« Kank la min lé tann, lo vant’ lé vide », traduction « Quand la main est tendre, le ventre est vide ». Encore un proverbe créole qui peut se rapprocher de cet autre : « Sak lo zong lé gran lé pa gras » (celui qui a les ongles longs n’est pas gras). Tous les proverbes ne sont pas vrais. Je vais vous le montrer.
Pourquoi les proverbes ne sont-ils pas toujours vrais ? Tout simplement parce que les proverbes sont l’expression de la sagesse populaire et que souvent, « les gens de la Haute » ne sont pas concernés.
Pour la noblesse française, travailler c’est déchoir ; le travail manuel est une servitude. Les nobles ont les mains douces, les ongles longs et le ventre plein. Les gros bourgeois ont fait pareil : de belles manières apparentes et pendant longtemps de belles bedaines pour les hommes.
Il semble que les interdits, concernant la déchéance des nobles, changent selon les époques, les régions et se sont appliqués à travers l’Europe, j’ai relevé que, pour ne pas « déchoir » de leur rang, les nobles ne devaient pas se livrer à des activités viles comme l’usure, le commerce et la majorité des artisanats mais que certaines activités étaient compatibles avec leur position : la verrerie, la forge, le commerce de la mer, le dressage des animaux nobles (chevaux, chiens, rapaces…) ; puis ont été ajoutés d’autres métiers : l’enseignement, les carrières juridiques et judiciaires, la médecine excepté la chirurgie et l’obstétrique, les sciences comme l’horlogerie, l’astronomie…, etc. Ça, c’était avant, aujourd’hui les nobles commercent, sont saltimbanques et ont perdu, eux aussi, le sens de l’honneur. Des emplois pas trop manuels quand même : mode, chanson, spectacle, immobilier… Je ne peux m’empêcher d’ajouter « La min lé tann, mé lo vant’ lé pas vide. »
En ce qui concerne le commun, jadis les travailleurs du peuple maniaient la pioche, la scie, le marteau, des outils divers pour gagner leur vie à la sueur de leur front (depuis leur bannissement du jardin d’Eden). Les roturiers avaient, en général, mains caleuses, dures et épaisses ; a contrario, une main tendre était signe de paresse. Aujourd’hui nombreux sont les hommes qui œuvrent dans un bureau, tapotant les touches d’un ordinateur à longueur de journée, ils ont les mains propres, fines, douces et tendres, les ongles même un peu longs, bien taillés et ces hommes n’ont pas le ventre vide car ils ont souvent largement de quoi manger, par contre, les travailleurs manuels sont plutôt boudés à croire que tout le monde veut être considéré comme un intello. Bizarre, aujourd’hui les individus veulent une chose et son contraire : on se moque des intellos, on les envie ; on veut travailler mais sans se salir, ni faire d’efforts ; avoir un salaire, ne pas payer d’impôts ; et être généreux avec l’argent des autres…
Je reviens aux ongles longs et j’ajoute que les dames et les demoiselles de notre époque ont de fort longs ongles, soignés, plus que décorés et résistants qui ne les empêchent pas de travailler, ou presque. Dans un bloc opératoire, les infirmières ne peuvent pas avoir de trop longues griffes avec les gants stériles. Impossible d’être potière aussi. Sur un clavier d’ordinateur ? Oui ? C’est à voir pour l’efficacité… Quoi qu’il en soit les ongles longs ne sont pas vraiment un handicap pour les femmes.
Autre point que j’ai relevé : mains douces et ongles longs ne sont plus liés à la minceur ou à la maigreur, au contraire combien de femmes sont grasses avec cette épidémie du XXI° siècle : l’obésité ? Il n’y a plus de travail de force, ni de famine et nous abusons du sucre. Peu de sport, pas d’efforts, du gras encore et encore.
Je termine avec ces « Kank la min lé tann, lo vant’ lé vide » et « Sak lo zong lé gran lé pa gras », en précisant que je ne peux m’empêcher de penser aux joueurs de foot et aux autres sportifs, artistes dont les mains ne sont pas caleuses, les ongles sont soignés, qui ne sont pas gras car ils font attention à leur(s) forme(s) en s’offrant grâce à leurs rémunérations faramineuses des soins en tous genres.
Autres temps, autre mœurs. Les proverbes ne signifient plus grand chose aujourd’hui tout comme les dictons attachés au climat. « Y a plus d’saisons, ma bonne Lucette ! ».
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