Corruptissima republica

Aujourd’hui pas de créole, mais un peu de latin. Fallait-il traduire ces mots ? Corruptissima republica. Issima, superlatif : la plus, très. La plus corrompue des républiques. La sentence complète « Corruptissima republica plurimae leges » que l’on pourrait traduire « plus l’État est corrompu, plus les lois se multiplient ». (Tacite)

Pour les Chinois et selon Lao-Tseu, « plus il y a de lois, plus il y a de voleurs ». Cercle vicieux, non ?

Les Romains étaient des gens sensés, organisés sans aucun doute, avant la chute de leur empire. Certains avaient senti la fin, puisque dans les lettres latines, « Le Satyricon », on peut lire « Quid faciant leges, ubi sola pecunia regnat ? » (Pétrone), Que peuvent les lois, là où ne règne que l’argent ? Ça vous fait penser à quelque chose, à quelqu’un ? A une époque, peut-être ?

Pour revenir au début de mon article : Corruptissima republica plurimae leges, une information qui me semble intéressante ; dans un ouvrage intitulé « Ubu roi, trop de lois tue la loi », le journaliste Philippe Sassier et l’universitaire Dominique Lansoy ont constaté une inflation législative en France. Ils ont recensé près de 10 500 lois, 127 000 décrets d’application en 2008. L’inflation s’accentue, elle est bien française, c’est le résultat d’une manie nationale : à chaque problème, une loi. En 1973, le Parlement produisait 430 pages de lois. Dix ans après, plus de mille (1 000). Aujourd’hui, presque quatre mille (4 000). N’est-ce pas folie ? Qu’en pensez-vous ?

Par exemple, pour une entreprise, sur les trois dernières années, il y a eu au moins six réformes dont l’apprentissage, la formation continue, le départ à la retraite… Et ça continue. Comment une entreprise peut-elle travailler et s’organiser quand tout change tout le temps, quand les règles du jeu, fiscales, sociales  sont aussi complexes et aussi mouvantes, comme dans un jeu où l’on changerait les règles en cours de partie. Sans compter que les députés qui rédigent et votent les lois ne sont pas des juristes de formation, ce qui donne des textes incompréhensibles, contradictoires, inapplicables… mais ils en rédigent encore et encore.

Or, nul n’est censé ignorer la loi, c’est déjà « mission impossible » et ce sera de plus en plus difficile compte tenu du nombre de textes et de leur rédaction « sauvage ».

Plus de mille (1 000) textes législatifs ont été adoptés et promulgués depuis 1981. Sur ces mille textes, 20% environ soit deux cents et quelques, attendent toujours d’être appliqués. C’est ainsi que la loi du 24 janvier 1984 sur les établissements de crédits n’a toujours pas vu la publication des textes réglementaires. Comme la loi du 24 avril 1997 portant diverses dispositions sur l’immigration, aucun décret d’application. Je ne parle même plus de la loi de 2004 sur la laïcité (loi sur le voile). Ces textes non appliqués n’ont pas fait l’objet d’une loi de suppression pas plus que de vieilles lois appliquées jadis mais devenues inadaptées, désuètes ne sont abrogées.  A laquelle faut-il se fier, se raccrocher ? D’où les batailles d’avocats et l’encombrement des tribunaux (il y a bien d’autres raisons, mais chipoter sur le texte semble bien français.)

Aujourd’hui ce sont souvent des lois de circonstances qui sont adoptées pour faire face à un cas précis et surtout pour calmer l’opinion publique (ou encore, mais on ne l’avoue pas, pour faire plaisir à des potes, comme HADOPI ). Au lieu d’être des lois générales, valables pour tous, reflétant la réalité profonde du droit et de la tradition juridique, trop de lois sont comme des règlements intérieurs, de purs textes d’affichage, ce qui entraîne le déclin du droit.

Le déclin du droit, dis-je, entraîne à plus ou moins long terme la mort du véritable état de droit.  Au fond, que le pouvoir législatif soit déconsidéré ne doit pas trop déplaire à l’exécutif, qui garde ses privilèges et peut n’en faire qu’à sa tête. Pour un peu que le pouvoir judiciaire soit aux ordres de l’exécutif, nous sommes dans une république bananière.


Définition de Wikipédia : 
«Le terme de république bananière désigne à l’origine un pays peu développé, dont l’industrie repose typiquement sur la seule production de bananes, et dirigé par une petite ploutocratie autoritaire. Par extension, l’expression est utilisée pour qualifier, de manière polémique ou satirique, toute forme de régime politique considéré comme dictatorial et/ou corrompu.»

Que pensez-vous de Jean-Jacques Rousseau qui écrivait dans   « Le Contrat social » : «Sous les mauvais gouvernements cette égalité (de droit*) n’est qu’apparente et illusoire ; elle ne sert qu’à maintenir le pauvre dans sa misère, et le riche dans son usurpation. Dans le fait, les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à eux qui n’ont rien ; d’où il suit que l’état social n’est avantageux aux hommes, qu’autant qu’ils ont tous quelque chose et qu’aucun d’eux n’a rien de trop.» ? (*) : ajout.

Où en sommes-nous exactement en France aujourd’hui ?

Commentaires

19 réponses à “Corruptissima republica”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *