Fichus, foutus…

Fichus, foutus retraités ! Décidément les vieux dérangent. Haro sur les vieux ! Après avoir longtemps dénigré les sales jeunes fainéants, il semble que la cible privilégiée soit celle des retraités. Ils coûtent cher, ne débarrassent pas vite le plancher. D’ci peu, on les aidera peut-être à partir plus vite (revoir « Soleil vert« ). Je fais partie de la classe des baby-boomers, ceux qui arrivent à l’âge de la retraite, alors je m’inquiète.

Le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé le gel des prestations sociales jusqu’en octobre 2015. «Cette stabilité concernera les pensions du régime de retraite de base » pour 1,3 milliard d’euros ainsi que «les retraites complémentaires qui relèvent des partenaires sociaux» pour 2 milliards d’euros, a-t-il précisé. En clair, pas de hausses des retraites et pensions avant 2015 (octobre). Tout ça pour arriver à 50 milliards d’économie dans la dépense publique. Toutefois devant la grogne des députés et des citoyens dépités qui ne crient pas encore assez fort, Messieurs Sapin et Valls ont évoqué des mesures en faveur des « petites retraites ». Deux remarques ou plutôt deux questions :

1 – Qu’est-ce qu’une petite retraite ? Michel Sapin a précisé que « petit » signifiait entre 800 et 900 euros. Quand on gagne autant que certains élus, grands patrons, acteurs, « footeux » et autres nantis, 800 euros c’est bien moins que le coût d’une soirée pour eux… Alors que 1 445,38 €, c’est le SMIC brut mensuel en 2014, à peine plus de 1 000 euros mensuels nets pour vivre un mois et ce qui fait des retraites de 800 à 900 euros.  La classe des pauvres grossit bien vite en ce moment.

Certains ont suggéré d’exonérer du gel les retraités non soumis à l’impôt sur le revenu (de moins en moins nombreux depuis l’an dernier) ou dont l’impôt sur le revenu n’est pas recouvré car trop faible (la barre est à combien ? Voilà qui pourrait inciter les petits contribuables à ne pas payer). Pour compenser, pour financer ce geste, une contribution exceptionnelle sera demandée aux retraités les plus aisés (à partir de combien ? 1 500 euros ?). Voilà qui amène la deuxième question et des remarques complémentaires.

2 – Qu’est-ce que l’égalité des citoyens devant la loi ? Moi ça me paraissait simple, je pensais naïvement à l’Article 1 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen,   » les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune  » et à l’Article 6 :  » La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents « .

Sauf que… on a oublié les femmes jusqu’en 1946 (et même après pour les emplois et les salaires) et que le droit français admet depuis quelques années l’existence de mesures de discrimination positives, « une différenciation juridique de traitement, créée à titre temporaire » qui a pour but de favoriser une catégorie déterminée de personnes physiques ou morales (sexe, âge, handicap ou localisation géographique…)  au détriment d’une autre afin de compenser une inégalité de fait préexistante entre elles.

Voilà comment créer des « privilèges », rétablir l’inégalité, ce qui ramène une fois de plus aux abattements d’impôts (abattement, déduction, réduction et crédit d’impôt), des privilèges réservés à certains, façon inventaire à la Prévert : les ouvrières de la bonneterie dans la région de Ganges exonérées de 5% supplémentaires, 5% aussi pour les ouvriers du cartonnage de la région de Nantua, les limeurs de cadres de bicyclettes du département de la Loire ont droit à 15%, les tisseurs non propriétaires de leur métier (40% dans les départements de l’Ain, de l’Ardèche, de la Drôme, du Gard, de la Haute-Loire, de la Haute-Savoie, de l’Isère, de la Loire, du Puy-de-Dôme, du Rhône, de la Savoie, de la Saône-et-Loire et du Vaucluse) ; ainsi 110 professions bénéficiaient d’un avantage supplémentaire, dont les journalistes qui profitaient d’une déduction supplémentaire de 30% mais en 1996, au nom d’une vaste réforme sur l’impôt sur le revenu, le gouvernement Juppé a tiré un trait sur toutes ces « niches fiscales » «devenues sans rapport avec la réalité des frais professionnels supportés par les intéressés et qui ont donc perdu toute justification» sauf qu’une seule profession va se plaindre et se faire entendre : les journalistes. Comme les journalistes ont nettement plus de moyens de pression que les ouvriers du cartonnage de la région de Nantua, ils ont gardé leur privilège. 

Et si pour arriver à 50 milliards d’économie dans la dépense publique, on rétablissait vraiment l’égalité et que l’on rémunérait chacun selon son mérite ?

Au fait, pourquoi pas toujours de taxe sur les œuvres d’art ? Les plus riches en sont pourvus et peuvent cacher, conserver leur fortune ainsi. Nous, nous sommes taxés sur le plus petit logement dont nous avons pu devenir propriétaire. Deux poids, deux mesures mais nous avons élu des « rupins », des fils à papa  pour la plupart.

Pourquoi des logements de fonction à certains, sans déclaration en avantages sociaux ? Quelquefois prestigieux ces logements ! Des véhicules de fonction en grand nombre et parfois de luxe ? Pourquoi les frais de bouche et même les frais de garde d’enfants ? Pourquoi le cumul de salaires, d’indemnités multiples avec quelquefois des traitements de fonctionnaires ? Pourquoi ces primes de cabinets des ministres ? (Au total, le cumul des enveloppes accordées aux 21 ministres au titre des ISP 2012 s’élève à plus de 20 millions d’euros.) Pourquoi les employés du Sénat ont-ils droit à une prime de nuit qu’ils touchent même s’ils ne travaillent que de jour ? Tous les employés : huissiers à chaîne, jardiniers, rédacteurs des comptes rendus de séance ou de commission, surveillants du jardin, administrateurs, agents d’accueil, secrétaires généraux, directeurs divers et variés, bibliothécaires, lingères, même les chauffeurs ; quand ils travaillent de nuit, en plus, ils récupèrent les heures (d’après « Le Sénat. Enquête sur les super-privilégiés de la République », Editions du Rocher).

Et si nous cessions de payer pour Giscard, Chirac et Sarkozy ? Exception très française. Selon la loi du 3 avril 1955, Valéry Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy, mais aussi Jacques Chirac bénéficient d’une « dotation annuelle d’un montant égal à celui du traitement indiciaire brut d’un conseiller d’Etat en service ordinaire ». Soit près de 6.000 euros brut par mois. Cette indemnité n’est soumise à aucune condition d’âge, ni même au nombre de mandats. A cela s’ajoute ce qu’on appelle pudiquement des « primes de sujétions spéciales », dont le montant est tenu secret. Ce texte, qui fait office de référence, est flou : il ne mentionne ni plafond ni limitation de durée. Ainsi Valéry Giscard d’Estaing occupe aux frais du contribuable, depuis plus de trente ans, de splendides locaux boulevard Saint-Germain à Paris. Jacques Chirac bénéficie lui aussi d’un somptueux appartement rue de Lille. Sarkozy n’a pas de logement mais il dispose toujours d’un directeur de cabinet, d’une conseillère diplomatique, d’une chargée de la communication, de deux secrétaires, d’un intendant, de la protection rapprochée d’une équipe de sécurité comprenant au moins deux fonctionnaires de la Police nationale, mais aussi une voiture de fonction avec plusieurs chauffeurs, de la surveillance de son domicile personnel – l’hôtel particulier de son épouse, Caria Bruni-Sarkozy -, assurée par des officiers de gendarmerie. Aucune durée n’est prévue. Dans la plupart des pays occidentaux et aux Etats-Unis, ce type de protection policière s’arrête au bout de dix ans. Mais nous aimons jouer les riches en France.

Et si nous cessions toutes nos largesses envers l’étranger tant que nous ne sommes pas revenus à l’équilibre financier ? Cessons les effacements de dettes (sauf si la nôtre est effacée aussi). Entre 2 et 3 milliards d’euros seraient pris dans les poches du contribuable pour financer l’AME (Aide Médicale aux Etrangers), du tout gratuit alors que les remboursements ne cessent de diminuer pour les assurés sociaux français. D’après le Figaro,  l’A.M.E. «Budgété à 40 millions d’euros dans la loi de finances 2013, l’État estime qu’à la fin de l’année, cette aide se montera à 120 millions d’euros.» soit le triple du montant initialement prévu.

Pourquoi vit-on dans une pétaudière dirigée par Ubu ?

Parce qu’on se tait trop souvent. Réveillons-nous.

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4 réponses à “Fichus, foutus…”

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