Pourquoi tant de problèmes à La Réunion ? Hier je constatais que certains jeunes braillards mettaient la pagaille. Des sauvageons, comme disait Jean-Pierre Chevènement. Je pense que l’assistanat et l’absence d’éducation parentale ont conduit à ces débordements mais le mal est très profond. En métropole, l’immigration est l’origine de tous les maux, à la Réunion, on évoque l’esclavage. Il faut bien trouver un responsable.
Qu’est ce qui s’est passé sur l’île pour que la situation évolue si vite vers ce mal-être et ces émeutes ?
En moins de trente ans, la société locale est passée d’une forme de société coloniale (j’ai lu le mot «commandeur» dans la rubrique «profession des parents»), d’une économie rurale à une organisation moderne, complexe.
La radio et la télévision, qui se sont développées dans les années 1980, ont envoyé à la figure des Réunionnais, la publicité, la violence et une certaine immoralité. La société réunionnaise contemporaine est donc la résultante d’un télescopage entre la tradition locale, rurale et familiale et une société «moderne» aux mœurs libres, assistée et consommatrice.
Pendant longtemps, la monoculture de la canne à sucre et l’esclavage ou l’engagisme ont profité à un groupe minoritaire qui détenait le pouvoir économique et politique. Le reste de la population vivotait et respectait l’ordre établi : chacun prenait la place qui lui était destinée ; la structure familiale était nette et la solidarité fonctionnait. Il y avait les gros blancs riches, les petits blancs (quelquefois pauvres), les Zarabes, les Malbars, les Cafres, les Chinois et de rares «zoreilles». Chacun chez soi mais une entente apparente et réelle basée sur le respect.
Lorsque l’île est passée, en 1946, du statut de colonie à celui de département, les choses ont changé pas vraiment en mieux, la modernisation a consisté en une destruction pure et simple de la société traditionnelle et il y a eu des abus : papa Debré n’était pas aussi bon qu’on a voulu le faire croire (il suffirait de demander aux «enfants de la Creuse» ce qu’ils en pensent, mais ça, c’est une autre histoire).
Ce n’est qu’au milieu des années 1960 que la départementalisation a commencé à produire des effets réels sur la condition sociale, sanitaire et économique de la population réunionnaise. La solidarité anonyme gérée par l’État et les Institutions a remplacé peu à peu la solidarité familiale ou ethnique et l’école a été considérée comme moyen de promotion sociale, de lieu d’ouverture au progrès et de rupture avec le milieu d’origine. Les années 1970 ont vu la naissance d’une «élite» intellectuelle réunionnaise, ce n’est pas Mémona Hintermann-Afféjee, par exemple, qui me contredirait, elle qui vient du lycée du Tampon. Les bourses d’études ont permis à des jeunes réunionnais de se faire une place (au soleil ou ailleurs).
Les choses se sont gâtées dans les années 1980 quand l’aide sociale a été distribuée de plus en plus généreusement, ce qui a fait exploser la famille et oublier les règles morales. Il fallait accorder des allocations mais contrôler, limiter. Les abus sont les mêmes de partout à travers la France : maternités précoces, familles monoparentales de quatre, cinq enfants (ou plus), bourses scolaires accordées sans obligation de résultats ni même de présence en classe, délaissement des enfants, travail au noir…
Dans les années 1990, les choses ont encore empiré. L’école a perdu son crédit : les formations ne débouchant pas sur des emplois, on a considéré qu’elle ne servait à rien. Utilitarisme. Les enseignants n’étant plus respectés, les parents plus obéis, combien d’élèves quittent le système scolaire à seize ans ou avant sans formation professionnelle et sans même maîtriser les acquis de base ? Ce sont ceux-là même qui aujourd’hui crient le plus fort.
En plus il y a la crise, mondiale, qui voit l’augmentation des prix des matières premières, la diminution du pouvoir d’achat et cette information permanente, incomprise, manipulée… et le désespoir qui gagne et qui s’exprime de manière différente.
Qui sont les plus malheureux ?
A quoi bon le savoir si nous n’avons pas de remède ?
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