Être ou ne pas être… Être ou ne pas être, telle est la question d’Hamlet, le héros éponyme de la plus longue pièce et et l’une des plus célèbres de William Shakespeare. En voici quelques mots :
Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter par une révolte ? …
Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations et les dédains du monde, l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté, les angoisses de l’amour méprisé, les lenteurs de la loi, l’insolence du pouvoir et les rebuffades que le mérite résigné reçoit des créatures indignes, s’il pouvait en être quitte avec un simple poinçon ?
La question d’Hamlet (et des autres humains) ne se pose que lorsque la vanité du monde apparaît à un individu ; il faut avoir souffert (chagrin, misère, maladie…) et enduré des rebuffades multiples pour être accablé au point de se demander si l’on peut continuer à vivre. Pourquoi vaut-il mieux être que ne pas être ? La crainte de l’au-delà incite certains à survivre : qui sait si les souffrances de l’autre côté ne sont pas pires ? D’autres au contraire sont sûrs d’atteindre un paradis, alors…
La réponse est en général liée à l’époque, celle d’Hamlet est une réponse chrétienne avec la présence d’un Dieu-juge rendant la vie infernale aux suicidés n’ayant pas assumé leur existence terrestre : dans ce cas le suicide est lâcheté. Aujourd’hui, pour d’autres que les chrétiens, une forme de suicide-sacrifice est courageuse, ils se « kamikazent » dans l’espoir d’un paradis où soixante-dix ou soixante-douze vierges (en clair, beaucoup) les attendent. Ceux qui terrorisent le monde au nom d’une religion sont des fanatiques, des fous qu’il faut arriver à tout prix à faire taire. Assez de l’obscurantisme moyenâgeux ! Je rêve d’un XXIeme siècle des Lumières mais le XVIIIeme (siècle des Lumières, mouvement intellectuel européen, de 1715-1789) s’est mal terminé. Une révolution. Faudra-t-il en passer par là à nouveau ?
Une chose est sûre, je suis contre l’obscurantisme et la haine mais je n’aime pas non plus les mots d’ordre, alors ce « Je suis Charlie » m’a contrariée.
« Être ou ne pas être… Charlie »…
C’est quoi ce « Je suis Charlie » ?
J’ai préféré le «même pas peur» ou en anglais «not afraid». C’est cela qu’il faut crier « je n’ai pas peur », pas peur de dire ce que je pense, pas peur de vous les terroristes, vous et vos menaces. Et pourtant, comme tous les humains j’ai la trouille au fond de moi mais je chasse cette peur car c’est le courage qui nous sauvera toujours.
Mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux disait Emiliano Zapata. Si le « je suis Charlie » signifie « même pas peur » alors d’accord, mais si c’est une déclaration pour faire partie de la majorité voyante, alors non : j’aime trop la sincérité pour hurler avec les loups sans réfléchir.
Combien de ceux qui arboraient cette affichette « je suis Charlie » avaient lu « Charlie Hebdo » avant ?
Combien connaissent l’histoire de Charlie Hebdo : ses agonies, ses morts, ses résurrections, ses changements de nom, de patron… ?
Combien avaient critiqué les prises de position de « Charlie Hebdo » avant ?
Combien avaient critiqué la publication des caricatures d’Allah ?
La plupart des Charlie qui ont défilé dans la rue ou se déclarent Charlie sur les réseaux sociaux s’indigneront bientôt contre un chroniqueur dénoncé par les célébrités, les dirigeants ou la presse bien-pensante.
Il faut toujours réfléchir et si être Charlie, c’est être courageux, défendre la liberté d’expression, être Charlie, c’est accepter, au nom de la liberté d’expression, qu’on puisse affirmer que le 11 septembre 2001 fut un complot, que le réchauffement climatique est une foutaise, que les chambres à gaz n’ont jamais existé, que l’islam est la religion la plus sanguinaire, que tous les musulmans sont des barbares, que les juifs dominent le monde, que la pédophilie est une pratique sexuelle saine, que Dieu a créé le monde en sept jours et même que Charlie Hebdo était un torchon… Eh oui, dans un monde libre, n’importe qui peut dire n’importe quoi ; il faut rester sensé et il ne faut pas croire tout ce qui est dit ou écrit.
Être Charlie, c’est rejeter les menaces et la violence contre la liberté d’expression mais attention il ne faut jamais oublier que la violence peut venir du gouvernement, d’un dirigeant, des médias établis, d’autorités religieuses. Il faut rester sans cesse vigilant.
Mais surtout il faut avoir une pensée réfléchie et libre.
Laisser un commentaire