Il y a déjà quelques années que j’avais écrit sur la désobéissance civile, ce refus assumé et public de se soumettre à une loi ou à un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, et sur la résistance fiscale. La révolte classique tend à opposer la violence à la violence, la désobéissance civile est plus subtile, c’est le refus d’être complice d’un pouvoir jugé illégitime et de nourrir ce pouvoir par sa propre coopération.
La désobéissance, c’est de la résistance, l’idée de provoquer un véritable débat public pour faire évoluer ces lois, ces règles, ces choix contestables, que ce soit en faveur de l’environnement, des droits humains ou des dépenses, des choix budgétaires.
L’idée de la résistance à une loi injuste a existé depuis bien des siècles, la jus resistendi (« droit de résistance ») du droit romain en est la preuve.
La Boétie (l’ami de Montaigne), au XVIe siècle, a démontré l’efficacité de cette forme de résistance dans le « Discours de la servitude volontaire » : le pouvoir d’un État repose entièrement sur la coopération de la population. Dès l’instant où la population refuse d’obéir, l’État n’a plus de pouvoir. Un peuple peut donc résister sans violence par la désobéissance et provoquer l’effondrement d’un État illégitime. Montaigne précisait que le pouvoir le plus féroce tire toute sa puissance de son peuple (exemple: l’État nazi) mais il faut une prise de conscience générale et le courage des premiers militants pour que ce principe puisse être efficace (Dès l’instant où la population refuse d’obéir, l’État n’a plus de pouvoir.).
C’est ce qu’ont fait :
- Gandhi en Inde,
- Martin Luther King aux États-Unis,
- Nelson Mandela en Afrique du Sud,
- les Folles devenues les Grands-Mères de la Place de Mai en Argentine.
Le principe est utilisé aujourd’hui au sein des démocraties pour lutter contre certaines lois lorsque les militants estiment que la légalité, qui dépend de la majorité et/ou d’une certaine inertie, ne parviendra pas à modifier ces lois.
La désobéissance est illégale par définition mais elle est non violente. Cependant, certaines actions en France ont abouti à la dégradation de biens privés (par exemple les faucheurs volontaires).
Si certains ne voient dans ces actions que la dégradation, la révolte d’individus malfaisants ou de groupes isolés plus ou moins anarchistes (ex. : ZAD Notre-Dame-des-Landes), d’autres y voient un acte salutaire d’action directe visant à faire modifier la politique des autorités.
Malheureusement, de nos jours, en France, on voit bien que la violence est utilisée par l’État contre des manifestants non violents comme des soignants.
Or, quand un État se concède le «monopole de la violence physique légitime», la démocratie disparait et c’est la dictature qui s’installe. Il faut alors des résistants à la violence étatique, prêts à donner leur vie. Derrière celui qui donne sa vie (toute la durée de sa vie comme Mandela, ou son sang, Luther King) à une cause qu’il juge juste, combien en bénéficient ensuite ? C’est le sacrifice du meneur.
Pour les plus chrétiens, un petit rappel des mots d’une chanson de Guy Béart :
Un jeune homme à cheveux longs grimpait le Golgotha
La foule sans tête était à la fête
Pilate a raison de ne pas tirer dans le tas
C’est plus juste en somme d’abattre un seul homme.
Laisser un commentaire