Ma chère Geneviève m’a titillé en se demandant d’où venait l’expression « casse-pied », alors comme je ne pouvais rester silencieuse sur le sujet, voilà ce que je peux lui dire, à elle qui n’est pas le moins du monde casse-pied (au moins pas avec moi ; je laisse aux autres la liberté de se prononcer).
Je crois indispensable de commencer par expliquer cette expression qui est tombée en désuétude depuis quelques années. En effet, on ne dit plus guère «Casser les pieds de quelqu’un», on casse désormais d’autres parties.
« Casser les pieds de quelqu’un » c’est ennuyer fortement et souvent par des futilités ou imposer sa présence physique de manière inopportune. En résumé : embêter, ennuyer, importuner.
L’association du verbe casser avec un nom d’organe trouve sa source dans l’expression “rompre les os” du XIIe siècle. Cependant l’idée d’importuner vient de la locution de 1450 “casser la cervelle”. Plus tard, vers 1890, cette expression se transformera en “casser les oreilles” ou “casser les pieds” et gardera la signification de déranger quelqu’un.
« Casser les pieds » trouve son origine dans l’argot de la fin du XIXe siècle. Maintenant, pourquoi dire casser les pieds quand écraser les pieds semble plus réaliste ? L’expression évoque une douleur pénible, le verbe « casser » est à donc prendre dans le sens d’écraser.
Dans cette locution d’origine argotique, le pied est l’équivalent « euphémistique » d’autres mots dont l’association avec casser est nettement plus claire. En outre, comme le pied, en argot c’est la «part», la part du butin (prendre son pied) et, de la part ou parties, le jeu de mot était aisé. On en arrive au plus courant « casser les couilles » (extrêmement douloureux, paraît-il).
La langue populaire actuelle est même arrivée à supprimer l’organe agressé et par simplification, on dit « tu me les casses » (laissant ainsi à l’interlocuteur le choix de la partie malmenée) ou « tu me les brises » (laissant toujours un certain flou planer), on peut acheter menu, « briser menu » et utiliser aussi le verbe péter, qui donne « pète-couilles ».
Savez-vous qu’il existe un équivalent avec « casser les noisettes » ? Dans la langue populaire, la créativité est sans limite.
Un exemple : — Oh, ça va ! arrête de jacter tout le temps… tu nous casses les burnes ! — (Alphonse Boudard, Les matadors,1966, Plon)
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Petite leçon de grammaire pour terminer : il existe l’adjectif « casse-pied »dont le masculin et le féminin sont identiques qui signifie : ennuyeux, horripilant et dont le pluriel peut se former ainsi : « Elle est casse-pied » et « ils sont casse-pieds ».
J’espère ne vous avoir rien cassé. Bonne journée !
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