Non, je ne fais pas dans la noirceur. Je veux juste regarder une fois de plus les choses en face.
Dans les années 1970, il y avait environ 16 000 morts sur les routes de France. En 1973 (l’année de mes vingt ans), Mazamet comptait 16 610 habitants, chiffre qui correspondait exactement au nombre de morts sur les routes de France cette année-là.
A l’époque, les habitants de Mazamet s’étaient couchés dans les rues pendant quinze minutes, silencieux et immobiles, pour illustrer le caractère inacceptable de ce bilan. Véritable électrochoc dans l’opinion publique, cet événement a été le point de départ d’une prise de conscience collective sur la question de l’insécurité routière.
Aujourd’hui le chiffre se situe dans la tranche des 3 000, plus près des 4 000 mais c’est quatre fois moins de tués qu’avant. Bravo !
A qui au juste ? Aux moniteurs d’auto-école qui donnent de meilleurs cours ? Aux inspecteurs du permis de conduire qui sont moins laxistes ? Aux gendarmes, aux policiers, aux radars qui nous surveillent ? Aux constructeurs de voitures qui équipent mieux leurs engins ? A nous qui serions plus responsables ? Je n’ai pas de réponse catégorique.
Donc, en résumé, nous avons bien progressé dans le domaine de la sécurité routière.
Alors pourquoi ne fait-on pas autant d’effort en ce qui concerne les autres morts violentes en France ? Oui, je pense au suicide mais aussi à d’autres morts inexcusables dont je parlerai une prochaine fois. Nous savons que la mort est l’issue fatale d’une vie mais les «accidents» devraient être évités, partout.
Pourquoi n’éprouvons-nous pas la même compassion pour les morts beaucoup plus nombreuses liées aux maladies ou aux suicides causés par la misère et le chômage ? Savez-vous ce qui se passe dans la tête d’un chômeur ? Quels que soient son âge, son statut, sa formation, le manque d’emploi, de revenus entraine une disparition de la vie sociale. Le chômeur se renferme et selon la qualité de son entourage, il sombre plus ou moins vite. S’il existe bien des individus qui exploitent un système qui indemnise quasiment sans contrôle ceux-là mêmes qui en profitent pour travailler au noir, combien n’ont que des revenus minimaux et survivent tant bien que mal, désespérés ?
Je reprends des chiffres : moins de quatre mille morts sur la route. 4 000.
Suicides réussis, c’est-à-dire suivis de mort : douze mille. 12 000.
Oui, trois fois plus.
Pourquoi ce silence assourdissant ?
Un suicide toutes les 50 minutes en France.
Environ 160 000 tentatives par an.
Plus de 10 000 morts chaque année.
60 % des personnes ayant fait une tentative de suicide répètent leur geste.
Le nombre des tentatives est sous-estimé ; la comptabilisation se fait par l’activité des urgences hospitalières et toutes les tentatives ne font pas l’objet d’une hospitalisation.
Le suicide est souvent en relation avec un autre phénomène majeur de notre société : l’alcoolisme mais force est de reconnaître que le chômage, la précarité, la pression professionnelle et le relâchement des liens familiaux et sociaux accentuent le risque.
Le suicide reste, à bien des égards et dans tous les milieux, un sujet tabou. Il est intéressant de constater que, d’après une enquête de la SOFRES 70% de la population et 90% des adolescents souhaitent que l’on parle du suicide.
« On se suicide parce qu’il est quelquefois plus difficile de vivre que de mourir, parce qu’une immense détresse intérieure trouve son issue dans la fuite d’un environnement devenu intolérable. »
Le mal-être s’accroit. Attention aux chiffres qui vont venir…
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