Le pain

Comme la bonne vieille sagesse populaire m’a toujours (ou presque) réconfortée et comme j’aime les mots, je vais me distraire un moment avec quelques expressions relatives au pain, longtemps essentiel de l’alimentation. « Manger son pain noir avant son pain blanc » me laisse quelques espoirs… mais l’inverse se dit aussi « manger son pain blanc en premier« .

Dans ce cas-là,  c’est passer d’un état heureux à un autre qui ne l’est pas ou qui l’est moins. Cette expression est attestée en 1515 chez le poète Guillaume Dubois, dit Guillaume Crétin (euh, pourquoi ? crétin=petit panier) ou Chrestien. A cette époque le pain était la base de la nourriture (Parmentier n’avait pas encore importé les pommes de terre), le pain était généralement une « chose » grisâtre, noirâtre même, il n’y avait pas de farine blanche, débarrassée de ses impuretés comme celle d’aujourd’hui, mais c’était du pain et il remplissait l’estomac. Lorsque le petit peuple pouvait avoir accès à une farine plus propre et fine, celle généralement réservée à la haute société, il ne se privait pas de faire du pain plus clair que d’ordinaire, du pain blanc (bien loin de la blancheur actuelle) à la qualité et au goût supérieurs au pain quotidien si sombre. Ces gens avaient tendance à  manger le pain blanc en premier, faiblesse bien compréhensible, se condamnant à partager le moins bon plus tard.

Cette ancienne métaphore, qui est à rapprocher du dicton « si tu manges ton pain blanc en premier, tu manges ton pain noir plus tard », a depuis longtemps quitté le four à pain et la cuisine pour se généraliser à toutes occasions où on a commencé par faire les choses agréables (« manger le pain blanc ») sans toujours savoir qu’on devrait ensuite subir des désagréments divers (« le pain noir » qu’on a aussi appelé « le pain noir de l’adversité »).
Elle s’emploie généralement a posteriori, lorsqu’une personne a bien profité de quelque chose (d’une situation aisée, en général) et s’en trouve complètement démunie par la suite.

En ce qui me concerne, je n’étais pas si mal ici, mais je devais changer, les habitudes sont pesantes, écrasantes.  En ce moment, j’en bave des ronds de chapeau (clic ICI) déménagements, emménagements… Pourquoi ? Parce que je veux trop en faire ; je voudrais laisser tout en ordre mais ça ne semble angoisser que moi. Alors… lâcher prise ? Tourner la page. Fermer la porte. Changer d’air. Pain noir, pain blanc, la roue tourne… Vivre, c’est prendre des risques, non ?

Je reviens à mon pain de départ… En argot, quelques expressions sont claires (j’aime beaucoup la langue verte ce qui m’a valu des remarques désobligeantes de la part de certains « bas bleu » ; je m’en moque, je garde ma liberté de penser et de parler) :

– « Perdre le goût du pain« , c’est mourir.
– « Faire passer le goût du pain« , c’est tuer.

et « coller un pain à quelqu’un » signifie le frapper. Ce n’est pas pour cette raison que « le pain d’autrui est amer » mais plutôt parce qu’il est désagréable de vivre de la charité d’autrui (quand on a le sens de l’honneur).

Tout le monde sait aussi que « là où pain fault (=manque) tout est à vendre » (ce qui fait en ce moment la fortune des « cash converters » ou leurs pareils qui ne sont que des voleurs patentés ; le Mont de Piété était moral, lui, il prêtait de l’argent. Ces nouveaux « services » d’achat de biens sont honteux, ils rachètent vos biens « pour moins qu’une bouchée de pain », j’ai testé leurs tarifs de reprise et j’ai préféré donner à Emmaüs plutôt que de gagner 2€. Et chez Emmaüs, c’est rapide.

Les plus démunis vivent trempant leur pain de larmes, réduits au désespoir et au pain sec, espérant la nuit pour dormir et oublier ces journées difficiles, « longues comme les jours sans pain« . Les pauvres savent qu’ »il vaut mieux pain sans nappe que nappe sans pain« mais aussi que « Nul pain sans peine« , que « les mains noires font manger le pain blanc » (le travail procure l’argent, encore faut-il pouvoir trouver un emploi et le garder).

A tous ceux qui se plaignent d’être mal reçus en France, on peut répondre « A l’autre huys (=porte) on donne deux pains« .

Je pense à une autre expression « Donner du pain de chapitre à quelqu’un« , c’est-à-dire lui faire des reproches et, de fil en aiguille j’en arrive à l’histoire de l’étranger à qui les villageois reprochent de venir manger le pain des gens du cru (des Français, par exemple), ledit étranger (arabe, pourquoi pas ?) lassé par la xénophobie s’en va, quitte le pays laissant les habitants dans l’embarras puisqu’il était LE BOULANGER.

Il ne faut pas « laisser manger son pain » (faire preuve de lâcheté) mais il faut réfléchir un peu de temps en temps : combien d’immigrés ont aidé la reconstruction du pays et participent activement en bons citoyens à la vie de la communauté nationale ?

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