Sentir le fagot

Bûche, cheminée et hop, dans ma tête, ça crépite, je pense aux feux et aux fagots de sarments de vignes qui brûlaient, dans ma jeunesse, dans la cheminée de ma gand-tante dans un petit village des Corbières. Du feu qui me ramène aux cargolades et aux Cathares, ce qui n’est pas du tout du même domaine mais se rattache à la même région : l’Occitanie.

La cargolade est un plat typique du sud, un plat catalan apprécié aussi du côté des Corbières, chez les « gabachos » (un mot à étudier de plus près). Ce plat se présente sous la forme d’escargots grillés dans leur coquille, avec sel, poivre, piment et herbes. La recette est fort simple, elle consiste à laisser « baver » les escargots sur une grille, pendant la cuisson au feu de bois. Un régal que je n’ai pas dégusté depuis fort longtemps.

Quant aux Cathares, personne ne devrait oublier la croisade des albigeois (1208-1229) qui fut proclamée par l’Église catholique contre l’hérésie des Occitans. La fin définitive eut lieu en 1243 : à la tête d’une armée de dix-mille hommes, Hugues des Arcis, sénéchal du roi de France à Carcassonne et Pierre Amiel, évêque de Narbonne, assiégèrent la forteresse de Montségur. Ce siège durera onze mois environ, jusqu’à l’issue tragique : les assiégés se rendirent le 16 mars 1244 et plus de deux-cent-trente cathares qui ne voulaient pas renier leur foi, montèrent sur le bûcher. (Imaginez la fumée et l’odeur. Catholicisme : une religion d’amour ? Pas toujours. Ici un des excès.)

Voilà qui me ramène à l’expression dont je voulais parler aujourd’hui : sentir le fagot.

Sentir le fagot signifie : être un mécréant, avoir des idées trop libres en matière de religion (donc être promis au bûcher). D’une manière plus générale, elle s’applique à toute personne, toute opinion ou oeuvre à l’origine d’un scandale ou inspirant de la méfiance et susceptible d’être condamnable par la bien-pensance.

D’où nous vient cette expression ?

À une époque, un peu lointaine, au lieu des saucisses, c’étaient des hommes, des femmes et même des enfants que l’on brûlait pour l’exemple et pour se distraire aussi. C’est ainsi que périrent un grand nombre de femmes accusées de sorcellerie et notre Jean d’Arc qu’un certain Cauchon, évêque de son état, pour plaire aux Anglais, fit griller.

Pourquoi brûlait-on sorcières et condamnés ?

  • Parce que la guillotine n’existait pas, pas plus que la chaise électrique et qu’il fallait bien trouver un moyen, douloureux de préférence, pour trucider le condamné à mort. Le bûcher offrait un beau spectacle.
  • L’empreinte et le bilan carbone n’étaient pas encore pris en considération.
  • La raison principale était que tous les croyants étaient persuadés qu’en les brûlant, la résurrection des condamnés serait impossible, l’âme étant autant carbonisée que le corps (ceci explique que, jusqu’en 1963, l’Église catholique refusait catégoriquement la crémation qui est maintenant tolérée, sous certaines conditions).

Ces grands feux (de loi et de joie parfois) étaient constitués de bûches entourées de fagots de petit bois entassés de manière à démarrer le feu et le propager rapidement aux bûches placées autour du poteau où le condamné était attaché.

C’est de cette joyeuse pratique que notre expression est née au XVIe siècle, expression d’abord utilisée pour les personnes considérées comme mécréantes ( Dieu sait qu’au cours de guerres de religions, les mécréants sont nombreux, les uns sont les mécréants des autres) avant de s’étendre à tout ce qui est considéré comme subversif.

Et vous, sentez-vous le fagot ?

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