuses échoppes. Le 24 octobre 1621, un incendie  détruit de fond en comble les deux ponts : le Pont au Change et le « pont aux Colombes » ou « pont Marchant ».

Les changeurs ayant sollicité du roi l’autorisation de reconstruire l’ouvrage à leurs frais, à condition de pouvoir y édifier des maisons, satisfaction leur est donnée par un édit royal de mai 1639, le roi participant lui-même aux frais de construction sur les « deniers extraordinaires ». Ce pont, réalisé de 1639 à 1647, comportait sept arches en maçonnerie, dont six en Seine ; large de plus de trente mètres, il est alors le pont le plus large de la capitale et porte 106 boutiques surmontées de 4 étages de logements. Construit par Jean Androuet du Cerceau entre 1639 et 1647, aux frais des changeurs qui toucheront néanmoins rente et subvention royale.  Les inondations de 1651, 1658, 1668 provoqueront successivement la destruction d’une arche, la disparition d’une partie du pont, le départ des changeurs lassés, que marchands et artisans remplaceront. Les lettres patentes de 1769 cherchent à supprimer les maisons, l’édit de 1786 les fera disparaître 2 ans plus tard. Pendant la révolution le pont verra le passage du corps de Marat et l’exposition sur ses trottoirs de 300 cadavres de prisonniers exterminés au Châtelet et à la Conciergerie.

Au milieu du XIXe siècle, les contraintes de l’urbanisme Haussmannien nécessitent la reconstruction du pont qui ne correspondait plus aux alignements souhaités. Le nouveau pont, celui que nous connaissons actuellement, fut entrepris en 1858 à son nouvel emplacement et fut ouvert à la circulation le 15 août 1860. Les voûtes en maçonnerie intègrent des pierres taillées du pont précédent. Le « N » impérial de Napoléon III, sculpté par Cabat, est identique à celui du Pont Saint-Michel.

Merci à wikipedia pour cette photo.

Quelques « remarques » pour finir : avant 1855, ce quartier était le quartier des tueurs et écorcheurs de la Grande-Boucherie, les abattoirs de la ville. Sang caillé, abats de « l’écorcherie », déchets et immondices lui conféraient une odeur particulière, quelque peu pestilentielle. Ajoutez-y les hurlements des personnes torturées au Grand Châtelet ou à la Conciergerie, les odeurs de la morgue installée alors sur la pointe de l’île, celles du marché, de la poissonnerie, et vous aurez un  endroit horrible, sans doute le plus horrible de Paris !

Heureusement, tout cela a bien changé.


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